A - Le bouleversement du régime de la
responsabilité
Les dirigeants sociaux ont des pouvoirs de contrôle et
de direction très étendus. Dans cette logique, ils engagent en
principe la société dans tous les actes de gestions qu'ils
posent. En contrepartie de ces prérogatives, ils peuvent voir leurs
responsabilités individuelles ou solidaires engagées. Cependant,
ayant également acquis le statut de salarié, ils voient aussi
leurs responsabilités s'agrandir, bouleversant le contenu tant sur la
responsabilité qu'il devait personnellement endosser (1) que sur celle
que la société doit assumer à sa place (2).
1- La responsabilité personnelle du
dirigeant-salarié
Individuellement, le dirigeant salarié peut voir sa
propre responsabilité engagée en sa qualité de mandataire
social ou de salarié, tant sur le plan civil que pénal.
La responsabilité civile du cumulard peut être
engagée du point de vue de sa qualité de dirigeant, pour des
fautes de gestion commises dans l'exercice de son mandat social76,
en violation des statuts77, et ayant causé un
préjudice à la société à travers une action
sociale. L'action en réparation du dommage subit par la
société doit être intentée par ce même
dirigeant (action ut universi)78 ; mais si ce dernier ne le
fait pas, la demande pourra être portée par un ou plusieurs
actionnaires (action ut singuli)79.
75 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars
2012 : ohadata J-14-94 ; C.Cass. Française, Soc, 15 octobre 1970 - Bull
civ, n°534. La fraude peut être liée au fait que le contrat
de travail n'a été conclu que dans l'unique dessein d'entraver
l'application d'une règle d'ordre publique comme le principe de la
révocation ad nutum.
76 Il ne faut pas systématiquement assimiler
les erreurs de gestion aux fautes de gestion. Le caractère fautif de la
gestion pourra se déduire du comportement malhonnête ou
négligent du dirigeant.
77 Articles 330 et 740 de l'AUSCGIE.
78 Article 166 de l'AUSCGIE.
79 Article 167 de l'AUSCGIE.
22
Les tiers peuvent également exercer une action
individuelle dans le but de mettre en oeuvre la responsabilité
individuelle du dirigeant qui dans l'exercice de ses missions, leurs a commis
du tort80. Certes, le principe est celui de la responsabilité
de la société, mais l'exception est la responsabilité
individuelle des organes ou représentants en cas de faute
personnelle81. En l'absence de précisions législatives
sur la nature réelle de cette faute, la jurisprudence comparée
nous propose de retenir à ce titre qu'il s'agit d'une faute
intentionnelle, d'une particulière gravité, séparable ou
incompatible des fonctions normales, d'où la théorie de la faute
séparable des fonctions82. La procédure voudrait que
la tierce victime exerce l'action contre la société du dirigeant.
Il revient à cette société de démontrer que la
faute du dirigeant lui est personnellement imputable comme
susmentionné.
La responsabilité civile du cumulard peut
également être engagée du point de vue de son contrat de
travail. À ce niveau, c'est un salarié qui est poursuivi. Ainsi,
il lui sera très souvent reproché l'inexécution
personnelle ou la mauvaise exécution du travail promis.
Sur le plan pénal, en sa qualité de dirigeant
social, la responsabilité du dirigeant-salarié peut être
engagée par la société pour des infractions aux
dispositions législatives83 commises pendant l'exercice de
ses fonctions84. Ces infractions peuvent être de commissions
tel qu'un abus de biens sociaux85, ou d'omissions tel que le
défaut de provocation de la désignation des commissaires aux
comptes ou la non convocation de ces derniers aux assemblés
générales86. En sa qualité de salarié,
ce dernier peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il manque
à ses obligations morales de confidentialité et de loyauté
en divulguant par exemple illégalement, le secret
professionnel87. Certains actes de ce dirigeant-salarié
engage inéluctablement la responsabilité directe de la
société.
|