SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX
SALARIÉS
Pour distribuer des actions nouvelles ou anciennes à
ses salariés, la société doit posséder pour son
compte ses propres actions. Or, en droit OHADA, une société ne
peut pas souscrire ou acheter elle-même ses propres actions que ce soit
directement ou par personne interposée205.
La souscription d'action est l'engagement pris en vue
d'acheter des actions à émettre206 alors que l'achat
d'action est l'acte par lequel une personne acquiert la propriété
des actions déjà existantes dans une société.
L'interdiction faite à la société de réaliser ces
actes se justifie par la nécessité de protéger la
réalité du capital social207. Des dérogations
au principe sont néanmoins admises et sont relatives à la
réduction ou à l'augmentation du capital. Ces opérations
peuvent s'avérer nécessaires pour une gestion financière
de la société, mais également pour une insertion du
personnel au capital de l'entreprise. Ainsi, dans le cadre de la promotion de
l'actionnariat salarié, l'article 640 de l'AUSC dispose que les
sociétés d'actions peuvent souscrire des actions ou acheter leurs
propres actions en vue de les attribuer gratuitement à son personnel.
Ceci permet aux salariés en principe et aux mandataires sociaux
accessoirement d'obtenir des actions gratuitement de la part de leur
entreprise. Dans ce dernier cas, des conditions préalables doivent
être observées (paragraphe 1) et les salariés devront
remplir certaines conditions (paragraphe 2).
205 Article 639 alinéa 1 de l'AUSC ; voir MORTIER (R.),
Le rachat par la société de ses droits sociaux, Dalloz,
coll. Nouvelle bibliothèque de thèse, 2003.
206 C'est très souvent le cas lors de la constitution ou
de l'augmentation du capital social.
207 En France, l'interdiction a été levée
depuis par la loi n° 98-546 du 02 juillet 1998, elle est devenue le
principe général de l'autorisation du rachat ; ceci pour
s'arrimer à la tendance qui prévalait déjà depuis
chez ses voisins anglo-saxons. Immédiatement après, le
succès de la réforme était au rendez-vous comme l'atteste
le rapport du BULLETIN DE LA COMMISSION BANCAIRE (française), n° 22
- AVRIL 2000.
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PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS GÉNÉRALES
PRÉALABLES À
L'ATTRIBUTION DES ACTIONS
L'attribution gratuite des actions ne peut être faite
que selon la volonté des actionnaires. Ainsi, seuls ces derniers
réunis en assemblée générale extraordinaire peuvent
l'autoriser (A) et les actions à distribuer doivent remplir certaines
conditions (B).
A - Les pouvoirs des organes donateurs
Comme toutes les décisions affectant le capital ou le
statut des actionnaires de la société d'actions, l'attribution
gratuite d'actions aux salariés est une faculté qui dépend
de la volonté des actionnaires. Il ne s'agit pas d'un acte de gestion
ordinaire à portée de main des dirigeants. Si ces derniers
ressentent le besoin de motiver le personnel à travers un « plan
d'actionnariat », ils devraient en informer le conseil d'administration
qui demande l'autorisation de distribuer aux actionnaires. Les
compétences sont donc bien partagées dans ce mécanisme.
En effet, d'après l'article 626-1, sous peine de
nullité, l'attribution gratuite des actions au personnel ne peut se
faire qu'en vertu de l'autorisation de l'assemblée
générale « extraordinaire », sur rapport du conseil
d'administration ou de l'administrateur générale (s'il y'a pas de
conseil d'administration), et sur rapport spécial du ou des CAC qui
donnent leur avis sur le projet. L'on suppose que dans la SAS, s'il n'a pas
été désigné de CAC, il devra être
désigné un à cet effet208. L'importance des
rapports est telle que le législateur frappe de nullité les
délibérations prises à défaut. Dans cet esprit, on
doit comprendre à l'évidence que le rapport des organes de
gestions doit contenir les motifs de l'opération
(généralement tournées vers l'intérêt social
que vers le bien être des salariés), des arguments convaincants
à la hauteur des sacrifices que doivent consentir les actionnaires.
L'autorisation de l'AGE vaut également autorisation à
procéder à la souscription ou au rachat de ses propres actions
par la société.
L'AGE fixe dans son autorisation, le maximum d'actions
à distribuer, qui ne peut être supérieur à 10% du
capital social à la date de distribution. Cette limitation du capital
à rétrocéder est due aux soucis de protéger les
actionnaires en place contre une immixtion
208 En France c'est le cas tel que prévu par l'article
L. 225-197-1 du C.ce. L'on fait ce parallèle parce qu'il faut absolument
que l'assemblée générale soit informée par un
rapport d'un commissaire aux comptes. L'article 6261 de l'AUSC fait d'ailleurs
du défaut de rapport, une cause de nullité de l'autorisation. Or
si l'on n'en désigne pas un spécialement pour cette cause, il
reviendra au président de la SAS d'établir ce rapport en sus de
celui qu'il établira en tant que conseil d'administration : ce qui ne
peut pas être admis.
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outrée des salariés dans le capital. Bref, c'est
une prévention du risque de dilution des actionnaires en place. En
France, ce taux peut être étendu à 30% si le
mécanisme bénéficie à tous les
salariés209. L'autorisation doit en outre contenir la
durée de validation de l'autorisation qui ne peut excéder 36 mois
ainsi que les durées des périodes d'acquisition et de
conservation telles qu'étudiées ci-après.
La justification probable des pouvoirs de l'AGE en
matière d'AGA est que le dispositif touche au capital de l'entreprise.
De plus, ce sont les actionnaires qui financent les actions souscrites ou
acheté car les réserves qui servent à libérer
lesdites actions appartiennent en principe aux actionnaires ; les droits
préférentiels que ces derniers doivent abandonnés en cas
de souscription en disent long.
Après avoir reçu le permis des
propriétaires du capital, l'organe exécutif à savoir, le
conseil d'administration, ou l'administrateur général ou encore
le président de la SAS selon le cas, établit un plan
d'attribution gratuite d'actions aux salariés afin de procéder
à la distribution. Ainsi, ce dernier fixe les conditions dans lesquelles
le processus se déroulera et le profil des bénéficiaires.
Pendant la durée de validité de l'autorisation telle que
fixée par l'AGE, l'organe exécutif devra souscrire ou acheter une
fois ou à plusieurs reprises les actions puis les distribuer. À
chaque assemblée générale ordinaire210, il
devra faire un rapport spécial à destination des actionnaires sur
l'ensemble des opérations réalisées dans le cadre de cette
attribution gratuite : c'est « l'information a postériori »
des actionnaires211. Il devra en outre s'assurer que les actions
à attribuer remplissent plusieurs conditions.
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