A - La participation souhaitable des salariés aux
bénéfices de l'entreprise
La participation du salarié aux bénéfices
est le droit reconnu pour le travailleur de profiter d'une part des
bénéfices réalisés par l'entreprise dans laquelle
il offre ses services au cours d'une année. Elle consiste à
attribuer à ce dernier des primes, exclues des éléments du
salaire, en fonction de l'accroissement des performances de l'entreprise. C'est
un système d'incitation comme on l'a déjà dit, c'est
pourquoi il est essentiellement lié à la prospérité
de l'entreprise266. Mais le droit OHADA des sociétés
commerciales ne l'envisage pas ; du moins il ne le consacre pas car ne l'ayant
pas explicitement interdit, chaque société peut librement
l'organiser. Le voeu formuler à ce niveau est donc celui d'une
consécration explicite.
Influencé par l'approche actionnariale de la
gouvernance, le législateur OHADA n'a pas explicitement permis aux
salariés de profiter des performances de l'entreprise. L'avant-projet
d'acte uniforme de 2006 relatif au droit du travail ne l'envisageait non plus.
Pourtant, l'implication des salariés aux bénéfices de
l'entreprise a été solidement implantée dans d'autres
législations telle qu'en France, et continue
d'évoluer267.
À cet effet, le droit français nous offre deux
principales modalités d'implication des salariés aux
bénéfices. L'une purement facultative appelée «
l'intéressement » et l'autre obligatoire (à partir d'un
seuil de salariés dans l'entreprise) appelée la «
participation »268. Bien que leurs régimes juridiques
soient très différents, ces deux techniques de participation aux
bénéfices consistent simplement à attribuer à tous
les salariés de l'entreprise, des primes (d'intéressement et de
participation) dont les modalités, les critères de calcul et de
répartition sont fixés par des conventions collectives (accords
de participation ou d'intéressement269).
266 POUGOUÉ (P.-G.), Droit du travail et de la
prévoyance sociale au Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun,
Paris, Tome 1, 1988, p. 247.
267 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 277-279 ; DESPAX
(M.), « La participation des salariés aux fruits de l'expansion de
l'entreprise en France : (ordonnance du 17 août 1967 et décret du
19 décembre 1967) », Les cahiers de droit, volume 9,
n°3, 1967-68, pp. 365-390 ; MERLE (P.), op. cit., p. 674.
268 MERLE (P.), op.cit., pp. 674-679 ; la loi
française du 30 décembre 2006 relative au développement de
la participation et de l'actionnariat salarié, a créé une
troisième modalité très symbolique qu'est le «
dividende du travail ».
269 Voir, COUTURIER (G.), op. cit., p. 286.
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Alors, s'il ne s'agit que de primes de performances, pourquoi
dire que droit OHADA en est indigent ? Certes, il n'existe pas encore de droit
OHADA du travail, mais au regard du droit du travail camerounais par exemple,
la question mérite d'être posée vu qu'il y existe,
plusieurs accessoires du salaire versés par l'employeur et apparemment
similaires aux primes de participation aux bénéfices sus
mentionnées. Pour répondre à cette question, nous allons
reprendre les mots du professeur POUGOUÉ Paul-Gérard qui disait
que la participation aux bénéfices ne se trouve pas dans le droit
positif camerounais ; « (...) des conventions collectives
prévoient plutôt des gratifications subordonnées aux
résultats positifs de l'entreprise et à la manière de
servir du travailleur (...)» et les lois prévoient
d'autres primes ayant pour cause le travail270. Pour clarifier cette
situation, il convient de comparer les primes de participations aux
bénéfices, de ces différents accessoires du salaire
reconnus par le droit positif camerounais.
D'une part, les gratifications sont des sommes d'argent
remises par l'employeur pour marquer sa satisfaction du travail accompli et
ayant contribué à la prospérité de l'entreprise, ou
plus rarement, à l'occasion d'évènements personnels de la
vie du salarié271. Il peut s'agir des primes de vacances, du
treizième mois etc. Elles sont différentes des primes
d'intéressement et de participation en deux points. Premièrement,
elles n'ont pas en principe un caractère obligatoire pour l'employeur et
s'analysent comme des donations de sa part. Secondement, elles n'ont aucun
caractère collectif dans ce sens qu'elles ne profitent pas à tous
les salariés. Or pour les primes de participations par exemple, «
tous les salariés ont, en principe, vocation à être
bénéficiaires »272.
D'autre part, les primes qui servent de compléments de
salaires à savoir principalement la prime
d'ancienneté273 et la prime de rendement se rapprochent quand
même des participations aux bénéfices. Elles
récompensent toutes, la fidélité et la productivité
du salarié que l'on veut inciter à de meilleurs résultats.
Mais outre le caractère collectif, une raison fondamentale les
différentie. En effet, alors que les primes d'ancienneté et de
rendement prévues en droit positif camerounais sont des accessoires du
salaire, des éléments directs de celui-ci, les primes de
participation ne le sont pas. Les primes d'intéressement par
270 POUGOUÉ (P-G.), op. cit., p. 247.
271 Idem.
272 COUTURIER (G.), op. cit., p. 283.
273 Article 119 de l'avant-projet d'acte uniforme relatif au
Droit du Travail du 24 novembre 2006.
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exemple en France, « s'ajoutent » au salaire, elles
ne peuvent être substituées à aucun élément
de celui-ci274.
Cette nature particulière des primes de participation
aux bénéfices justifie largement le traitement fiscal et social
avantageux qui leurs est souvent accordé. Dans la plupart des cas, elles
sont exonérées d'impôts et des cotisations
sociales275.
Ce qui séduit sur les mécanismes de
participation aux bénéfices est sans doute la finalité des
primes. Elles sont principalement destinées à constituer un fond
d'investissement au profit des salariés pour qu'ils acquièrent
facilement des valeurs mobilières sans difficultés
financières.
Ainsi, la participation aux bénéfices concoure
inéluctable à dynamiser la gouvernance ; elle rapproche les
travailleurs de la gestion, favorise le dialogue social, améliore les
conditions des travailleurs, les incitent à la production et de
là le développement de l'entreprise est assuré. C'est
justement pourquoi en droit OHADA, un tel mécanisme est essentiel pour
le développement économique. De plus, on devrait penser à
promouvoir l'épargne salariale.
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