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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

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« ... C'est la participation qui elle, change la condition de l'Homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre commune..., en apportant soit des capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble une société où tous auront intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct »1.

1 Général DE GAULLE lors d'un entretien télévisé le 7 juillet 1968, cité par COUTURIER (G.), Droit du travail, les relations collectives de travail, 1ère éd., PUF, Paris, 1991, rééd. 1994, p. 265.

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La réussite d'une entreprise est absolument tributaire de sa gouvernance. « La gouvernance d'entreprises est le système par lequel les entreprises sont gérées et contrôlées »2. C'est après les grands scandales financiers du début des années 20003, que les réflexions sur cet élément vital du fonctionnement de l'entreprise vont s'intensifier. Recherchant les meilleures pratiques de fonctionnement des entreprises, l'on proposa de quitter du modèle purement actionnarial de la gouvernance qui prévalait, pour un modèle plus participatif, ou une gouvernance « intégrée »4, modèle jusque-là peu sollicité. Il s'agissait plus précisément, d'intégrer ou de faire mieux participer au fonctionnement de la société, toutes ses parties prenantes5 (approche partenariale de la gouvernance) et en particulier, les salariés : c'est la gouvernance salariale, qui contribuerait à améliorer la gouvernance d'entreprises. En effet, la gouvernance actionnariale, axée sur la primauté des intérêts des actionnaires au détriment de ceux des autres parties prenantes, sous-estimait le rôle majeur de ces derniers dans le processus de création des valeurs ou mieux, dans le fonctionnement de la société. L'antagonisme entre le capital et le travail était alors très accentué6. Le dialogue ne se faisait qu'entre actionnaires et dirigeants. Les salariés ne se reconnaissant pas dans ce modèle, il s'en est suivi une dégradation de la confiance mutuelle entre salariés et dirigeants, un désengagement à l'égard du travail, ce qui impacta très négativement sur la performance de l'entreprise. Face à une telle crise du modèle actionnarial, il devint nécessaire de réformer l'entreprise7, de repenser sa gouvernance en lien avec l'amélioration de la participation des salariés.

2 CADBURY (A.), Report of the committee on the financial aspects of corporate Governance, Gee & co., Londres, 1992, dit Rapport Cadbury, p. 15.

3 Parmi ces scandales, on peut citer, la crise d'Enron en 2001 ; la banqueroute de Vivendi en mars 2003 ; la chute du géant Italien Parmalat en 2003.

4 BENHAMOU (S.), « Améliorer la gouvernance d'entreprises », rapport du centre d'analyses stratégiques, la documentation française, Paris, 2010, p. 20.

5 La notion de « parties prenantes » est apparue aux Etats-Unis au début de la décennie 1980 comme une réaction libérale à la primauté accordée à la valeur financière et à la figure actionnariale. MERCIER (S.), définit les parties prenantes comme « l'ensemble des agents pour lesquels le développement et la bonne santé de l'entreprise constituent des enjeux importants » et dans une approche stratégique, elles sont envisagées comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui peut être affecté par la réalisation des objectifs de l'entreprise ». On distingue généralement les parties prenantes internes (actionnaires, dirigeants, salariés) des parties prenantes externes (client etc.). D'après la théorie des parties prenantes donc, il faut faire intégrer tous ces acteurs dans le fonctionnement de l'organisation. In PRESQUEUX (Y.), « Robert E. Freeman et la théorie des parties prenantes en question », 12 janvier 2017, pp. 3-4. [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/cel-01432945, (consulté le 03 Février 2020, à 15h).

6 FARJAT (G.), Droit économique, 2e éd., PUF, Paris, 1971, p. 93.

7 La réforme de l'entreprise n'est toutefois pas une notion qui date du début des années 2000. L'un des plus importants ouvrages sur la question, qui date de 1963 (BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l'entreprise, le

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Au regard de l'importance des sociétés commerciales pour le développement économique d'un pays, il est logique que la recherche du modèle idoine de gouvernance soit la préoccupation majeure de la branche du droit commerciale qui les régit, entendue comme le droit des sociétés commerciales. C'est ainsi que le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice), certains États africains8 vont créer l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires à travers la signature du traité l'instituant (OHADA)9. Cette institution sera chargée de légiférer sur les domaines favorables au développement économique du continent et à l'attractivité des investissements. Pour cet objectif donc, sera adopté le 17 Avril 1997 l'Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE)10. C'est la principale législation OHADA en matière de sociétés commerciales. À ses côtés pour régir la même matière, l'on adoptera l'Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP)11, et élaborera sans jamais les adopter, le projet d'acte uniforme relatif au droit du travail12 et bien d'autres.

Partant de la définition de la société prévue à l'article 1832 du Code civil13, l'article 4 de l'AUSCGIE conçoit la société commerciale comme la création « de deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui devrait en résulter » tout en contribuant aux pertes. Puisque exceptionnellement, dans les cas prévus par la loi, la société peut être instituée par l'acte de volonté d'une seule personne appelée « associé unique »14, elle est donc, un acte par lequel, une ou plusieurs personnes

Seuil, Paris, 1963), la conçoit comme l'actualisation de l'organisation de l'entreprise destinée à garantir son efficacité économique mais aussi à répondre aux aspirations des salariés.

8 Il s'agit des États membres de l'OHADA dont le Benin, Burkina-Faso, Cameroun, Centre-Afrique, Comores, Congo, Côte d'ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, RDC, Sénégal, Tchad et Togo.

9 Voir, POUGOUÉ (P.-G.) et KALIEU ELONGO (Y. R.), Introduction critique à l'OHADA, PUA, Yaoundé, 2008, pp. 21-23.

10 Adopté le 17 avril 1997, il est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il a ensuite été modifié adoptée le 30 janvier 2014 à Ouagadougou. Pour la petite histoire, avant d'arriver à cette uniformisation, dans la plupart des États membres, dont le Cameroun, le droit des sociétés était régi par le Code de commerce français (et les modifications ultérieures qu'elle subira) qui y avait été déclaré applicable, le Code Civil, ainsi que la loi coloniale du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions considérée comme la « charte des sociétés par actions » (rendue applicable au Cameroun par le décret du 24 juillet 1924). Cependant, la volonté de se défaire du joug des lois coloniales était manifeste chez beaucoup d'États à cette époque, et la plus significative reste celle du législateur Guinéen avec la création du Code des activités économiques de la Guinée en 1994 qui a fortement inspiré les rédacteurs de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales.

11 Entré en vigueur le 1 janvier 1999.

12 L'avant-projet du 24 novembre 2006 relatif au droit du travail.

13 Le code civil applicable au Cameroun (et dans certains états africains comme le Sénégal) définit la société en son article 1832 comme « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

14 La société individuelle a été instituée en France dans la loi la loi du 11 juillet 1985 qui a créé l'EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ; elle est prévue à l'article 5 de l'AUSCGIE.

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décident ou conviennent, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans le but de profiter du bénéfice ou de l'économie qui pourra en résulter, tout en contribuant également aux pertes. Mais, elle se confond très facilement à une notion qui lui est voisine à savoir l'entreprise.

Du moment qu'on envisage l'entreprise comme une unité de production, ou une structure économique et sociale comprenant une ou plusieurs personnes oeuvrant de manière organisée pour fournir des biens ou des services à ses clients dans un environnement concurrentiel ou non15, la similarité avec la société n'est pas évidente. Or, en réalité, la différence est simplement que l'entreprise n'est pas une notion juridique. Avec des notions comme la firme ou l'organisation, l'entreprise est un mot souvent employé pour traduire une réalité économique que « le droit n'appréhende ab initio qu'à travers un seul moule : la société »16. La société serait donc la conception juridique de l'entreprise. Dans ce sens, un auteur estime qu'elle est une technique d'organisation de l'entreprise17. Sans qu'on assiste à une véritable logomachie, la littérature juridique semble concéder l'usage indifférent des deux notions. D'ailleurs, le législateur lui-même ne fait pas office de bon élève comme le disait le doyen RIPERT, « (...) réunirait-on tous les textes où l'expression a été employée par le législateur, on ne serait pas beaucoup plus avancé pour donner une définition juridique, car le législateur use du mot quand il lui est commode de le faire, sans se soucier de l'employer toujours dans le même sens »18. Ceci justifie que nous serons emmenés dans le cadre de cette étude à employer les deux notions dans le même sens.

Mais, la vision purement contractuelle de la société qu'adopte l'Acte Uniforme (AU) conduit à la considérer comme la propriété exclusive des (principaux)19 contractants que sont les associés ou les actionnaires. Ceci appelle à une gestion sociale tournée vers leur intérêt et le contraire serait une saugrenuité. L'intérêt social serait synonyme de la volonté des actionnaires. Or, nonobstant les discussions sur la question, l'intérêt social n'est pas l'intérêt des actionnaires : c'est l'intérêt propre de la société prise comme le dortoir des intérêts divers. Une fois créée, l'entreprise se met au service d'un intérêt collectif de ses salariés, ses clients,

15 BAUDURET (J. C.), « La démocratie dans l'entreprise », https://local.attac.org/attac32/spip.php?article4, (consulté le 1février 2020).

16 ROUSSEAU (S.) et TCHOTOURIAN (I.), « Pouvoirs, institutions et gouvernance de la société par action ; lorsque le Canada remet en question le dogme de la primauté actionnariale », les cahiers de la CRSDD. Collection recherche, 2012, p. 2.

