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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

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A - L'implication des salariés dans les procédures de prévention de la cessation des

paiements

Mis à part quelques rares recours (indispensables) aux salariés, l'AUPCAP semble négliger la valeur de ces derniers dans les réussites des procédures collectives préventives que sont la conciliation et les règlements préventifs. Or sans être prétentieux, l'on estime que la présence des salariés dans ces procédures serait une bonne chose.

Dans la procédure de conciliation, la participation des salariés semble moins nécessaire surtout s'ils sont déjà associés à la prévention des difficultés comme on le souhaite. Il serait préférable de s'en tenir à cette limitation de la participation des salariés eu égard de la nature et des caractères de la procédure de conciliation. En réalité, elle ne vise qu'à protéger le débiteur contre les actions en paiement de ses créanciers en le plaçant sous la protection d'un accord, et elle est soumise à la stricte confidentialité189.

Cependant, on peut se permettre de relever une amélioration nécessaire de cette implication. En effet, à ce niveau, à moins que les salariés ne constituent les principaux

188 ELIET (G.), « Whistleblowing : quel système d'alerte éthique pour les entreprises françaises ? », Les cahiers d'éthique, 2005, cité par AMISSI MANIRABONA (M.), précité, p. 10.

189 Article 5-1 de l'AUPCAP.

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créanciers avec qui le débiteur cherche un accord, ils sont quasiment exclus de la procédure pour des raisons sus-évoquées. Or au final, l'accord de conciliation peut entrainer des mesures de restructurations qui vont impliquer une réduction de la masse salariale, ceci très souvent en vue de rassurer les créanciers partisans. C'est à cette étape que seront conviés les salariés pour faire des concessions ; ce qui sera dès lors très difficile vu le caractère inattendu de la demande pour eux qui n'avaient pas connaissance de la procédure. Alors, il aurait été préférable de les inclure individuellement ou de façon représentative dans le déroulement de la procédure. Le représentant du personnel serait toujours tenu à la confidentialité. De plus, le juge pourra avant d'ouvrir la procédure de conciliation, d'homologuer ou d'exéquaturer l'accord, auditionner les salariés ou leur représentant afin d'avoir des connaissances exactes sur la situation réelle de l'entreprise.

D'autre part, la participation des salariés dans le règlement préventif est aussi à améliorer. Rappelons déjà qu'au regard de l'AUPCAP, les salariés, lorsqu'ils ne sont pas créanciers, peuvent intervenir très laconiquement dans la procédure et seulement si l'expert au règlement préventif décide de les entendent190, s'ils sont invités à faire des concessions dans le projet de concordat191 ou s'ils sont nommés en qualité de contrôleur de l'exécution du concordat192. Il aurait été peut-être judicieux de les impliquer davantage comme nous l'avons suggéré ci haut pour la procédure de conciliation. De plus, vu qu'il est possible que les salariés ne soient jamais désignés en qualité de contrôleur salarié, il serait judicieux « d'imposer » leur présence dans le contrôle de l'exécution du concordat préventif.

B - Le renforcement du statut des contrôleurs salariés dans les procédures de curation de la cessation des paiements

Le contrôleur-salarié est le représentant du personnel dans l'entreprise en crise. Pour cette raison, il est au coeur de la participation des salariés dans les procédures de curation. Ces missions et prérogatives précédemment analysées en disent long sur cette place centrale qu'il occupe. Cependant, son statut en droit OHADA est à améliorer afin de permettre une meilleure implication des salariés dans les crises de l'entreprise.

Primo, le régime de la désignation du contrôleur-salarié est en souffrance. Tout d'abord, la désignation du contrôleur salarié comme pour tous les autres, n'est pas

190 Article 12 de l'AUPCAP.

191 Article 7 et 15 de l'AUPCAP.

192 Article 16 de l'AUPCAP.

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systématique193. Elle dépend de la volonté du juge-commissaire et des créanciers. Une analyse à la lettre de l'article 48 de l'AUPCAP nous montre en effet que, le juge commissaire décide en principe librement de la nécessité d'instituer les contrôleurs pour la procédure ; il n'en est obligé que si les « créanciers représentants au moins un tiers du total des créances » lui en font la demande. De plus, l'alinéa 2 concernant la désignation du contrôleur-salarié dit qu'elle se fait sous « invitation » du syndic. Cette expression déjà utilisé par le législateur français194 montre simplement qu'il ne s'agit pas d'une obligation195. Enfin, il semble qu'outre le cas où il est obligé par les créanciers conformément à l'alinéa 1 de l'article précité, le juge-commissaire en la matière ne peut pas être sanctionné s'il refuse de désigner un contrôleur. Deux arguments expliquent clairement cette opinion ; l'un est lié à l'impossibilité d'exercer les voies de recours (opposition ou appel) contre sa décision de nomination du contrôleur196 et l'autre est lié à une décision jurisprudentielle qui a reconnu que le juge-commissaire n'est pas obligé de désigner un contrôleur même si une demande lui en a été faite, lorsqu'il estime que cette désignation ruinerait la transparence et célérité dont jouit déjà la procédure en cours197.

