B - La promotion de l'épargne salarial
Un des moyens de développer la participation sociale
financière des salariés en droit OHADA serait de promouvoir
l'épargne salariale comme c'est le cas ailleurs. L'épargne
salariale est un système collectif de cotisation permettant aux
salariés d'investir dans des entreprises. Il ne s'agit pas des
associations intra-entreprises n'ayant pour but que de renforcer la
solidarité entre les travailleurs comme on peut le voir dans nos
entreprises africaines. Elle se réalise surtout à travers
l'établissement dans l'entreprise, des plans dits d'épargne
salariale.
Développée dès les années 1950 en
France, elle y a depuis fait l'objet de multiples lois276. La
législation française propose plusieurs plans d'épargne
salariale dont le plus ancien277 est le plan d'épargne
d'entreprise (PEE)278. C'est un système d'épargne
collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de
participer, avec l'aide de celle-ci à la constitution d'un portefeuille
de valeurs mobilières. Ce plan a permis le développement de
274 SAVATIER (J. V.), « L'interdiction de substituer un
intéressement à un élément du salaire »,
Dr. soc., 1991, p. 756.
275 MERLE (P.), op.cit., p. 677.
276 Ministère français du travail, de l'emploi et
dialogue et autres, Guide de l'épargne salariale, juillet 2014,
p. 4.
277 Créé par une ordonnance le 17 août
1967.
278 Art. L. 3332-1 à L. 3332-28 du C.trav.
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l'épargne salariale en France. Sa promotion par le
législateur va l'emmener à créer d'autres plans en
2001279.
« L'épargne salariale recouvre un ensemble de
dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux
résultats de leur entreprise et de favoriser l'épargne collective
et le développement des investissements des entreprises
»280. Cette définition donnée par le
gouvernement français contient les éléments
déterminants de la nature participative de l'épargne
salariale.
D'abord, l'épargne salariale a pour objectif «
d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise
». En effet, c'est la raison pour laquelle elle est une technique de
participation financière. Le régime des PEE par exemple nous
laisse comprendre que les plans d'épargne sont alimentés par
trois principales sources à savoir : les primes de participations aux
bénéfices ; les versements volontaires et gratuits de l'employeur
appelés abondement ; et les versements volontaires des
salariés281. En principe, les fonds du plan sont
approvisionnés uniquement par les primes de participations aux
bénéfices, les salariés ne sont pas obligés
d'effectuer des versements.
Ensuite, l'épargne salariale permet de «
favoriser l'épargne collective ». En effet, les
dispositifs d'épargne salariale sont nécessairement collectifs et
aucun salarié ne peut en être exclu. Ce caractère collectif
a plusieurs vertus sur la gouvernance. Il favorise le dialogue social, la
solidarité entre travailleurs et harmonise leurs efforts. Il permet en
outre, une implication de tous les travailleurs aux questions
économiques de l'entreprise.
Enfin, l'épargne salariale favorise « le
développement des investissements des entreprises ». Les fonds
perçues dans le cadre du plan sont bloqués pendant une
période d'indisponibilité et consacrés à
l'acquisition de valeurs mobilières à l'intérieur de
l'entreprise ou à l'extérieur. La doctrine économiste
préconise que les acquisitions soient diversifiées,
c'est-à-dire qu'elles ne se limitent pas qu'à l'achat de valeurs
émises par l'employeur282. En effet, à la base,
l'idée était de permettre une entrée des salariés
dans le capital de leur propre entreprise lors des augmentations de capitaux ou
lors des crises financières. Mais afin de
279 La loi du 19 février 2001 sur l'épargne
salariale a créé également le plan d'épargne
interentreprises et le plan d'épargne pour retraite collective
(PERCO).
280 Ministère français du travail, de l'emploi et
dialogue et autres, op. cit., p. 4.
281 MERLE (P.), op. cit., p. 677.
282 « Les préconisations de la théorie
moderne du portefeuille disqualifient toute épargne placée au
sein de l'entreprise au motif qu'elle consisterait à se priver des
avantages de la diversification. Cette préconisation qui aurait
historiquement déplacé l'épargne des salariés de
leur entreprise vers des produits diversifiés est parfois
identifiée comme le point de départ de la financiarisation de
l'économie à partir des années 1970 », in
BEKRAR (Y.), Trois essais sur l'épargne salariale comme
dispositif d'association des salaries à la croissance et au
développement de l'entreprise, thèse, Université de
TOULON - Institut d'administration des entreprises, 15 mars 2017, p. 16.
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sécuriser les placements contre le risque d'une perte
totale de biens pour les bénéficiaires en cas de faillite de
l'entreprise par exemple, il est plus sécurisant que les travailleurs
acquièrent des valeurs mobilières dans d'autres entreprises par
le biais des fonds commun de placement des entreprises (FCPE) ou des
sociétés d'investissements à capitaux variables
(SICAV).
Au regard de ce qui précède, l'épargne
salariale est incontestablement un vecteur de participation financière
des salariés. Elle se situe entre l'implication aux
bénéfices et l'actionnariat salarié dans la mesure
où les bénéfices des salariés leurs servent
à acheter des actions. Ainsi, elle s'avère être un
dispositif très important pour la dynamisation de la gouvernance des
sociétés que le droit OHADA gagnerait à consacrer. Le
succès d'un tel mécanisme est également dû aux
nombreuses mesures fiscales et sociales avantageuses qui ont incité les
acteurs sociaux à l'utiliser.
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES
FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES
Si en France de nos jours, l'actionnariat salarié a un
écho favorable et semble plaire à tous les acteurs
sociaux283, c'est parce que le droit de la participation salariale y
bénéficie d'un régime fiscal et social qui incite tant les
actionnaires que les salariés eux même. En droit OHADA, la simple
consécration ne suffit pas. Il faudrait au-delà de rendre cette
pratique obligatoire, essayer d'emmener les acteurs sociaux à s'y
investir soient même. Au-delà de ce que l'on peut penser, il est
bien possible d'instaurer ces mesures dans l'espace communautaire (paragraphe
2) au regard de leur utilité (paragraphe 1).
PARAGRAPHE I : L'UTILITÉ DE L'INSTAURATION DES
MESURES FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES
L'utilité de l'instauration des mesures fiscales et
sociales avantageuses s'analyse au regard du désengagement des acteurs
sociaux à l'égard de la participation financière des
salariés lorsque le régime fiscal n'a rien d'incitatif comme on
l'observe actuellement en droit OHADA (A) contrairement au droit
français (B).
283 MERLE (P.), op. cit., p. 680.
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