17 PAILLUSSEAU (J.), La société anonyme, technique d'organisation de l'entreprise, Ed. Sirey, Paris, 1967, p. 125.

18 RIPERT (G.), Les aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, Paris, 1951, rééd.1995, p. 267.

19 Par principaux ici, on entend uniquement les apporteurs du capital financier. La précision vaut la peine car en réalité, pendant son existence, la société est appelée à nouer de nombreux contrats tant avec ses salariés qu'avec la majorité de ses parties prenantes.

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ses actionnaires, l'environnement, l'État et bien d'autres. Toutes ces personnes sont des parties prenantes de l'entreprise et ont intérêt à son bien-être. C'est donc au nom de cet intérêt collectif que le droit des sociétés s'est progressivement détaché de l'approche actionnariale de la gouvernance pour une visée plus participative. Ainsi, elle va jusqu'à intégrer dans les instances décisionnelles des non propriétaires, à l'instar des salariés, pas du tout prédestinés à décider.

Les salariés constituent la main d'oeuvre indispensable pour la réussite d'une société commerciale. Ces sociétés doivent donc louer les services ou la force de travail des personnes physiques appelées travailleurs et envers qui en retour, elles donneront un salaire : c'est pourquoi on peut parler de travailleur-salarié. Même si les deux notions peuvent être employées dans le même sens, il existe une différence entre le travailleur et le salarié. Le travailleur est une personne qui effectue une activité professionnelle pour pouvoir en tirer un profit. Il peut le faire indépendamment (on parle de travailleur indépendant), ou sous la houlette d'une autre personne appelée employeur (on parle de travailleur dépendant). Le salarié renvoie à la deuxième hypothèse. C'est le travailleur qui vit d'un salaire versé par un employeur. Ainsi, en définissant le travailleur en son article 1 alinéa 2 comme toute personne physique qui sans considération de sexe, de nationalité, s'est engagée à mettre son activité professionnelle moyennant rémunération sous l'autorité et la direction d'un employeur, le Code du travail camerounais règlementait plutôt le travailleur dépendant. Cette dépendance est le fondement du statut de salarié. Elle est la matérialisation du lien de subordination juridique qui le lie à un employeur. Ce lien de subordination juridique étant l'élément caractéristique principal de son contrat de travail.

Les salariés étant des parties incontournables de l'entreprise, il faut les associer à son fonctionnement ! Cette affirmation qui peut résumer l'approche salariale de la gouvernance, est pourtant très ambiguë. Dans un autre sens, elle nie le fait que ces derniers sont déjà impliqués dans une forme quelconque de participation. Or, réellement, les salariés ont toujours été impliqués au fonctionnement de la société car participer, c'est simplement prendre part à quelque chose et en endosser la responsabilité. Par leur définition même, ressort clairement une participation à la production. La société les emploie, ils lui fournissent leurs forces de travail (capital humain) qui sont des données essentielles à la production de valeurs profitables et en échange, elle leurs donne une rémunération. Mais, en réalité, il s'agit là d'une forme « simple » de participation qu'on entend désormais dépasser. Il ne faut plus les cantonner au rôle des simples exécutants de la volonté des élites de l'entreprise, de simples prestataires de travail. Ceci parce que leur importance dans la société est très grande. C'est

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eux qui maîtrisent mieux les techniques de production, de distribution, et les principaux acteurs du marché que sont les consommateurs.

Cette participation désigne l'ensemble des procédés en vigueur pour faire prendre part les salariés aux processus dans lesquels les décisions de l'entreprise sont préparées, prises et suivies. Autrement dit, elle renvoie aux « voies et moyens qui permettent aux travailleurs d'exercer une plus grande influence sur les questions économiques, sociales et professionnelles » de l'entreprise20. La littérature juridique nous montre une utilisation indifférente de ladite notion avec celle d'implication, or, comme le précise un auteur21, il existe une différence bien que légère entre ces notions. En effet, l'implication recouvre la participation et va au-delà. L'implication est active ou passive (implicite) 22 alors que la participation est exclusivement active. Cette précision n'est toutefois pas de nature à influer sur la quintessence du concept de gouvernance salariale.

La réforme du rôle des salariés dans le gouvernement des entreprises n'emporte cependant pas l'approbation de toute la doctrine. Certains sont farouchement opposés à cette idée. Les principaux opposants sont favorables à une approche « propriétariste » de l'entreprise et pensent que le salarié n'étant pas impliqué à la création de l'entité, n'a pas l'affectio societatis et ne supporterait pas les risques liés à son activité. Ils trouvent dans l'immixtion des salariés au capital, une menace pour la propriété des associés. Dans la même lignée, certains détracteurs pensent que l'arrivé des salariés au conseil d'administration, affaiblirait la fonction de contrôle de cet organe car, ces derniers ont tendance à considérer ce lieu comme une seconde tribune de revendication. Leur présence étant considérée comme illégitime, il peut en résulter une marginalisation considérable de ces derniers dans les conseils23. N'en déplaise à ces opposants, la teneur des arguments partisans favorise le développement du concept.