Pour pallier ce problème de présence des contrôleurs-salariés, il serait appréciable de voir la désignation d'au moins un salarié en qualité de contrôleur rendue obligatoire. On pourrait soumettre cette obligatoriété à la demande préalable des salariés (ou de leur représentant) comme c'est le cas avec les créanciers. Car à la différence des créanciers, les salariés sont absolument des parties internes de l'entité en crise. Aucune brèche législative ne devrait permettre de les écarter de la gestion quoique cette gestion soit exceptionnelle. Par ailleurs, cette désignation permettrait d'éviter le problème de rémunération des contrôleurs. Sur cette question, un auteur pense que l'absence de rémunération étant de nature à créer un manque de zèle dans les missions des contrôleurs, « il serait souhaitable que l'on s'appuie beaucoup plus sur les contrôleurs salariés qui sont déjà rémunérés par leur temps de travail »198.

Secundo, les contrôleurs salariés seraient comme tous les autres, des géants aux pieds d'argiles : ce qui met à mal leur participation dans la gestion de la crise. En effet, tous les contrôleurs ont des missions et prérogatives multiples, mais contrairement aux autres principaux organes de la procédure curative (juge-commissaire, syndic, juridiction compétente,

193 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1310.

194 Article L. 621-4 du Code de commerce français.

195 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 241.

196 Article 216 de l'AUPCAP.

197 Tribunal de grande instance du Noun, ordonnance du 19 Janvier 2009, affaire Caisse nationale de prévoyance sociale (C.N.P.S) contre Liquidation SEFN, ohadata, note de KALIEU ELONGO Yvette Rachel.

198 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 242.

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etc.), ils sont cantonnés à l'observation, dépourvus d'un pouvoir réel d'action ; ce qui en fait des spectateurs plutôt que des acteurs. Ils ne peuvent prendre des initiatives si ce n'est dénoncer les manquements du syndic. Il est alors nécessaire que ses pouvoirs soient renforcés. L'on pourra par exemple leurs permettre de proposer des plans de continuation du point de vu des personnes dont ils représentent les intérêts : le contrôleur salarié présentant des plans vus des salariés. Ces plans pourront envisager la reprise de l'entreprise par les salariés, impliquant alors ces derniers dans une participation financière.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

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En définitive, la participation des salariés dans la gestion des difficultés de l'entreprise en droit OHADA est très faible. Le législateur, conscient de l'importance de ces derniers dans l'entreprise a voulu les intégrer dans cette gestion. Mais, l'analyse de cette volonté montre qu'au lieu d'en faire des acteurs, il en fait presque des simples spectateurs. En effet, en amont, le législateur ne les a pas dotés de moyens de préventions ou de détections des difficultés tels que le droit aux informations ou aux mécanismes de contrôle de la gestion. En aval, quand viennent les difficultés économiques, il ne les implique pas dans la résolution des difficultés mineures ; ce qui n'est pas louable surtout concernant le règlement préventif. Il préfère que ces travailleurs participent lorsque vient la cessation des paiements. Mais là encore, s'il leurs permet de façon salutaire de déclencher les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, il limite malheureusement leur marge d'action dans le déroulement de ces procédures en cantonnant leur représentant, le contrôleur salarié dont la désignation est déjà facultative, à un simple rôle d'observateur des actions du syndic. Il serait donc préférable que les salariés soient davantage impliqués dans la gestion des difficultés économiques de l'entreprise dans le sens des propositions formulées.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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Au fil des réformes législatives, on peut croire que le droit OHADA des entreprises améliore la participation politique des salariés dans le fonctionnement des sociétés commerciales. Mais, l'analyse minutieuse de ces dispositifs nous montre que cette participation est très insuffisante pour dynamiser davantage la gouvernance de ces sociétés.

Dans le fonctionnement ordinaire de la société, la consécration du cumul de mandat semble être un exploit vu qu'elle permet aux salariés d'être représentés dans les organes de gestion de la société. Mais cela n'est réellement pas le cas car, le caractère facultatif que le législateur y attache ne favorise pas les choses. De plus, la représentation officielle des salariés dans les sociétés OHADA souffre de l'absence d'un organe collégial de représentation tel que le comité d'entreprise dont le droit comparé nous enseigne les vertus.

Dans la gestion des difficultés économiques de la société, les salariés sont mis à l'écart. Ils ne peuvent agir que lorsque survient la cessation des paiements. Il est pourtant nécessaire de renforcer leur rôle à ce niveau en les intégrant dans la prévention des difficultés car du fait de leur position centrale dans le quotidien de l'entreprise, ils sont plus aptes que les traditionnels acteurs de la prévention à protéger la société de la survenance de ces difficultés. En plus, quand viennent ces difficultés, il faudra reconfigurer la participation des salariés dans leurs traitements.

Cependant, on peut aisément penser que les salariés ne manifesteront une curiosité plus grande à participer réellement à la vie de l'entreprise que s'ils étaient impliqués financièrement.

SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE LA
PARTICIPATION FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE

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L'autre versant de la participation des salariés dans les sociétés a un aspect financier mais conduit au même objectif que la participation politique : il s'agit de la participation financière. Tandis que la participation non financière permet au salarié d'acquérir un pouvoir de dirigeant, la participation financière lui permet d'acquérir un pouvoir d'actionnaire. C'est ainsi que les droits attachés aux techniques de cette participation sont proches de ceux des actionnaires.

Elle permet d'associer étroitement les salariés à la performance et au développement de l'entreprise199. À travers elle, ces derniers se trouvent impliqués sur les résultats et sur le capital de l'entreprise. S'agissant de la participation aux résultats, elle est une association des travailleurs aux fruits de l'expansion de l'entreprise. Elle permet de leurs attribuer, une fraction des bénéfices réalisés par la société et ceci dans le but de les stimuler davantage au travail200. S'agissant de la participation au capital, elle vise en général, à faire entrer le salarié dans le capital social. Il s'agit dans ce sens, de l'actionnariat salarié.

La participation financière est également une nouvelle politique de rémunération, un moyen différé, et flexible de rémunération. Dans la réalité, très souvent, elle tend à récompenser en sus du salaire, la fidélité ou la performance du travailleur. C'est justement ce qui justifie son caractère essentiellement facultatif dans le droit OHADA. En effet, l'AUSC dans toutes ses versions, n'a jamais vu la participation financière des salariés que sous l'angle de la participation au capital. Son comportement montre bien qu'il hésite à accorder aux salariés un pouvoir d'actionnaire. Dans cette logique, il s'est limité à la technique d'actionnariat salarié qui permet d'attribuer gratuitement les actions aux salariés de l'entreprise (CHAPITRE 1), négligeant ainsi plusieurs formules de la participation financière et dénuant son action de mesures incitatives (CHAPITRE 2).

199 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.), « De la participation des salariés à l'épargne salariale : analyse lexicale des débats parlementaires », 5 mars 2017, p. x (résumé), [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959, (consulté le 20 janvier 2020 à 13h).

200En France, la participation aux bénéfices se fait à travers un régime facultatif, laissé au bon vouloir de

l'entreprise qu'est l'intéressement et un régime obligatoire pour des entreprises remplissant certaines conditions appelé participation proprement dite contrairement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis où elle est complètement facultative.

CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE L'ACTIONNARIAT

SALARIÉ

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Le meilleur moyen d'établir des relations de travail satisfaisantes et de supprimer l'antagonisme entre employeurs et salariés est de rapprocher ces derniers des propriétaires des entreprises dans lesquelles ils exercent leur activité, c'est-à-dire leur en distribuer le capital201 : c'est l'actionnariat salarié. C'est l'ensemble des techniques qui permettent de faire entrer les salariés dans le capital social. En clair, on insère ces derniers dans le capital social par des moyens plus avantageux qu'un actionnaire ordinaire. Ses actions sont ainsi parfois qualifiées d'actions de performance, car elles permettent directement de stimuler les efforts du travailleur, de lui donner une raison de croire que son travail lui est directement profitable.

L'actionnariat salarié permet également d'intéresser à long terme les salariés et de les fidéliser à l'entreprise car les fruits d'une participation ne sont perçus qu'à long terme à la différence des primes annuelles ou mensuelles. D'ailleurs, la majorité d'études réalisées sur l'impact de l'actionnariat salarié sur la performance, montrent que les sociétés dans lesquelles le capital social est détenu entièrement ou partiellement par les salariés sont les plus performantes202. L'on soutient que l'actionnariat salarié influence positivement la productivité des salariés203.

L'actionnariat salarié se fait à travers différentes formules notamment, les plans d'épargnes d'entreprises, les options de souscription ou d'achat d'actions de l'entreprise, le rachat de l'entreprise par ses salariés et l'attribution gratuite d'actions aux salariés204. C'est exclusivement cette dernière formule qui a été envisagée par le législateur OHADA. L'on note à cet effet, une timidité dans son comportement vu qu'il semble l'admettre difficilement. En effet, dans l'AUSC de 1998, ce n'est que de manière vague qu'il admettait le concept sans véritable régime juridique. À l'occasion de la réforme de 2014, il va consacrer à l'AGA un véritable régime juridique bien que toujours laconique. Ainsi, une fois que les salariés

201 COUTURIER (G.), op. cit., p. 287.

202NGONGANG (D.), « actionnariat salarié comme levier de création de valeur ajoutée et de productivité dans les entreprises Camerounaises », La Revue Gestion et Organisation, 2013, pp. 3-4; LECOURT (B.), « The promotion of employee Ownership and Participation, Commission européenne », Rév. Sociétés, 2015, p. 139.

203 GARFATTA (R.), Actionnariat salarié et création de valeur dans le cadre d'une gouvernance actionnariale et partenariale: Application au contexte français, Thèse de Doctorat, IAE, Université de Bourgogne, 2010, [en ligne sur] http://tel.archivesouvertes.fr/docs/00/59/28/PDF/these_A_GARFATTA; NGONGANG, précité, p. 3.

204 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 289-291 ; MERLE (P.), op. cit., pp. 679-693.

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remplissent certaines conditions, des actions gratuites peuvent leurs être attribuées (section1), ce qui produira des effets positifs sur leur participation (section2).

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein