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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

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B - L'action collective des salariés en tant qu'informateurs de la juridiction

compétente

Le seul moyen pour les salariés non créanciers de déclencher l'ouverture d'une procédure collective est celui prévu à l'article 29 de l'AUPCAP. D'après cet article, « la juridiction compétente peut se saisir d'office notamment sur la base des informations fournies par (...) les membres de cette personne morale ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine ». En réalité, il ne s'agit que d'une action indirecte dans la mesure où c'est la juridiction compétente qui se saisit d'office. Les salariés ici n'ont qu'un rôle d'incitateurs car ils ne font qu'informer le juge de

147 Article 95 de l'AUPCAP.

148 Article 96 al.1 de l'AUPCAP.

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l'existence d'une situation économique préoccupante149. Cette activité d'informateur peut être menée intentionnellement en vue de provoquer la saisine d'office du juge (déclaration) ou à d'autres fins (assignation pour paiement). La CCJA a d'ailleurs confirmé cette règle dans l'affaire SOCALIB150. En l'espèce, le collectif des travailleurs (maltraités) de la SOCALIB a assigné leur employeur auprès du tribunal d'instance de Ouesso dans le but d'obtenir le constat de l'abandon des employés et le paiement de leurs arriérés de salaire et autres droits conventionnels. À l'occasion de cette plainte, le juge est informé de l'ampleur des difficultés de la société et décide de passer outre les revendications du collectif pour constater la cessation des paiements et prononcer la liquidation de ses biens. Ainsi, la haute juridiction communautaire en reconnaissant que les juges du fond se sont « plutôt saisis d'office en raison des informations fournies par le collectif des salariés de la SOCALIB, pour prononcer la liquidation des biens de ladite société », reconnaissait par la même occasion, l'action indirecte des salariés en qualité d'informateurs judiciaires.

L'action d'information des salariés se trouve alors fusionnée dans la saisine d'office du juge. Cette saisine d'office du juge sur la base des informations des salariés, se justifie par « le fait que les procédures collectives d'apurement du passif sont d'intérêt général et d'ordre public »151. Il s'agit d'un mécanisme salutaire dans la mesure où il permet de retirer de l'emprise de la volonté du débiteur, l'initiative des procédures collectives152. Il permet de pallier au manque de diligence d'un débiteur en cessation des paiements qui par trop d'optimisme se permettrait de ne pas la déclarer et aggraver davantage la situation de l'entreprise.

Nonobstant toutes les difficultés juridiques posées par l'institution de la saisine d'office du juge153, on constate qu'elle permet en outre, une implication plus marquée des

149 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n°1503 du 27 avril 2002, affaire Compagnie multinationale aérienne Air Afrique, http://www.ohada.com, Ohadata J-5-49.

150 CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08 décembre 2011, affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, JURIDATA n°J032-12/2011 ; MOHO FOPA (É. A.), note sous jurisprudence, CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08 décembre 2011, affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, Juridis périodique n° 105, janvier-mars 2016, pp. 113-121.

151 MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 116.

152 Ibidem, p. 117.

153 La saisine d'office du juge dans les procédures collectives a été sortie de l'ordonnancement juridique français par une décision du conseil constitutionnel du 07 décembre 2012 qui la considérait inconstitutionnel car étant de nature à violer le principe fondamentale d'une justice équitable mais a été maintenue en droit OHADA. D'une part, il pose véritablement problème car ne permet pas au juge d'être impartial dans son action, mais d'autre part, c'est un mal nécessaire dans la mesure où les procédures visées étant d'intérêt général, la saisine d'office permettra au juge d'assurer et de garantir efficacement cet intérêt. V. MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 117 ; KOUAMO (D. R.), op. cit., pp. 228-230 ; BIBOUM BIKAY (F.), « Les pouvoirs d'office du juge des procédures collectives de l'organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) », Juridical Tribune, volume 5, Issue 2, Décembre 2015, p. 233-253.

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salariés dans le traitement des difficultés de leurs employeurs. En effet, on peut croire que le législateur utilise cette voie pour compenser l'impossibilité pour les salariés de déclencher une alerte. Car comme on l'a déjà précédemment dit et comme on le verra154, les salariés n'ont pas un droit d'alerte dans les sociétés commerciales OHADA. La saisine d'office du juge sur la base de leurs informations leur permet donc de déclencher une alerte externe afin de ralentir la chute de l'entreprise. Certes, le moyen est explicitement curatif, mais l'on peut aussi y voir une forme de prévention des difficultés dans la mesure où l'AUPCAP ne précise pas la qualité de l'information à fournir. Celle-ci peut être déterminante ou non ; en tout cas, elle ne lie pas le juge qui doit encore vérifier l'effectivité de la cessation des paiements. La seule mention concernant la qualité de l'information est qu'elle soit relative aux faits de nature à motiver la saisine d'office du juge. Alors, les salariés peuvent se fonder sur ce laxisme législatif pour exercer une action préventive sans être sûrs de l'effectivité de la cessation des paiements. Lorsqu'ils ont la connaissance de quelques difficultés que ce soit, ils saisissent le juge afin de pousser ce dernier à analyser la gestion de l'entreprise.

L'action, intentée dans un but préventif, pourra très bien aboutir. Ceci parce qu'après réception des informations, le juge entend le débiteur sur l'existence de la crise155. Ce dernier devra produire si le juge le veut, une série de documents prévus à l'article 26 parmi lesquels, les états financiers de synthèse, l'état de la trésorerie, un état des créances et des dettes de l'entreprise et bien d'autres. Ces documents permettent au juge d'exercer même s'il y'a pas encore cessation des paiements, un contrôle en vue de la prévenir. L'alerte des salariés aura donc produit ses effets.

Cependant, nait un problème, celui du risque d'une multiplication abusive des actions des salariés qui conduira à une immixtion exagérée du juge et fragilisera la gestion de la société. C'est pourquoi il faut instituer des moyens de garanties contre cet effet pervers. Certainement, qu'on pourrait se dire que l'exigence d'une représentation collective des salariés comme destinateur de l'information suffirait car à ce qu'il paraît, l'informateur doit avoir la qualité de représentant du personnel. Malheureusement, on n'en est pas très sûr car « l'énumération des destinateurs de l'information est loin d'être limitative »156, et rien n'indique les conditions dans lesquelles ces informations sont fournies au juge.

Une fois l'ouverture de la procédure prononcée, il importe de s'interroger sur le rôle des salariés dans son déroulement.

154 Infra, B : L'élargissement des mécanismes de contrôle de la gestion au profit des salariés.

155 Article 29 alinéa 3 et 4 de l'AUPCAP.

156 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1259.

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PARAGRAPHE II : L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES CURATIVES

Durant le déroulement des mesures de traitement de la crise de l'entreprise, les salariés s'impliquent soit de façon représentative ou individuelle. Ces situations correspondent respectivement à l'action des contrôleurs représentant le personnel (A) ou aux concessions que font les salariés en vue de mettre un terme à la crise (B).

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