B - L'effet incitatif d'un régime avantageux : cas
de la France
Le droit comparé français nous enseigne qu'un
régime fiscal et social avantageux est le meilleur facteur d'incitation
des acteurs sociaux à la pratique de l'actionnariat salarié. Nous
allons nous servir uniquement du régime fiscal et social des
attributions gratuites d'actions pour le démontrer.
À l'égard de l'employeur, les régimes
fiscaux et sociaux sont très avantageux. Sur le plan des impôts,
les sociétés qui attribuent gratuitement des actions à
leurs salariés ont l'obligation d'enregistrer une provision dès
la décision d'AGA, ce qui leur permet de les comptabiliser en charges
déductibles. Concrètement, tous les frais généraux
et charges engendrées par l'entreprises à cette fin (frais de
rachat, d'augmentation de capital, de gestion des droits des attributaires, de
rémunération des intermédiaires et des diverses
formalités) sont fiscalement déductibles. Sur le plan des
cotisations sociales, l'article L. 242-1 du code de la sécurité
sociale dispose que les attributions gratuites d'actions effectuées
conformément aux dispositions du code de commerce sont exclues de
l'assiette des cotisations sociales288.
286 NGONGANG (D.), précité, p. 7.
287 Article 16 du décret n°90/1257 du 30
août 1990 portant application de l'ordonnance n°90/004 du 22 juin
1990 sur la privatisation des entreprises publiques et parapubliques. Nous
avons pu constater que (sauf erreur de notre part), les entreprises qui
pratiquent l'actionnariat salarié au Cameroun sont donc majoritairement
des entreprises privatisées telle que la SOCAPALM.
288 PRIEUR (J.), précité, p. 12.
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À l'égard du salarié, les sommes
reçues en guise de participation (A.G.A et participation aux
bénéfices) ne sont pas assimilées aux salaires et ne sont
par conséquent soumises ni à l'impôt sur le revenu, ni aux
charges fiscales et parafiscales qui pèsent sur les salaires. Mais
à la condition que ce dernier respecte les périodes
d'indisponibilité qui peuvent y être
attachées289. Dans les faits, après l'attribution
définitive des actions gratuites, le salarié est
exonéré des cotisations sociales. Dès cette acquisition
définitive, il bénéficie d'un taux avantageux
d'imposition. Lorsqu'il décide de les céder, la plus-value (PVC)
conserve son régime, celui du droit commun et n'est imposée que
si la cession est à titre onéreux. Elle alors est imposable selon
le régime de droit commun des plus-values (au taux de 18 % depuis
2008)290.
En France, d'après la FAS (Fédération
française des associations d'actionnaires salariés et d'anciens
salariés), on estime en 2008 à environ 2,5 à 3 millions le
nombre de salariés détenteurs d'actions de leurs entreprises sur
les 6,7 millions d'actionnaires individuels (contre 1,6 million en 2003, par
exemple). Un chiffre en constante évolution. Du côté des
entreprises, au deuxième trimestre 2009, on peut recenser 153
entreprises cotées parmi les 250 plus grandes capitalisations
boursières pratiquant l'actionnariat salarié291. En
2017, plus d'une société sur trois pratique l'actionnariat
salarié. Les actionnaires salariés détiendraient plus de
3,9 % du capital de leurs sociétés292.
L'intérêt est encore plus considérable dans les grandes
entreprises. Ainsi, les salariés de Bouygues détiennent
plus de 23,31% des actions de la société et ceux d'Eiffage,
25,30%293. Toutes ces statistiques démontrent l'effet
incitatif qu'a eu un régime fiscal et social avantageux sur la
volonté des acteurs à promouvoir l'actionnariat salarié.
Elles nous poussent à rechercher comment instituer un tel dispositif
dans la législation OHADA.
PARAGRAPHE II : LA POSSIBILITÉ D'INSTAURATION
D'UN RÉGIME FISCAL ET SOCIAL INCITATIF EN DROIT OHADA
Plusieurs obstacles peuvent être avancés pour
justifier l'absence d'un régime fiscal et social incitatif en droit
OHADA (A), mais il existe biens des moyens d'y remédier (B).
289 DESPAX (M.), précité, p. 381.
290 Voir, DE FRÉMINET, « Attribution gratuite
d'actions. (Régime fiscal et social) », Rép.
Sociétés Dalloz, sept. 2008 ; MERLE (P.), op. cit.,
p. 690.
291 BENHAMOU, précité, p. 46.
292 MERLE (P.), op. cit., p. 680.
293 Idem.
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