En effet, les pro-gouvernances salariales trouvent dans le concept une chose bien à deux égards. Dans une logique favorable aux salariés, l'on pense que c'est un moyen d'amélioration les droits des salariés. « Impliquer les salariés aux affaires de l'entreprise,

20 ESSOHAM KOMLA (A.), La participation du salarié au fonctionnement de la société anonyme en droit OHADA, mémoire de DESS Droit des affaires, Université de Lomé.2004. Cité par KOUAMO (D. R.), L'implication des salariés dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises dans l'espace OHADA : cas du Cameroun, thèse, Université de Nantes, 9 Janvier 2018, p. 19.

21 Idem.

22 Ibid., p. 20.

23 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.), « De la participation des salariés à l'épargne salariale : analyse lexicale des débats parlementaires », 5 mars 2017, p. 4. [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959, (consulté le 20 janvier 2020 à 13h).

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c'est affirmer un droit fondamental »24 ; c'est humaniser le travail, s'éloigner de sa chosification comme le veut l'OIT25.

Par ailleurs, comme l'estiment certains auteurs, l'implication des salariés dans le gouvernement d'entreprises, ne doit pas être vue uniquement dans le sens de la protection des droits salariaux, mais aussi dans une logique de protection de l'intérêt de la société26. En réalité, outre le climat qui serait favorable à l'entreprise, les décisions qui prennent en compte l'avis des salariés sont, compte tenu de la place centrale de ces derniers dans le quotidien de l'entreprise, des décisions très réalistes et réalisables. Aussi, au regard des abus observés dans l'exercice des pouvoirs des dirigeants d'entreprises27, octroyer une portion du pouvoir aux salariés permettrait de faire pièce à ces derniers, en rééquilibrant les pouvoirs au sein de la société.

Toutes ces idées partisanes ont permis la construction d'une sorte de théorie de la participation des salariés. De nos jours, il existe plusieurs modalités de participation des salariés au fonctionnement de la société. De façon générale, on retient au regard du droit comparé28, deux principales à savoir : la participation financière, et la participation politique. La première vise à inclure les travailleurs à la croissance économique de la société. Elle revêt deux formes dont une participation aux résultats de l'entreprise d'une part et une participation au capital social appelée actionnariat salarié d'autre part.

La seconde, à savoir la participation non financière ou politique, vise à inclure les salariés dans la gestion, ou plus précisément, dans le processus décisionnel. À travers cette forme, les législateurs veulent faire peser la volonté et les intérêts des salariés dans la prise des décisions. Elle permet aux salariés, ou à certains d'eux, de cumuler un contrat de travail avec un mandat social29. Elle favorise également la création des institutions de représentation

24 KOUAMO (D. R.), op. cit., note 21, p. 28.

25 En effet, l'art.1 de la déclaration de Philadelphie adopté par l'OIT le 24 Mai 1944 dispose que « le travail n'est pas une marchandise ».

26 LE CROM (J. P.), L'introuvable démocratie salariale, Syllepse, Paris, 2003, p. 3, [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00191101, (consulté le 17 Février 2020). L'auteur pense qu'il ne s'agit pas d'envisager les institutions de représentation des salariés dans une logique conflictuelle c'est-à-dire uniquement comme des instruments au service des salariés mais beaucoup plus dans une logique de collaboration qui estime que la parole, le dialogue et l'échange sont utiles et nécessaires à l'entreprise dans son ensemble ; Voir également MOUTHIEU épouse NJANDEU (M.A.), L'intérêt social en droit des sociétés, L'Harmattan, Paris, 2009.

27 Pour la plupart des scandales précités (note 2), les causes étaient liées aux abus de pouvoir des dirigeants sociaux.

28 Le droit français ; le droit allemand et le droit de l'OHADA.

29 ADIDO (R.), « La notion d'emploi effectif des mandataires sociaux en droit OHADA » in Mélanges en l'honneur du professeur FILIGA Michel SAWADOGO, Les horizons du droit OHADA, CREDIJ, BENIN, 2018. pp. 57-74 ; FADOUL BECHIR (S.), le cumul d'un mandat social avec un contrat de travail en droit OHADA, mémoire, Université de Dschang, 2019.

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des salariés plus influentes dans les décisions à l'instar des comités d'entreprises. Cette dernière forme de participation rejoint clairement la définition de la participation faite par l'OIT à savoir, « l'ensemble des procédés en vigueur... pour faire participer les travailleurs aux processus dans lesquels les décisions sont préparées, prises et suivies »30.

Cependant, la volonté de redéfinir la place des salariés dans l'entreprise n'est pas une idée récente. Un panorama historique nous montre qu'elle est très ancienne. Elle s'est développée d'abord uniquement en droit du travail, avant que le droit des sociétés, à l'époque fortement influencé par l'approche actionnariale, ne s'y intéresse. En effet les conséquences négatives du libéralisme social et du capitalisme ont favorisé la formation vers le XIX siècle, d'une véritable législation sociale principalement axée sur la protection des salariés31. Á côté des nombreuses lois qui virent le jour, plusieurs institutions de protection du salarié naquirent à l'instar de l'inspection du travail, du service de la sécurité sociale, du délégué du personnel et des comités d'entreprises.

Malgré le fait que le droit des sociétés ait élargi les pouvoirs de ces organes de représentation, les salariés veulent dorénavant que soit institué un véritable pouvoir salarial dans l'entreprise. Ainsi, après la seconde guerre mondiale, la question va prendre plus d'intérêts. Les réflexions sur la réforme d'entreprises dès 196032, la démocratisation de l'entreprise dès les années 197033, l'évolution de la conception de l'intérêt social34, vont poser les jalons de cette gouvernance salariale, traduisant ainsi le passage d'une simple participation

30 Résolution de la conférence générale, 50ème session, 20 juin 1966, PV du conseil d'administration, 167ème session, 5ème séance.

31 LYON-CAEN (G.), PÉLISSIER (J.), Droit du travail, 14ème éd., Dalloz, Paris, p. 10-12.

32 En France, la réforme des entreprises est marquée par deux ouvrages principaux à savoir celui de BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l'entreprise, Le Seuil, Paris, 1963 ; le rapport SUDREAU en 1975 qui recommandait pour réformer l'entreprise, d'ouvrir une nouvelle voie à la participation et d'améliorer les mécanismes de participations des salariés.

33 La démocratisation de l'entreprise suppose d'appliquer les principes de la démocratie dans la vie de l'entreprise. Elle a été la boussole du modèle de gouvernance allemand dit du « modèle de cogestion » qui associe de manière étroite, les dirigeants et les salariés dans le processus décisionnel. En France, elle favorisera l'élaboration de la loi « de démocratisation du secteur public » du 26 juil. 1983 qui permet dans les entreprises publiques aux représentants des salariés de siéger au conseil d'administration ou de surveillance.

Virgile CHASSAGNON, démontrant la nécessité de plus de démocratie dans la gestion des entreprises, affirme qu'il faut démocratiser la gouvernance des sociétés et faire plus participer les salariés et renchérit en disant que « instaurer plus de démocratie implique de tendre vers un gouvernement polyarchique de l'entreprise faisant une vraie place aux travailleurs dans l'activité de production certes, mais aussi dans la prise de décision » in CHASSAGNON (V.), « La démocratisation de l'entreprise dans la société, pensons un capitalisme plus juste », 19 Juillet 2016, [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01346445, (consulté le 10 août 2020 à 12h 51), p. 25.

34 La notion d'intérêt social est en droit des sociétés un standard juridique qui a toujours fait l'objet de débat tant en doctrine qu'en jurisprudence. Il est question de savoir ce qu'elle signifie réellement. Renvoie-t-elle à l'intérêt des propriétaires de l'entreprise, ou à un intérêt reconnu à la société distinct de celui de ses propriétaires ?

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au travail pour une véritable participation à la gestion. Cette évolution est aussi observable dans plusieurs pays de l'OHADA tel que le Cameroun.

Le cas du Cameroun est particulier. L'évolution de la participation commence dans la législation nationale, et s'achève dans le droit OHADA. Le Code du travail35 consacre dans son titre VIII trois institutions professionnelles à savoir la Commission Nationale Consultative du Travail, la Commission Nationale de Santé et de Sécurité au Travail, le Délégué du Personnel. Avec les syndicats (même si ceux-ci ne peuvent pas agir directement dans l'entreprise), ils constitueront les seuls véritables supports de la participation au Cameroun jusqu'à l'arrivé du droit OHADA.

L'association du salarié à la vie de l'entreprise a fait l'objet de plusieurs textes dans nombreux systèmes juridiques comme en France et en Allemagne. Le droit OHADA l'a certes envisagé, mais pas avec la même ferveur. Dans l'acte uniforme de 1998, le législateur désireux d'attractivité économique s'est inspiré de la loi française du 24 juillet 1966 et a établi un régime de participation totalement facultatif. Aucune disposition y relative n'est obligatoire ; il va même jusqu'à donner la possibilité aux actionnaires d'interdire les administrateurs salariés par le biais des clauses statutaires36. De cette manière, il a consacré la participation à la gestion en octroyant la possibilité à certaines personnes d'être à la fois salariés et mandataires sociaux à travers la formule du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail37. À cette époque, la participation financière n'avait pu profiter d'une véritable considération si ce n'est qu'une vague et imprécise mention de la possibilité de « distribution gratuite d'actions » à l'article 640. Le projet d'acte uniforme sur le droit du travail aurait pu, du fait de la similarité des domaines, faire un pas en avant sur la question de la participation en droit OHADA, mais il n'en fut pas le cas. Au lendemain de la révision du droit des sociétés commerciales en 2014, excepté un régime juridique de la distribution gratuite d'actions un peu plus consistant38, le législateur est resté fidèle à sa position de 1998. De même, dans les deux versions de son AUPCAP, on ressent une mise à l'écart des salariés dans la gestion des crises des sociétés.

Cet état des choses en droit OHADA démontre une forte emprise de l'analyse actionnariale de la gouvernance. Il peut se justifier par une volonté d'attirer et de rassurer les

35 Loi 92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail.

36 Article 426 de l'AUSCGIE de 1998 et de 2014.

37 L'article 426 dispose que « Sauf clause contraire des statuts, un salarié peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond un emploi effectif ».

38 De l'article 626-1 à l'article 626-4.

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investisseurs dans cet espace juridique. Le législateur ne veut pas intriguer ces derniers à travers un quelconque pouvoir salarial. Car, même s'il est bon d'être à la mode, encore faut-il que le modèle de gouvernance à la mode épouse le contexte, les réalités et les objectifs du continent. Mais, cette justification est très insuffisante et le professeur Henri MODI KOKO BEBEY39 relève qu' « On peut néanmoins regretter que l'Acte uniforme OHADA n'ait attaché aucun intérêt au rôle des salariés dans les sociétés (...) le niveau de développement économique des pays concernés ne pourrait pas seul justifier ce choix législatif ». Même si cela est dit de manière radicale, l'affirmation du professeur démontre la tristesse que l'on éprouve quant à la timidité du législateur OHADA à appliquer ce modèle de gouvernance tant loué. C'est cette position ambiguë du législateur qui justifie la présente étude. Et c'est tout son ambition que de valoriser l'implication des salariés dans le fonctionnement des entreprises.

Puisque l'impact de la gouvernance sur l'amélioration des performances de l'entreprise n'est vraiment plus à démontrer, et que l'objectif visé par l'amélioration de la participation des salariés au fonctionnement des sociétés commerciales n'est autre que le perfectionnement de cette gouvernance, il convient de mettre au coeur de la présente étude, la question centrale40 de savoir si la participation des salariés est suffisamment envisagée en droit des sociétés. Autrement dit, l'implication des salariés dans le fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA, est-elle suffisante pour davantage améliorer la gouvernance de ces sociétés ?

Il convient d'avancer l'idée selon laquelle les techniques de participation des salariés prévues par le législateur OHADA sont à améliorer pour parvenir à une meilleure gouvernance, ou tout simplement pour s'arrimer aux tendances de la gouvernance.

L'examen de l'hypothèse posée impose le respect d'une méthode définie comme un ensemble d'exigences et de techniques que le chercheur doit respecter afin d'aboutir à des résultats juridiques fiables41. Il s'agit d'une triple méthode. La méthode exégétique permettra d'analyser les textes de lois relatifs au sujet, la casuistique permettra d'analyser les décisions de justice et enfin le droit comparé pour apprécier le droit OHADA à l'aune des textes étrangers.

39 MODI KOKO BEBEY (H.D.), « La réforme du droit des sociétés commerciales de l'OHADA », Rev. Soc. 2002, p. 265.

40 BEAUD (M.), L'art de la thèse, Éditions La Découverte, Paris, 1985, rééd. 2006, p. 56.

41 Cf. BACHIR (M.), « Présentation », in CURRAPP : Les méthodes au concret : démarches, formes de l'expérience et terrain d'investigation en Sciences Politique, PUF, Paris, 2000, p. 5.

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À l'heure où l'actualité juridique mondiale est fortement marquée par les revendications salariales qui touchent plusieurs pays42, les réflexions sur les modèles de gouvernances des sociétés commerciales, et l'influence sans cesse croissante des grandes sociétés anonymes sur l'économie mondiale, il est intéressant à plusieurs niveaux, de faire une étude sur le salarié dans les sociétés commerciales et ceci encore plus en droit OHADA qui nous sert de cadre spatiale d'étude.

D'une part, un intérêt théorique est à déceler de l'étude dans la mesure où elle permet d'apporter une contribution modeste à l'amélioration du droit des sociétés commerciales de l'OHADA compte tenu de leurs influences sur le développement économique que recherche l'organisation. Ainsi, elle permettra d'éclaircir le flou juridique qu'entretient le droit OHADA sur la place du salarié dans l'entreprise. Flou juridique pourtant inutile et qu'il faut rapidement éclaircir vu que les multiples réflexions liées à la recherche d'un meilleur modèle de gouvernance des entreprises de la zone OHADA placeront toujours la question de la participation salariale au coeur de leurs préoccupations43.

D'autre part, le sujet recèle un intérêt pratique pour les parties prenantes de la société commerciale. Il concerne à la fois le droit commercial et le droit social. Il permet aux acteurs économiques de l'OHADA et en particulier les sociétés anonymes, de mieux appréhender le phénomène de la gouvernance salariale, afin, si elles s'en trouvent convaincues de l'importance, de l'intégrer dans leur gouvernance. Puisqu'il n'est plus à démontrer que l'amélioration des conditions de travail en général est un facteur majeur à l'amélioration du processus de production des valeurs, cette étude démontrera l'impact économique d'une plus forte implication des salariés dans le fonctionnement de la société commerciale.

À l'analyse de l'ensemble des textes régissant principalement les sociétés commerciales dans l'espace OHADA, il résulte qu'il y'a une faiblesse dans la participation non financière (Première partie) et un développement limité de la participation financière des salariés au fonctionnement de la société commerciale (Seconde partie).

42 Avec l'arrivée de la grande pandémie de la covid 19, les questions sur les nouvelles conditions de travail, de gouvernement d'entreprises sont à l'actualité ; De plus, le 10 Juillet 2020, cinq projet de loi étaient en étude au parlement camerounais et concernaient l'amélioration des conditions de travail des travailleurs.

43 On ne peut en effet parler de gouvernance de sociétés commerciales sans faire référence à la participation ou au rôle du salarié dans celles-ci. D'ailleurs, de la plupart (si ce n'est de la totalité) des études sur la gouvernance on constate que les auteurs accordent beaucoup d'importance à cette question qu'ils trouvent fondamentale pour la gouvernance.

PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON FINANCIÈRE
DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE

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La participation politique ou non financière des salariés couvre la participation à la gestion et le droit à l'information de ces derniers. Il s'agit d'intégrer ces derniers dans les organes de gestion de l'entreprise et de mettre à leur disposition des informations assez suffisantes afin qu'ils puissent prévenir les crises ou lorsqu'elles sont déjà présentes, pour qu'ils participent à leur traitement.

En effet, deux situations caractérisent la vie d'une entreprise ; celle de l'entreprise en bonne santé ou in bonis44 qui renvoie à la gestion ordinaire et celle de l'entreprise en difficulté ou en crise qui appelle à une gestion exceptionnelle. Le droit commercial OHADA traite ces deux situations à travers deux livres notamment l'AUSC (pour le fonctionnement in bonis) et l'AUPCAP (pour le traitement des difficultés). On note à propos des révisions apportées à ces documents, une nette accentuation de l'implication des salariés dans les aspects non financiers du fonctionnement de l'entreprise. Mais, cette amélioration n'est pas si considérable car le législateur semble toujours réticent face à l'idée d'impliquer davantage les travailleurs dans les prises de décisions de l'entreprise. C'est devenu une tradition chez ce dernier, vu qu'en quatre livres, il survole juste la question en établissant un régime de participation très succinct. Ainsi, l'on note une participation insuffisante du salarié à la gestion ordinaire de l'entreprise (chapitre 1) et une implication toujours mitigée du salarié dans la gestion des crises de l'entreprise (chapitre 2).

44 On se souvient de Jules Romain qui dit que « tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ». En réalité l'expression « in bonis » ne traduit pas l'absence totale de difficultés (ce qui est bien rare dans toute activité économique), mais la situation d'une entreprise qui est au contrôle souverain de son patrimoine, celle qui n'est pas dessaisie de ses pouvoirs de gestion en raison d'une liquidation des biens.

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CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES SALARIÉS
À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE

D'ordinaire, le fonctionnement de la société commerciale est assuré par l'assemblée générale d'actionnaires (organe délibérant), le ou les dirigeants (organe de gestion). Il s'agit des principaux acteurs entre les mains desquels s'opère une importante concentration des pouvoirs de la société. Le salarié n'en fait pas partir. Afin d'associer les salariés à ces hautes sphères du pouvoir décisionnel le droit des sociétés commerciales va recourir à plusieurs techniques. C'est dans cette logique que le droit OHADA consacre la possibilité pour un salarié de cumuler son contrat de travail avec un mandat social45 (section 1). Mais cette action est très limitée et ne suffit pas à améliorer la représentation des salariés à la gestion ordinaire d'où le souhait d'un renforcement (section 2).

SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET DU CONTRAT DE TRAVAIL

Les dirigeants sociaux sont souvent considérés comme des mandataires sociaux car ayant reçu mandat des associés pour diriger l'entreprise46. Ils ne sont donc pas des salariés et ne bénéficient pas des avantages liés à la législation sociale tels que l'assurance chômage et le régime protecteur des licenciements. Cependant, pour inclure le salarié à ce cercle décisionnel, il faut impérativement lui permettre de cumuler son emploi à un mandat social. C'est dans ce sens que l'article 426 de l'AUSC consacre, le cumul du mandat social d'administrateur et du contrat de travail en ces termes « sauf clause contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur (...) De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société (...) ». De la même façon, le législateur permet au salarié d'être simultanément président du Conseil d'Administration (art.481) ; il lui permet également d'accéder au directoire47 en devenant PDG (art.466), DG (art.489) etc. Toutefois,

45 D'après l'article 1984 alinéa 1 du Code civil, « le mandat ou procuration est l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

46 Bien que l'acte uniforme ait dépassé cette conception en conférant des pouvoirs légaux aux dirigeants sociaux.

47 Le directoire ici et dans les futurs développements de cette étude est entendu comme la direction générale. Mais l'on reconnait la différence existante entre les deux notions. En effet, le directoire est la direction générale des sociétés anonymes avec conseil de surveillance (à la place du conseil d'administration), forme née en

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ce « mariage d'intérêt »48 doit être admis de façon très prudente car les dirigeants sociaux, du fait de l'insécurité que leur confère leur mandat social, peuvent être tentés d'obtenir le contrat de travail dans l'unique dessein de bénéficier de la sécurité sociale qui en découle sans réellement effectuer la tâche qui devrait en correspondre ; de même, le salarié en devenant dirigeant social devient son propre employeur, ce qui est de nature à biaiser les règles de l'exécution du travail salarial. Compte tenu de tous ces dangers, le législateur a sécurisé la formule du cumul de fonctions en exigeant le respect de certaines conditions (paragraphe 1) avant qu'elle produise ses effets (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET DU
CONTRAT DE TRAVAIL

L'article 426 de l'AUSC49 énonce clairement que le salarié ne peut être nommé administrateur que « si son contrat de travail correspond à un emploi effectif », de même qu'« un administrateur [ne] peut conclure un contrat de travail avec la société [que] si ce contrat correspond à un emploi effectif ». Énonçant ces conditions pour le mariage du salarié et de l'administrateur dans les sociétés anonymes avec conseil d'administration, le législateur va les généraliser pour tous les postes de la gestion de l'entreprise50 ; aussi, il les étend aux sociétés par actions simplifiées (S.A.S)51. Concernant la SARL et les sociétés de personnes, il est taciturne. Mais, ce silence n'implique pas que le cumul n'y est pas permis car rien n'empêche un gérant de cumuler un contrat de travail avec sa structure. Pour cela, il devra comme tous les dirigeants des sociétés précitées, se rassurer que ce contrat de travail correspond à un emploi effectif et sérieux (A), et si ce contrat intervient après sa prise de fonction en tant que dirigeant, il devra en plus observer la procédure particulière des conventions réglementées (B).

Allemagne et également utilisée en France. Voir, MERLE (P.), Droit des sociétés commerciales, 20ème éd., Dalloz, Paris, 2017, p. 559.

48 DAUXERRE (L.), « Le cumul du contrat de travail et d'un mandat social : mariage d'intérêts ? », JCP, éd. Spéciale, 2007, p. 1049.

49 « Sauf clause contraire des statuts, un salarié de l'entreprise peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif. Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438 et suivants ci-après. »

50 Articles 466, 473, 481, 489, 499, 513.

51 L'article 853-3 élargit le régime juridique des S.A aux S.A.S en affirmant que les règles concernant les S.A sont applicables aux S.A.S dans mesure où elles sont compatibles avec les dispositions spéciales de cette dernière.

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A - La condition principale de l'effectivité de l'emploi

« Le contrat de travail est une convention par laquelle un travailleur s'engage à mettre son activité professionnelle sous l'autorité et la direction d'un employeur, en contrepartie d'une rémunération »52. Pour qu'il soit cumulé à un mandat social, il faudrait absolument qu'il corresponde à un emploi effectif et sérieux. Ceci dit, au risque d'être considéré comme un emploi fictif, l'on doit facilement pouvoir distinguer les fonctions techniques issues de ce contrat de travail à celles issues du mandat social (1), observer aisément l'existence d'un lien de subordination (2), et l'existence d'une dualité de rémunérations (3).

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