B - Les comités d'entreprises justifiés par
leur pertinence
Institués en France par l'ordonnance du 22
février 1945 et la loi N°46-1065 du 16 mai 1946, les comités
d'entreprises sont des institutions collectives de représentation des
salariés au sein de l'entreprise. Leur consécration en droit
OHADA serait judicieuse car ils permettent mieux que les mécanismes
existants à savoir le cumul d'emploi et le délégué
du personnel, une meilleure implication des salariés dans la gestion
ordinaire de l'entreprise. Certainement que la réticence des
législateurs de l'OHADA et de quelques pays qui ne l'ont pas encore
consacré tel que le Cameroun peut s'expliquer par le contexte de
pauvreté, le désir de développement économique,
d'attractivité des investisseurs dont on craint la réaction s'ils
voient leur patronat affaiblit par celui des salariés. Cependant, cette
justification peut s'avérer inexacte ou mal fondée car, la France
du général de Gaulle après la libération, a
imaginé ce mécanisme dans ses réformes structurelles afin
de booster les performances et le rendement des entreprises et remédier
de ce fait à la situation économique catastrophique de cette
époque123. Au regard du succès que ce fût, on
peut dire qu'ils ne sont pas des moyens d'affaiblissement du patronat. En
outre, le choix des délégués du personnel au
détriment des comités d'entreprises s'explique difficilement
compte tenu du fait que les deux institutions sont consacrées à
la même époque124. Il aurait été
judicieux de tenter les deux expériences.
Loin de vouloir pousser le législateur à un
mimétisme qu'on lui a souvent reproché, l'objectif de cette
proposition est d'affirmer l'importance d'un modèle de
représentation très pertinent au regard de sa composition mixte,
qui fait intervenir différents acteurs sociaux (chef d'entreprise,
représentants élus des salariés, représentants
syndicaux : ce qui favorise les concertations entre le dirigeant et les
salariés), mais plus particulièrement au regard de son
rôle.
122 Ibid, p. 173.
123 LE CROM (J. P.), « La naissance des comités
d'entreprise : une révolution par la loi ? », Travail et
Emploi, n°63, p. 59.
124 Le délégué du personnel est
consacré en France d'abord sous l'appellation de
délégué d'ouvriers par la loi du 24 juin 1936 puis sous la
forme actuelle par la loi du 16 avril 1946.
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Le comité d'entreprise a une composition mixte qui
regroupe à la fois des membres du directoire, des représentants
du personnel, des représentants syndicaux et parfois bien d'autres.
C'est le cas en France, où il est présidé par le chef
d'entreprise. Au Gabon, il inclut aussi des représentants des
actionnaires désignés par l'assemblée
générale. Cette diversité de membres, permet de faciliter
le dialogue social et donne au comité une meilleure
efficacité.
Le rôle du comité d'entreprise découle de
ses attributs économiques125 et
socio-culturels126. D'une part, il est un organe de concertation et
de contrôle de la gestion car il est chargé de suivre
l'évolution de l'entreprise grâce aux informations qui lui sont
fournies127 et d'agir sur les décisions du directoire en
émettant des avis. En France, la loi du 1er mars 1984 sur la
prévention des difficultés des entreprises a
considérablement renforcé ses pouvoirs et en a fait un organe de
contrôle de la gestion en lui octroyant un droit d'alerte128
aussi important que celui des associés, le droit de demander la
récusation du commissaire aux comptes129, le recours à
l'expertise de gestion130. La loi de 2001 sur les nouvelles
régulations économiques est venue par la suite ainsi que
plusieurs autres renforcer davantage ce pouvoir des comités
d'entreprises en lui octroyant de prérogatives de plus en plus
importantes131. Ces comités participent d'ailleurs
obligatoirement aux conseils d'administrations des sociétés
anonymes avec voies consultatives132.
Cependant, il ne s'agit par d'un organe de contrôle
ordinaire car il n'a pas un pouvoir de contrainte si ce n'est qu'une simple
influence sur la décision avant qu'elle ne soit prise. Par mesure de
prudence, et afin qu'il ne constitue une menace pour l'autorité du chef
d'entreprise, l'on ne lui a confié qu'un droit de consultation dont
l'avis issu ne lie pas l'employeur puisqu'il ne s'agit pas là d'une
cogestion133. Dans le domaine économique, le comité
d'entreprise n'est pas un organe de décision, car le dirigeant ayant aux
yeux du monde la responsabilité de l'affaire qu'il dirige, il est
important de lui laisser une autorité
125 Article L. 2323-1 et suivants du Code de travail
français, annoté par TEYSSIÉ (B.), 32ème
édition, LexisNexis, 2017 ; URBAN (Q.), « Comité
d'entreprises (Rôle et attributions en matière économique)
», Répertoire du droit du travail, janvier 2014 ; infra,
Chapitre 2, Section 2, §1, A : La consécration nécessaire
d'un véritable droit à l'information des salariés.
126 Article L. 2323-83 et suivants, du code du travail
précité ; ORTSCHEIDT (P.), « Comité d'entreprise
(Activités sociales et culturelles) », Répertoire du
droit du travail, Janvier 2013.
127 Articles L. 2323-2 à L. 2323-45 ; art. L. 2323-55 du
C.trav. Français
128 Article L. 2323-78 à 82 du C.trav.,
français.
129 Article L. 225-230 du C.ce., français.
130 Article L. 225-231 du C.ce., français.
131 MERLE (P.), op.cit., pp. 666-667.
132 Article L. 2323-62 à L. 2323-66 du C.trav.
Français.
133 « Il faut (...) se garder d'utiliser le
qualificatif de cogestion, qui impliquerait une participation active aux
décisions de l'employeur. Le comité d'entreprise ne dispose pas
non plus d'un pouvoir de négociation (...) », URBAN (Q.),
précité, p. 5.
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correspondante à cette
responsabilité134. C'est d'ailleurs pourquoi il est
consacré en Mauritanie comme un organe consultatif d'entreprise et au
Gabon comme un organe de concertation.
D'autre part, le comité d'entreprise a pour rôle
de représenter les salariés et d'exprimer leur
intérêt dans la gestion en ce sens que son objet est «
d'assurer une expression collective des salariés, permettant la
prise en compte permanente de leurs intérêts dans les
décisions relatives à la gestion et à l'évolution
économique et financière, à l'organisation du travail et
aux techniques de production »135. Il devient ainsi un
instrument incontournable de la démocratie d'entreprise, un acteur
important du droit des sociétés commerciales136
134 LE CROM (J. P.), op. cit., p. 47.
135 Ancien article L. 2323-1 du Code de travail
français, cité par FRANCONI (V.), L'actualité des
attributions du comité d'entreprises en matière
économique, thèse, université Lumière Lyon 2,
15 novembre 2010, p. 14.
136 TAQUET (F.), L'amélioration des conditions
d'informations des comités d'entreprises, JCP E, 2001, p. 1205,
cité par MERLE (P.), op. cit., p. 667.
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