1- La distinction des fonctions techniques des fonctions
sociales
Le dirigeant social cumulard est appelé à
exercer les tâches sociales qui lui sont dues en vertu de son mandat
social avec des tâches salariales résultant de son contrat de
travail. Cette situation étant de nature à créer un risque
de confusion entre les deux fonctions, le cumul ne sera admis que lorsque les
fonctions sociales ou administratives (contrôle et direction de
l'entreprise) seront indépendantes et facilement dissociables des
fonctions techniques issues du contrat de travail. C'est l'exigence que posait
déjà la Cour commune de justice et d'arbitrage en
201253.
Cette distinction est facilement observable lorsque le contrat
de travail est antérieur au mandat social, et c'est une des raisons pour
lesquelles en France, à la différence de la zone OHADA, il est en
principe interdit aux administrateurs de devenir également
salariés de la même société54.
Ainsi, les juges pour constater si les conditions sont
réunies, ne se bornent pas simplement à observer l'existence d'un
contrat de travail, mais s'assurent que les tâches qui y sont
précisées correspondent à des fonctions techniques
existantes dans l'entreprise55 et que leurs exécutions ne
donnent pas lieu à confusion avec les tâches liées à
la qualité de
52 Art. 23 du Code du travail camerounais.
53 CCJA, 1ère chambre arrêt
n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-90.
54 Article L. 225-2-1 du code de commerce
français. L'administrateur qui désire avoir un contrat de travail
avec la société qu'il contrôle doit démissionner de
son poste. Encore faut-il que cette démission ne constitue pas une
fraude : ce sera le cas lorsque la démission ne sera pas publiée
et que la conclusion du contrat de travail suivra immédiatement.
Cependant, l'administrateur peut l'obtenir à condition que son
entreprise soit une PME au sens de l'article 2 de l'annexe à la
recommandation 2003/361/ CE de la Commission Européenne, du 6 mai 2003,
concernant la définition des micros, petites et moyennes entreprises.
55 Dans ce sens, il est conseillé aux
parties au contrat de travail, de le rédiger par écrit, et y
préciser ainsi que dans les bulletins de salaire, la nature et la
qualité des tâches à exercer.
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mandataire social. C'est d'ailleurs la position retenue par la
CCJA dans l'affaire opposant la Banque Nationale d'Investissement de Côte
d'Ivoire dite BNI à sieur AKOBE Georges56.
Dans cette recherche, il serait convenable pour les juges
comme l'a si bien relevé un auteur, de considérer que la fonction
de mandataire social relève de l'objet social statutaire de la
société tandis que les fonctions techniques du contrat de travail
relève de son objet social réel, c'est-à-dire de
l'activité réellement exercée57. Ainsi,
implicitement, il semble que la dualité de fonctions ne soit possible
que dans les entreprises de grandes tailles dans la mesure où le risque
de confusion est moins grand58.
Cependant, il importe de préciser qu'en droit OHADA, un
grave danger plane avec les comités d'études prévus
à l'article 437. En effet, rien n'empêche à un
administrateur, membre d'un comité, de devenir salarié et rien
n'empêche également à un administrateur-salarié
d'être membre d'un comité d'entreprise, or il s'avère que
les tâches du comité d'entreprise ne sont pas loin d'être
des fonctions techniques. Les membres de ces comités risquent de se
prévaloir de ce statut et de ces tâches pour prétexter
l'existence d'un contrat de travail. Une précision législative
est alors nécessaire à ce niveau.
Il serait en outre plus sécurisant d'exiger des
salariés qui deviennent dirigeants sociaux, de suspendre automatiquement
le contrat de travail lorsque les fonctions sociales sont susceptibles
d'absorber les fonctions techniques du travail59, eu égard au
fait que cette suspension n'entrave pas la qualité de salarié.
Cette exigence de la cour de cassation française60 peut se
justifier par la fragilisation du lien de subordination.
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