A - L'effet désincitatif du régime actuel :
cas du Cameroun
En l'état actuel du droit OHADA, seules les
attributions gratuites d'actions aux salariés représentent la
participation financière et il revient à chaque État
membre d'en établir le régime fiscal et social. En l'absence
d'orientation du législateur OHADA, chaque membre le fait à sa
guise. L'on note l'absence de caractère incitatif dans les
prévisions fiscales et sociales de ces États. Ces derniers ne
tiennent pas compte du but recherché par le législateur OHADA
à travers l'institution des AGA (la promotion de l'actionnariat
salarié). Il s'en suit que l'action de l'OHADA perd sa pertinence.
Le cas du Cameroun est révélateur de cette
situation. La législation n'encourage pas les employeurs à
procéder à l'attribution gratuite des actions aux
salariés.
Sur le plan fiscal, les employeurs distributeurs d'actions
gratuites et les salariés qui les reçoivent ne sont pas
fiscalement avantagés. L'employeur distribue les actions gratuitement
à ses salariés à ses risques et périls. En effet,
certes le plan comptable OHADA prévoit que les dépenses
liées à la participation des salariés sont
comptabilisées comme des charges pour la détermination du
résultat comptable284. Mais lors de la détermination
du bénéfice imposable, ces charges doivent être
réintégrées dans les produits car aucune loi fiscale
à notre connaissance n'autorise qu'elles soient
considérées comme des charges. Plus clairement, les actions
gratuitement attribuées aux salariés ne sont pas
considérées des charges déductibles au sens de l'article 7
du code général des impôts camerounais.
En outre, si l'on se fie à l'article 640-1 de l'AUSCGIE
qui dit que les actions gratuitement attribuées sont
libérées ou payées par l'employeur par
prélèvement obligatoire sur les réserves non
légales, on comprend que l'employeur paie les impôts sur ces
actions. Les réserves non légales en effet ne sont pas
déductibles de l'assiette des impôts.
Sur le plan social, la participation financière des
salariés ne bénéficie également d'aucun
régime social avantageux de nature à inciter les employeurs
à la pratiquer. En effet, l'assiette des cotisations sociales
étant le salaire, celui-ci est compris dans un sens très large.
En ce sens, le salaire est entendu comme l'ensemble des sommes dues au
travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail. Ces sommes
comprennent le salaire de base, les indemnisations, primes, gratifications et
autres avantages en nature ou en espèce. L'employeur est tenu de payer
à l'administration sociale en guise de cotisation, un
taux285
284 Classe 8 (compte des autres charges et autres produits) -
compte 87 (participation des travailleurs), Système comptable
OHADA.
285 Ce taux au Cameroun varie en fonction des régimes, du
secteur d'activité et de la teneur du risque à assurer.
84
prélevé sur l'ensemble des sommes
attribuées au salarié. Aucune loi relative à la
sécurité sociale ne prévoit que les actions gratuites
seront exclues de l'assiette. Par conséquent, s'il le fait, il ne fera
qu'accroitre l'assiette de ses cotisations. Ceci ne les encourage pas à
procéder aux AGA et les statistiques en témoignent.
La participation moyenne des salariés au capital des
entreprises est en moyenne de 2,9 % au Cameroun286. Un pourcentage
qui intervient dans un contexte marqué par l'absence de marché
financier efficace. En plus, l'actionnariat salarié au Cameroun n'est
pratiqué qu'à travers la seule méthode de reprise de
l'entreprise par ses salariés lors de la privatisation, prévue
par le législateur national287. Cette statistique,
très faible, et très raisonnable, démontre alors le
caractère désincitatif du régime fiscal et social de
l'actionnariat salarié ou plus précisément de l'AGA dans
les pays de l'OHADA à la différence d'un pays comme la France.
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