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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

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B - La redéfinition des modalités de désignation des administrateurs-salariés

En l'état actuel du droit OHADA, les salariés administrateurs sont soit désignés par les statuts ou l'assemblée générale constitutive104, soit nommés par l'assemblée générale ordinaire105. La déduction lamentable est que leur présence dépend de la volonté totale des actionnaires ; ce qui ne facilite pas considérablement la dynamisation de la gouvernance des sociétés anonymes. Il serait alors plus intéressant de faire recours en outre, à des modalités de représentativité plus participatives. L'élection par les salariés de leurs représentants au conseil d'administration serait un mode idoine.

Opposée de la nomination, l'élection est l'« opération par laquelle plusieurs individus ou groupes formant un collège électoral, investissent une personne d'un mandat ou d'une

102 Loi française de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013. Avant cette loi, il s'agit d'une faculté reconnue par les articles L. 225-27 et suivants du code de commerce.

103 KETTANI (M.), « Cumul du mandat social et du contrat de travail : analyse juridique et jurisprudentielle », Rev., juridique marocain, n°36, 2015.

104 Article 419 de l'AUSCGIE.

105 Article 546 de l'AUSCGIE.

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fonction par un vote »106. C'est le mode qui met en exergue une démocratisation des relations de travail. Il a l'avantage de donner une légitimité à l'administrateur salarié élu. Ainsi, tous les salariés composeront le collège électoral et voteront celui ou ceux d'entre eux qui les représenteront au conseil d'administration. Puisque ce modèle est très similaire à la représentation par les délégués du personnel, et que ces derniers en droit OHADA ne siège pas au conseil d'administration, on peut se demander s'il ne serait pas plus simple pour le législateur d'imposer la présence des délégués du personnel au conseil d'administration. La réponse nous appelle à faire recours au droit français.

Afin de maximiser la présence des représentants du personnel salarié dans les organes sociaux, le code de commerce français dispose que le mandat d'administrateur salarié est incompatible avec tout mandat de membre d'un organe de représentation des salariés107. Il importe de ne pas cumuler les deux fonctions de représentation sur une même personne.

Quant aux modalités de l'élection, il est possible de laisser aux statuts l'organisation du vote et d'imposer les conditions d'exercice du suffrage et d'éligibilité similaires à celles des délégués du personnel108. Mais en l'absence d'orientations législatives, ce serait encore abandonner la représentation à la volonté des actionnaires.

Une autre modalité intéressante est prévue par la loi française de 2013 sur la sécurisation de l'emploi et consiste en la désignation de l'administrateur salarié par le comité d'entreprise. Mais son application en droit OHADA nécessiterait au préalable qu'on crée des comités d'entreprises comme en France.

PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DES ORGANES COLLÉGIAUX DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS L'ENTREPRISE : L'INSPIRATION DES COMITÉS D'ENTREPRISES

Le comité d'entreprise est l'institution de représentation collective du personnel aux missions diverses, qui dans une entreprise, réunit sous la présidence du chef d'entreprise, des représentants élus du personnel et représentants de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise109. Il n'existe pas en droit OHADA et le néophyte peut facilement l'assimiler à tort aux comités d'études prévues à l'article 437 de l'AUSCGIE.

106 CORNU (G.), (dir.) et Association Henri CAPITANT, Vocabulaire juridique, 12ème édition, PUF/Humensis, 2018, p. 432.

107 Article L. 225-30.

108 Article 168 du Code de travail camerounais et article 123 de l'Avant-projet d'acte uniforme relatif au droit du travail de 2006.

109 CORNU (G.), op. cit., p. 232 ; mais cette définition peut varier en fonction des pays.

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Seuls quelques États membres tels que le Gabon110, le Mali111, et la Mauritanie l'ont consacré dans leurs législations sociales. Or il s'agit d'un instrument de participation approprié pour l'amélioration de la place des salariés dans l'entreprise (B) et sa consécration par le législateur communautaire est nécessaire surtout au vu de l'inadéquation des institutions de représentation en vigueur (A).

A - Les comités d'entreprises justifiés par l'inadéquation des institutions de représentation consacrées

Dans la plupart des pays de l'OHADA, la seule institution de représentation des salariés qui permet une participation de ces derniers à l'intérieure de l'entreprise est le délégué du personnel112. Bien que le droit du Travail soit encore un « parent pauvre de l'OHADA »113, l'intention du législateur au regard de l'Avant-projet d'Acte Uniforme de 2006 relatif au droit du travail était de maintenir cette logique. Ainsi, l'article 165 de ce livre voulait imposer leurs élections dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Cependant, bien qu'armé de moyens considérables de défense des intérêts salariés dans la vie de l'entreprise, le délégué du personnel s'avère très faible et inadéquat à la participation des salariés dans la gestion de l'entreprise.

Vestige de l'héritage colonial, l'institution du délégué du personnel est introduite en Afrique par l'administration Française dès 1952 à travers le Code de Travail d'Outre-Mer (CTOM)114 qui dote les colonies françaises et les territoires sous administration française d'un code de travail propre. Elle a pour mission de présenter à l'employeur, les revendications individuelles ou collectives des travailleurs concernant les conditions de travail que ces derniers ne peuvent faire directement ; de veiller au respect de la législation sociale par l'employeur ; de communiquer à l'employeur toutes suggestions et observations du personnel tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise.

Cependant, en raison de plusieurs lacunes, le délégué du personnel ne permet pas une suffisante participation des salariés au fonctionnement ordinaire de l'entreprise. D'une part, il

110 Adoptés sous le nom de « comités permanents de concertation économique et sociale » par l'ordonnance n°29/76 du 10 avril 1976 et le décret n°407 du 10 avril 1976.

111 Adoptés par le code du travail sous le nom de « comités de gestion ».

112 Article 122 du Code du travail camerounais.

113 REIS (P.), « Le droit du travail dans le droit OHADA », Revue de l'OHADA, n°1 de juin 2012, p. 244.

114 Loi française du 15 décembre 1952 ; v. SIM (R.), Le délégué du personnel : Une institution démocratique en droit de travail, Presses de l'UCAC, Yaoundé, 2007.

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est un organe individuel de participation ; ce qui est très dangereux115. Ainsi, parce que mal organisé, il lui est difficile d'influencer les décisions de l'employeur. De plus, parce qu'il s'agit d'une personne, l'interprétation des réclamations par ce dernier peut être biaisée par son analyse personnelle. Ceci justifiera très souvent que les salariés s'en passent de lui et présentent directement leurs suggestions et réclamations à l'employeur116. Le système de représentation dès lors perd sa raison d'être.

D'autre part, les délégués du personnel n'ont pas une influence sur les décisions économiques de l'entreprise. Ils ne savent rien de la vie économique de l'entreprise et sont vis-à-vis de l'employeur dans une position qui interdit toute ténacité117. En effet, l'objectif de la participation et plus largement de la gouvernance d'entreprises se trouve ignoré lorsque le système de participation en vigueur ne permet pas aux salariés de se prononcer sur les décisions économiques de l'entité. Certes, il est permis aux délégués du personnel « de communiquer à l'employeur toutes suggestions utiles tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise »118, mais il s'agit là d'un exercice facultatif. L'employeur n'est pas obligé de requérir leur avis sur les décisions y relatives comme ce serait le cas avec le comité d'entreprise ou encore de les informer de la vie économique de l'entreprise. À ce niveau, on peut bien se demander si le législateur n'a pas plutôt servit de la « fausse monnaie » aux travailleurs119.

Le délégué du personnel a un rôle essentiellement tourné vers l'amélioration des conditions de travail. Du coup, son impact sur la vie économique n'est pas visible. Il est de ce fait perçu très négativement comme un instrument de lutte des classes par les dirigeants qui vont très vite développer la pratique des réponses écrites aux réclamations des délégués du personnel afin d'éviter les contacts directs avec eux120. Ceci crée une situation conflictuelle constante entre le directoire et le délégué du personnel de laquelle le premier ressort très souvent vainqueur en dépit de la protection législative accordée au second121.

115 TAM (P.), L'institution des comités d'entreprise en droit du travail camerounais, mémoire, Université de Yaoundé 2, année 1988-1989, pp. 22 et s.

116 Les textes relatifs aux délégués du personnel leurs en donnent le droit. C'est le cas de l'article 129 du code de travail camerounais et 179 de l'avant-projet précité.

117 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.), « Le difficile enracinement de la négociation en droit du travail camerounais », Afrilex, 2000, p. 3.

118 Article 128 du code du travail ; Voir également l'article 178 de l'avant-projet précité. Mais il s'agit là d'une prérogative reconnue lorsqu'il n'y a pas de comité d'entreprises.

119 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.), précité, p. 3.

120 LE CROM (J.P.), op. cit., p. 73.

121 Idem.

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Devenu une institution en difficulté dont le rôle dans la démocratie d'entreprises est contesté, le délégué du personnel voit son déclin s'annoncer122. Un déclin facilité par la simplicité des mécanismes de participation tel le cumul de fonctions, ou la pertinence des institutions collectives de représentation tel les comités d'entreprises.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery