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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

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B - La cessation des fonctions des dirigeants salariés

« À un moment ou à un autre de la vie sociale, la question de la cessation des fonctions des dirigeants va se poser inéluctablement »94. Mais le mode de cessation des fonctions du dirigeant salarié le plus problématique est celui par lequel ses cocontractants décident de mettre fin prématurément à leurs relations contractuelles. Il s'agit de la révocation du mandat social ou du licenciement dans le cadre du contrat de travail. Puisque ces deux contrats sont réunis en une seule personne, des interférences entre les deux régimes de révocation s'opèrent logiquement. À titre illustratif, l'on peut constater que son licenciement ne peut s'opérer que par son employeur qui peut être lui-même, en vertu du mandat social. Ainsi, comment assurer son licenciement en cas de besoin ? Est-ce que sa révocation pourra emporter systématiquement son licenciement ? Avant de répondre à ces questions, il importe préalablement de préciser les règles des cessations de fonctions des dirigeants salariés.

En principe, la révocation des dirigeants sociaux est libre, et se fait par la seule volonté de l'assemblée générale ordinaire ou du conseil d'administration selon les cas : on parle de révocation ad nutum95. Le caractère d'ordre public de ce principe justifie que toute convention tel un contrat de travail qui a pour effet d'entraver ou de restreindre son efficacité soit interdite96. Dans ce sens, les juges de la CCJA ont qualifié de « moyen frauduleux » et annulé le contrat de travail d'un dirigeant social conclu dans le but de garantir la stabilité de son mandat social97. Quant au licenciement, sa mise en oeuvre ne donne pas autant de liberté à l'employeur que la révocation du mandat. Il ne peut être opéré que selon un motif légitime et réel au risque pour l'employeur de réparer le préjudice subi par le salarié du fait de la rupture abusive. L'on est donc en présence de deux modes de cessation de fonctions totalement autonomes.

De par les exclusivités de leurs régimes juridiques, la révocation du mandat social est autonome du licenciement : c'est le principe d'autonomie du mandat social et du contrat de travail98. Illustration de la sécurité dont jouit le dirigeant salarié par rapport au dirigeant non

94 AKAM AKAM (A.), « La cessation des fonctions des dirigeants des sociétés commerciales en droit OHADA », Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (Afrilex), mars 2009, p. 1.

95 Outre le contrôle juridictionnel du « juste motif » que consacre l'AUSCGIE, les principales exceptions à la révocation ad nutum restent d'origines jurisprudentielle (le respect de la procédure du contradictoire dans la prise de décision de révocation), et pratique (l'utilisation des techniques des parachutes dorés, des stock-options et bien d'autres), in AKAM AKAM, précité, pp. 9-20.

96 Ibid., p. 10.

97 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-94.

98 En droit français, ce principe n'admet d'exception que concernant le cumul des administrateurs représentants les salariés dans les sociétés : article L. 225-23 et L. 225-32 du Code de commerce.

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salarié, ce principe suppose que la révocation du mandat social ne saurait avoir d'incidences sur le contrat de travail et vice versa. D'une part, la révocation du dirigeant social n'emporte pas automatiquement son licenciement. Si la confiance entre les propriétaires de l'entreprise et leur dirigeant est devenue fragile, la simple révocation de ce dernier ne suffira pas à l'exclure totalement de l'entreprise, il faudra en plus que le nouveau dirigeant le licencie. D'autre part, la rupture du contrat de travail du dirigeant n'emporte pas automatiquement rupture de son mandat social. Dans l'hypothèse où le dirigeant social en qualité d'employeur refuserait de se licencier soit même, il faudra au préalable révoquer son mandat social, puis assurer le licenciement par le nouveau dirigeant.

Le régime juridique du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail est la manifestation de la participation des salariés à la gestion des sociétés commerciales en droit OHADA. Il fait d'eux des administrateurs salariés ou des dirigeants salariés. Mais ce régime est fragile, ce qui justifie la nécessité de son renforcement.

SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA PARTICIPATION DES
SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ

L'amélioration de la participation des salariés à la gestion ordinaire de la société passe nécessairement par l'amélioration du régime du cumul de fonctions (paragraphe 1), et la création des mécanismes collectifs de représentation des salariés dans la gestion (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : L'AMÉLIORATION DU RÉGIME DE LA REPRÉSENTATION
DES SALARIÉS DANS LES ORGANES DE GESTION

Les salariés participent à la gestion ordinaire de la société commerciale lorsqu'à travers le mécanisme du cumul de fonctions, ils sont appelés à contrôler ou à diriger l'entreprise. Ce cumul permet une représentation des salariés au sein du conseil d'administration et du directoire99. Mais en droit OHADA, son régime précédemment analysé se trouve limité par son caractère facultatif qu'il conviendrait de rendre obligatoire (A) et de repréciser les modalités de désignation des administrateurs salariés (B).

99 Rappelons qu'à ce niveau, la question de la représentation des salariés aux assemblées générales ne sera pas traitée.

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A - La suppression du caractère facultatif de la représentation des salariés dans le conseil d'administration

L'article 426 de l'AUSCGIE qui peut être considéré comme la consécration générale du cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail, a le mérite de faciliter l'entrée des salariés dans le gouvernement de l'entreprise. Cependant, il affirme comme tous ceux qui le suivent, le caractère facultatif de cette technique et va même jusqu'à donner la possibilité aux actionnaires de l'interdire dans les statuts. L'emploi de l'expression « sauf clause contraire des statuts » et du verbe « pouvoir » qui traduisent un exercice facultatif, illustre parfaitement cet état des choses. En raison du caractère conservateur des propriétaires du capital social, de leur haine de l'immixtion étrangère, cette possibilité qui leur est accordée de ne jamais faire intervenir les salariés dans leur affaire est de nature à les éloigner pour toujours de la gestion de l'entreprise. Ce choix du législateur OHADA peut s'explique par sa vision encore très centrée sur la volonté des investisseurs. Mais il rend encore difficile sa recherche d'un modèle idéal de gouvernance.

Néanmoins, l'on doit reconnaitre que le choix des membres du directoire doit rester totalement facultatif, car, les associés ou les administrateurs qui décident de la personne qui va exercer les fonctions de direction ou de gérance le font sur la base d'une confiance qui ne doit en aucun cas être occultée par les exigences de la gouvernance salariale. Ils doivent pouvoir choisir librement la personne qui leur fera gagner plus des bénéfices. En effet, ce serait une absurdité de dire que le ou les gérants d'une Sarl doivent être des salariés. En revanche, l'obligatoriété de la présence des salariés dans les organes de contrôle serait une aubaine pour la dynamisation de la gouvernance.

Dans la société anonyme, entendue comme la forme de société la mieux organisée, la présence des salariés dans le conseil d'administration devrait être obligatoire. Cette idée résulte du caractère et du rôle de cet organe. Entre les inconvénients et les avantages de leur présence pour la société, la balance penche au profit des seconds100. En réalité la présence des salariés au sein de cet organe collégial de contrôle de la direction, permet une vision transversale, plus réaliste dans la prise des décisions. Elle favorise également la logique participative, le dialogue, et la construction de la confiance entre partenaires sociaux101.

100GOMEZ (P. Y.), (dir.), Cahiers pour la réforme, La présence d'administrateurs salariés au conseil d'administration : cahier I, arguments et propositions, études effectuées par l'institut français de la gouvernance de l'EM Lyon, février 2005; GAURON (A.), CHARET (V.), « Réussir la mise en place des administrateurs salariés », presse des mines, Paris, 2014.

101 GAURON (A.), CHARET (V.), précité, p. 27.

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Dans ce sens, le droit OHADA gagnerait beaucoup à se rapprocher du modèle français actuel. En effet, en France, la présence des salariés au conseil d'administration est obligatoire102 si l'entreprise compte plus de 5000 salariés sur le sol français ou 10000 à travers le monde. Il ne faudra pas forcément élever autant les critères des entreprises contraintes, tant on sait la capacité des entreprises de la zone OHADA en moyenne inférieure à celle des européennes. Mais il serait également nécessaire de limiter le nombre de salariés présents au conseil d'administration pour ne pas en faire une sorte de syndicat des salariés.

Du moment qu'on contraint les entreprises à plus de représentativité salariale dans le conseil d'administration, la limitation du nombre de salariés capables de siéger au conseil avec voix fût-elle délibérative ou consultative, mérite d'être faite. Certes un nombre élevé de salariés au sein du conseil permet de créer une masse critique capable d'influencer les décisions, mais une limitation numérique permet de préserver l'équilibre de la société en évitant que le conseil d'administration ne soit étouffé par le « militantisme des salariés dont la principale préoccupation est l'amélioration des conditions de travail »103. En France, le nombre total ne peut dépasser le tiers des administrateurs en fonction. Il serait également nécessaire de repenser les modalités de cette représentation des salariés au C.A.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery