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L'Albanie, histoire de langue(s) : pour une approche sociodidactique de l'enseignement apprentissage du français en contexte universitaire albanais


par Amélie GICQUEL
Université Paris 3 La Sorbonne Nouvelle - Master 2 professionnel Sciences du Langage mention Didactique du Français et des Langues Etrangères 2014
  

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Introduction

Cette première partie s'attardera nécessairement à ce qui a constitué mes premiers pas sur le chemin de la réflexion. L'idée de ce mémoire n'est pas de présenter un panorama exhaustif de la problématique de l'enseignement-apprentissage du français en Albanie car le traitement complet de cette problématique ne trouverait pas sa place dans un mémoire d'une telle ampleur, en particulier à cause de la variabilité contextuelle de chaque ville. Je précise ainsi dès le début que je tente ici d'établir une base de compréhension de ce que cette problématique sous-tend, et ainsi de contribuer à une réflexion qui occupe depuis quelques temps les réflexions des cercles de l'enseignement et de la promotion linguistique en Albanie. Cependant, je reprendrai ici Reuter (2008 [1995]) quand il définit l'approche à adopter dans une démarche de recherche en didactique : penser à tout en même temps fait de l'objet d'étude de la DDL un possible complexe mais presque incontournable, ce qui me semble particulièrement caractériser notre contexte5. En optant pour une approche employant un croisement de concepts propres à la sociodidactique, domaine que je présenterai dans dans cette première partie, je présenterai ici le chemin emprunté qui aura permis de parvenir à l'élaboration de cette étude, ainsi que ce qui m'a amené à opter pour cette approche.

Débuter par isoler les notions qui me semblaient les plus opératoires dans la définition du contexte albanais m'est apparu comme une base relative, car on peut difficilement isoler les objets d'études les uns des autres et de les compartimenter en disciplines distinctes et indépendantes (Ricoeur, 1977 : 126). Cependant, cette base aura été nécessaire car cela m'aura permis d'identifier les problématiques sous-jacentes à la thématique que je souhaite développer ici. Je procèderai donc à la mise en lumière des définitions opératoires que j'ai sélectionnées puis à une nécessaire mise en relation de ces définitions afin de constituer la charpente théorique de ma réflexion. Il s'agira donc de rendre compte dans un premier temps des notions et des concepts propres à la langue avant de les réintégrer dans notre cadre d'étude à savoir : la didactique des langues (DDL), en regardant ce qui est fait de la langue, du

5 «[...]la didactique du français doit (peut) penser la complexité, en tenant compte d'un côté de l'impossibilité constitutive de la recherche (ou, plus exactement, de chaque recherche) de tout penser en même temps et sous tous les angles ou d'entériner ce qui n'est guère qu'un point de départ : la complexité de l'objet réel; en tenant compte de l'autre côté de sa spécificité et du fait qu'elle traite des relations entre des objets et des sujets, indissociablement cognitifs, affectifs, sociaux, culturels...[...] Cela signifie que la position de principe, dans notre champ, me paraît plutôt consister en la volonté de construire les conditions de possibilité pour penser le complexe plutôt qu'en l'affirmation préalable d'une impossibilité qui risque de nous `renvoyer` (de nous enfermer) dans telle ou telle discipline de référence ou, du moins, dans tel ou tel courant de celle-ci qui, en terme de paradigme, tend à éliminer la pensée du complexe» (REUTER, 2008 [1995] : 215-216)

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point de vue idéologique puis didactique dans le cadre de l'école. Dans la mesure où le terme de sociodidactique ne semble pas encore provoquer de réel consensus, le choix conscient aura été opéré de répartir les deux objets d'intérêt principaux en deux parties distinctes, avant qu'elles ne se retrouvent dans la troisième partie où il s'agira de présenter les enjeux et les limites de l'approche employée.

I/ De notre intérêt : la langue en action

1.1. Langue(s), locuteurs et société : l'utilité de la sociolinguistique

L'étude de la langue en tant que système s'est longtemps trouvée sous la coupe des spécialistes de la linguistique, portés par les travaux de Ferdinand de Saussure, considéré comme le père fondateur de la linguistique moderne. C'est tard dans le XXème siècle que la langue n'est plus considérée comme un système isolé. L'attention est tournée vers ses usages et son évolution, directement reliés et dépendants du contexte dans laquelle la langue existe. Les travaux de Labov (1976) permettent d'envisager l'objet langue d'une manière nouvelle, étudiant « la structure et l'évolution de la langue (...), mais considérées au sein du contexte social formé par la communauté linguistique », conférant à la langue un caractère dynamique, complexe et surtout une fonction sociale. Nous rappellerons, par honnêteté intellectuelle, l'influence du contexte sur la structure systémique de la langue, mais ce regard ne sera pas retenu dans notre étude dans la mesure où nous nous intéressons aux facteurs contextuels ayant une influence sur les pratiques et la formation des représentations d'un groupe de locuteurs étudié émises à l'égard de l'objet langue, sans que cette volonté ne retire aucunement l'intérêt de cet autre genre d'études sociolinguistiques.

Au niveau macro, la langue est, à travers son utilisation, observée par les sociolinguistes, pour ce qu'elle permet de faire et de produire chez les individus, dans leur rôle social. Du rôle social de la langue, Klinkenberg nous propose que la langue soit un « soubassement des identités collectives et le ciment du groupe » (2001: 27), ce qui nous confirme que la langue ne doit pas seulement être vue comme une construction systémique mais qu'elle a également une fonction dans l'organisation sociale : celle de concrétiser les identités et d'avoir le potentiel de les solidariser.

À ce titre, Patrick Charaudeau (2006) décrit les fonctions du langage en contexte dans un rapport sur les modalités d'analyse de la construction de l'identité et de la construction sociale et culturelle d'un individu. Ces fonctions sont celles de la socialisation, de la pensée et

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des valeurs. Dans cette étude, nous nous intéresserons justement à la troisième dimension selon laquelle le langage concrétise les valeurs portées par un peuple et par les individus à travers une langue choisie : « dans la mesure où les valeurs ont besoin d'être parlées pour exister et que, ce faisant, les actes de langage qui en sont les porteurs sont ce qui donne sens à nos actes » (ibid. : §2). Moscovici (1961) intègre justement les valeurs développées par un peuple, dans le système de représentations sociales qui soutient le ciment de la société.

1.2. Langue et représentations

Nous accorderons la définition voulue à l'identification d'une des notions utilisées dans ce travail, à savoir : qu'est-ce qu'une représentation ? En psychologie sociale, (autant que dans d'autres disciplines telle que la psychanalyse), Jodelet (1989 in Boyer 1990 : 102) dit qu'une représentation est « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social ». Le traitement de l'expérience sociale des individus par le langage offre donc un monde que les sociolinguistes décodent dans le but de comprendre autant ce qui est fait de la langue, que ce qu'elle véhicule en termes de symboles et de valeurs.

Jodelet (ibid., 102) précise à ce titre qu'une représentation est aussi : « une forme de savoir pratique reliant un sujet à un objet ». La notion d'idéologie peut toutefois venir influencer la formation de ces « savoirs pratiques » par une orientation qui conviendrait à l'État sur le pouvoir qu'il possède sur la nation, comme le dit Moliner (in Roussiau & Bonardi 2001 : 194) : « tout système idéologique étant régulé par des fonctionnements institutionnels parfois rigides prescrit ou interdit, et en tous cas sélectionne, l'intégration de bon nombre d'informations ». Cette citation s'applique parfaitement à l'orientation politique marxiste-léniniste de la deuxième moitié du XXème siècle en Albanie, ce qui révèle l'idée selon laquelle la politique communiste aura fait le tri dans les idées véhiculées, pour ne garder que ce qui est conforme à l'idéologie politique en place. Vingt années après la chute du régime, peut-on encore dire que l'idéologie a un impact sur les représentations sociales ? En théorie oui, si l'on décide de regarder son terrain d'études en diachronie, bien que le pluralisme politique ait a priori adouci cette ex-uniformité psychologique et culturelle (plusieurs idéologies, naissance de représentations différenciées ?). Nous ferons ici référence à une théorie qui nous paraît utile dans cette réflexion à savoir que les représentations se construisent à partir des idéologies en circulation (en référence aux travaux de Guenier, 1997). Cette conception de la langue fait particulièrement écho à notre contexte, ou plutôt à son passé, dans la mesure où l'Albanie

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communiste de 1944 à 1991 a imposé une conception de la langue idéologiquement et politiquement orientée, forgeant les représentations identitaires et linguistiques des Albanais en faveur de ce que Boyer appelle le nationalisme linguistique : « l'idéologie nationaliste, comme articulation de représentations, opère une sélection et une hiérarchisation à partir d'un ensemble de repères identitaires » (Boyer, 2012 : 4).

Les politiques linguistiques passées auraient alors affronté la gestion par les locuteurs de leurs pratiques linguistiques, au profit de la construction identitaire et nationale de ce peuple. La langue au profit de la nation et par extension de l'État (dans notre contexte) aura certes permis de faire un grand nombre de découvertes scientifiques et historiques vis-à-vis du patrimoine et de l'histoire du peuple de ce pays ; cependant, cela aura également permis d'asseoir la politique communiste d'Enver Hoxha (Jandot, 2000 : 40). La langue maternelle aura ainsi occupé une place centrale autodéterminée, tandis que les langues étrangères (et le rapport à l'altérité engendré par le contact de locuteurs à des codes linguistiques « étrangers », décliné plus loin dans ce travail) n'auront été promulguées que pour servir le régime politique : « l'idéologie marxiste-léniniste du parti doit parcourir comme un fil rouge tout le processus didactique et éducatif de l'école » (Alia, 1988 : 173).

Relier ici le niveau micro de l'observation des pratiques linguistiques et les représentations qui y sont attachées, au niveau macro, échelle institutionnelle des décisions et de la politique permet de se rattacher à la conception de Calvet (2013) quand il défend la séparation de ces deux niveaux de vie et d'action. Les représentations sociales sont finalement intéressantes à observer quand elles sont remises dans leur contexte d'ancrage et d'objectivisation, à savoir quelles modalités permettent aux représentations sociales nées dans une dynamique communicationnelle, de trouver le ciment nécessaire à leur signification, leur compréhension et leur sédimentation. Autrement dit, quels facteurs influencent dans notre contexte la naissance et le partage des représentations à l'égard de la langue française ? On pourra rappeler ici De Robillard qui précise que : « un être ne construit pas des représentations concernant ce qui l'indiffère » (2011 : 24), l'appropriation de l'expérience empirique par un individu provoquant par conséquent la naissance de formes détentrices de sens et ré-exploitables quand acceptées par d'autres. Maurer (2011) attire particulièrement l'attention sur les représentations sociales ordinaires, qui sont un tissu de croyances collectivement partagées en ce qu'elles constituent le matériel empirique d'une communauté donnée. Ces représentations ont leur importance en ce qu'elles sont des témoins de la façon dont les individus vivent leur « univers ». L'étude de ces représentations permet au chercheur et dans notre cas, de trouver un ciment à l'élaboration de sa compréhension d'un monde dont il a une

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expérience. Cependant, et particulièrement quand on en vient à l'étude des représentations portées par un groupe d'individus à l'égard d'un objet circonscrit, les consciences se raidissent, car les représentations ne sont pas directement observables, mais relatées à travers le discours et les attitudes des individus interrogés (Moscovici, 1976 ; Abric, 1994). Il revient alors au chercheur de savoir situer l'usage qu'il fait des représentations et de les situer en contexte.

Qu'en est-il aujourd'hui alors que l'Albanie tente de démocratiser ses manoeuvres pour s'adapter aux standards de l'Union Européenne ? Quelle est la place accordée aux langues étrangères maintenant qu'elles ont libre droit de circulation en Albanie ? Quel est le statut accordé à la langue française par ses apprenants en contexte universitaire ? Dans le choix qui a été fait dans ce travail de mieux comprendre la situation linguistique de cette langue en Albanie, nous accorderons un regard sur cet élément de la vie des locuteurs observés. C'est ainsi la place qui sera accordée aux représentations vis-à-vis de la langue française dans cette étude, et nous tenterons de vérifier à l'issu de celle-ci qu'elles peuvent être expliquées à travers les valeurs qui appuient le peuple albanais dans leurs relations à la société de leur temps.

1.3. Identité et altérité : de l'expérience des langues et de leur appréhension

Nous pourrions commencer par nous interroger sur l'appellation en albanais concernant la première langue acquise par un individu, formant sa capacité au langage, qui est étudié pour le cas albanais par Rrokaj (2014) sur l'analyse des catalyseurs du message, donnant un très bon aperçu de ce qui caractérise les conditions dans lesquelles la communication s'effectue en albanais et surtout, ce qui la motive6. Deux variantes existent en albanais, l'une appartenant à un registre plus littéraire tandis que l'autre est plus courante. La « gjuhë amëtare » mentionne la langue appartenant à l'indigène, au natif, à celui qui est originaire d'un pays ou d'une région. La deuxième variante propose un sens qui peut affilier à la mère, « gjuhë e nënës » : littéralement la langue de la mère, qui est par ailleurs plus couramment usitée que la première appellation. Je laisserai ici une place au débat qui est né de ma demande d'informations auprès de mes différents interlocuteurs qui m'auront précisé que « amëtar » et « e nënës » avaient le même sens, même après que j'ai essayé de leur présenter la différence dans l'affiliation accordée : l'une étant celle au sol, tandis que la deuxième fait référence à la mère. L'affiliation à la mère et celle à la terre sont-elles concordantes pour les

6 Il serait intéressant d'observer les échanges en LE par les albanophones au regard de l'ethnographie de la communication.

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Albanais ? Je laisse cette appréciation à des spécialistes en sémiologie qui pourront pousser cette étude, mais la remarque reste frappante, et nous nous intéresserons en chapitre 2.

De l'autre côté, l'appellation accordée à une « langue étrangère » se traduit par « gjuhë e huaj » qui ne traduit pas autant le caractère extérieur que l'adjectif « jashtë » paradoxalement accordé à ce qui est extérieur à un système donné, nous donnerons à titre d'exemple : un enseignant vacataire est qualifié de « jashtëm », extérieur (ou plus rarement de « përkohshëm », temporaire). Alors que la langue française (pour se concentrer sur cette langue) n'utilise qu'un seul qualificatif pour définir ce qui est extérieur à un peuple ou une nation, la langue albanaise en propose deux. L'étranger ou le caractère étranger d'une personne et de sa langue semblent donc avoir un statut particulier dans la désignation faite ici en langue albanaise, qui pour le cas du Nord du pays rejoignent cette règle coutumière où il est condamné de fermer sa porte à l'ami et à l'étranger (en référence au Kanun de Dukagjin, code de lois coutumières à l'oeuvre dans le Nord). Ce n'est pas sans rappeler que la langue albanaise a elle-même un statut particulier dans les écoles et dans l'histoire de cette langue. Ainsi, une étude vis-à-vis du rapport de l'Albanie et des Albanais aux étrangers permettrait de mieux comprendre le sentiment d'appartenance ethnique, plus que « nationaliste », et viserait à s'interroger quant à ce rapport particulier entretenu par les Albanais avec ce qui se situe au-delà de leurs frontières, ce qui sera effectué en chapitre 2.

Cette distinction entre langues premièrement et secondairement acquises reste pertinente dans notre étude dans la mesure où un apprenant partira de ses acquis linguistiques premiers ou précédents avant d'aborder une langue étrangère nouvelle. À travers l'appréhension d'une langue étrangère, l'apprenant est dans l'expérience de l'altérité :

« Accéder au `sens étranger' (Besse, 2000) revient sans doute, à admettre que l'autre / les autres langue(s) comporte(nt) toujours une part de différence, à laquelle on ne peut totalement accéder ; ce qui se traduirait alors, d'abord, par une prise de conscience des conséquences profondes de l'altérité et de l'irréductibilité de la part incompréhensible (parfois minime certes, mais toujours présente) de l'autre et de sa parole ». (Castellotti, 2011 : 130)

Finalement, un code linguistique nouveau, qui va de pair avec son appréhension et son assimilation dans notre étude, n'occupe pas une place statique quand on sait « qu'une langue cesse d'être étrangère au fur et à mesure qu'on avance dans son apprentissage ! » (Dabène 1990 : 15). De nombreuses études en didactique et en sciences humaines et sociales (SHS) se concentrent sur la place accordée à une langue et à son apprentissage dans la construction identitaire d'un individu plurilingue. Cet aspect bien que très intéressant à étudier en Albanie par le rapport unique de ce peuple à l'étranger et à l'Autre sera survolé à regret dans ce

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travail et je pense sincèrement que c'est un thème difficile à aborder de l'extérieur en particulier quand elle est menée par un sujet étranger à un contexte donné (que la présence du chercheur soit participante ou non). Cependant et dans notre contexte où le choix des langues étrangères proposées dans les écoles de tous niveaux scolaires est malheureusement obscur et incertain, l'expérience de l'altérité se trouve lourdement lestée d'a priori et ceci, avant même que l'apprenant n'ait pu se forger sa propre expérience, ce que nous verrons à l'issu de cette étude.

Les biographies langagières de chacun conduisent à une définition bien personnelle de la façon dont chacune des deux sont vécues. Cependant, la question de la place de la langue maternelle sur laquelle un apprenant en LE se reposera plus naturellement pour construire son expérience d'un code linguistique nouveau est importante à prendre en compte. Les deux entités linguistiques qui nous intéressent (LM et LE) ne devraient pas se faire face, comme le proposent Porcher (2012 : 131), ou Moore qui précise à travers les mots de Hickel l'idée suivante :

« La notion de langue maternelle commence à être remise en question pour son inadéquation à s'adapter à la description des pratiques plurilingues dans les situations de contacts de langue. En contexte plurilingue en effet, il devient hasardeux de réussir à identifier ou à caractériser la langue maternelle des individus, sans enfermer la compétence des locuteurs dans des catégories préconstruites et étanches, qui ne peuvent rendre compte de la dynamique et de la fluidité discursive des passages entre les langues » (Hickel, 2007, §14).

Les langues, comme la sociolinguistique le stipule, vivent en contact et isoler une langue ne serait pas pertinent pour la raison où cela ne correspondrait pas à la réalité. Les sociétés d'aujourd'hui et l'accès à l'information, et à ce qui dépasse ses frontières (individuelles ou collectives) s'effaçant de plus en plus, il en irait de même avec les langues, qui s'influenceraient mutuellement. Ce postulat devra être vérifié. À nouveau, l'objet langue n'étant pas un système isolé de son temps et de son contexte, il serait attendu qu'elle évolue au gré de ces deux facteurs essentiels à prendre en compte : le temps et l'espace dans lesquels elle existe, à travers, de manière presque évidente, les locuteurs qui rendent l'existence à cette langue.

Ce n'est pas sans rappeler que l'on m'avait initialement orientée vers une étude des représentations des Albanais vis-à-vis de leur langue maternelle. Cependant, mes lacunes en compréhension de cette langue m'auront empêchée de pouvoir aisément suivre cette voie et de l'approfondir bien qu'une introduction à cet aspect des représentations linguistiques des Albanais sera abordée. Ce ne sera pas sans mentionner, toutefois, l'importance de la

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considération de la langue maternelle dans l'étude des représentations portées à l'égard d'une langue étrangère. Cette étude serait par ailleurs très intéressante si l'on considère que la langue albanaise n'a obtenu droit de cité dans les écoles qu'à la toute fin du XIXème siècle. Qu'en est-il cent ans plus tard ? À ce propos, la linguiste Fatime Neziroski exprime dans un de ses articles que : « La langue est, après l'échec des armes7, au coeur de la lutte pour l'affirmation de l'identité nationale (...). En l'absence d'un État, elle contribue largement à forger l'unité de la nation albanaise » (2009).

II/ De notre domaine d'études : la place de la langue en contexte social et institutionnel

2.1. Société et éducation

L'Université étant le terrain d'études qui m'aura été donné d'expérimenter en grande majorité, une importance sera accordée au rôle joué par cette institution sociale, en fonction de regards variant en niveaux d'analyse : du point de vue symbolique et historique, en tentant de relier ces deux points de vue à la société albanaise d'hier et d'aujourd'hui. A l'heure où l'on examine le choix que l'on porte vers telle ou telle formation universitaire en fonction des possibilités professionnelles de demain, on ne peut pas exclure que la définition de l'Université selon son rôle dans la société pourrait apporter un éclairage certain sur notre contexte. Par ailleurs, certaines théories des sciences de l'éducation stipulent que l'éducation et la politique sont deux domaines relatifs à la vie sociale qui sont indissociables par leur grande dépendance l'un de l'autre (Gelpi, 1985 : 164), ce qui permettra à notre étude de trouver une part de sa consistance et particulièrement dans le sens où « l'Université est l'instrument d'une adaptation (...) de la société à ses changements » (Touraine, n.d.).

Dans ce rôle attribué à l'Université de former les générations futures, il est donc impossible d'éviter le débat (vraisemblablement caractéristique de notre époque) qui est celui de la difficulté des universités à suivre le rythme de sociétés en changement constant. Cette difficulté d'adaptation s'expliquerait entre autre par les termes de Touraine dans l'Encyclopédie Universalis :

« le rôle croissant de la connaissance, la rapidité des changements économiques et sociaux, l'extension de toutes les formes de participation et de contrôle social ont imposé au système

7 En référence à la ligue de Prizren de 1878, qui se réunit pour tenter d'imposer son indépendance à l'Empire Ottoman, considérée comme l'événement majeur du mouvement des Lumières albanais (en référence aux Lumières français).

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universitaire des tâches plus diversifiées, si différentes même les unes des autres qu'on peut se

demander si elles continueront à être remplies par la même organisation » (Touraine, n.d. §1) Le rôle et la demande de souplesse demandés par nos sociétés modernes à l'adresse de nos universités complexifieraient la tâche idéalement accordée à ces hauts lieux de connaissance et de production du savoir, qui revêtiraient trop vite les lignes des entreprises dans lesquelles les étudiants d'aujourd'hui seront employés au lendemain de leurs formations (Dubois, 1997 : 13). Les termes de « marchandisation du savoir », « économie » et « rentabilité de la connaissance » sont tout autant employés quand il s'agit de tenter d'attirer l'attention sur un nécessaire redressement de cap du rôle de l'Université (Lorenz in Charle & Soulié (dir.) 2008 : 34). Une redéfinition du rôle de l'Université serait à entrevoir, afin de permettre à cette institution de continuer à remplir son rôle de formation cognitive, sociale et professionnelle et l'UNESCO) mettait déjà en garde vis-à-vis de la nécessaire responsabilité publique de l'Université en ces termes :

« Si on veut que l'enseignement supérieur continue d'être reconnu comme une responsabilité publique, il faut penser à des manières de porter cette responsabilité dans des sociétés modernes, complexes, afin de s'assurer que l'Europe continue à encourager et à développer l'université comme une lieu de réflexion et de discussion, un lieu qui soit assez proche de la société moderne pour être pertinent et qui garde toutefois la distance nécessaire en vue d'encourager la pensée critique nécessaire non seulement pour des remèdes immédiats mais aussi pour des solutions à long terme ». (Unesco, 2006 : 7)

L'État a besoin de l'Université pour accéder à ce qui constitue les valeurs de la société ; autant que l'Université permet de préparer les individus de la société et de l'État de demain, ou du moins en théorie et dans une société qui s'assurerait d'un minimum de démocratie. Le dialogue entre ces deux strates de la vie sociale s'établirait par le discours tenu dans les politiques déterminées pour permettre l'organisation de la vie des citoyens d'un peuple.

Finalement, on ne pourra ici écarter l'Histoire d'un peuple pour comprendre les valeurs qui sont diffusées à travers le rôle projeté à l'éducation, dessinant ainsi les lignes morales et fondamentales des institutions de l'enseignement supérieur d'un pays. La place de l'Université dans une société et les rapports qu'elle entretient avec cette dernière dépendent de l'histoire accordée et vécue par cette institution. Chaque pays possède sa propre histoire et culture éducatives et le rôle symbolique accordé aux institutions scolaire et universitaire au sein de chaque nation repose sur les relations entretenues par un nombre important de facteurs et de paramètres, bien que l'Histoire d'un pays reste encore certainement le paramètre le plus parlant dans la compréhension des valeurs accordées à ce lieu de formation des individus

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(Vial, 1978 : 94).

Il ne s'agit pas uniquement de décider des valeurs qu'elle incarnera, mais de respecter et d'évaluer à juste titre la fonction qu'elle peut occuper au sein de la société, afin de la desservir le mieux possible et de préparer cette dernière par la formation des individus des générations à venir, ceux-là mêmes qui vivront au sein de la société de demain. Nous aurons retenu une idée mentionnée par une étudiante canadienne qui propose dans un travail comparatiste de théories de l'éducation que :

« chaque société a une conception de l'homme idéal qu'elle veut appliquer et transmettre aux nouvelles générations. Son maintien et son changement tout à la fois en dépendent. Plutôt stable mais jamais complètement figé, cet idéal représente un horizon vers lequel tend la conscience collective, cette espèce d'âme quasi éternelle qui relie entre eux les individus d'une même société » (Bédard, 2010, introduction, §1).

À ce titre, le gouvernement albanais, en réponse aux déficiences de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé un vaste programme de réforme dont le plan a été révélé succinctement début juillet 2014. La nécessité de répondre à l'incapacité des universités albanaises de répondre aux besoins de la société actuelle est porteuse d'un « zéro pointé » accordé par Ermal Bubullima (2014), spécialiste albanais des droits de l'Homme (formé en France !), dans son article à propos des universités albanaises qualifiées d'incapables quand il s'agit de répondre aux besoins de la société, entre autre à cause d'une absence de gestion centrale « prenant en compte les besoins et capacités du pays ». A nouveau, le rôle de l'Université et les programmes proposés par les établissements de l'enseignement supérieur dut être redéfini après que l'école ait « lutté contre tout ce qui est étranger à l'idéologie marxiste-léniniste et contre les anciennes mentalités (Alia, 1988 : 170), pour adopter une organisation fidèle aux critères de l'Union Européenne, d'après le discours tenu par Madame la Ministre de l'Education et des Sports lors de la conférence tenue à Tirana dans le cadre de la présentation du rapport final sur la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Nikolla, 2014).

L'Albanie étant à l'heure de vouloir s'ouvrir sur l'UE, c'est au regard et à partir de l'analyse des politiques linguistiques et éducatives que l'on pourrait alors comprendre en quoi ce pays tente de s'adapter à une fédération d'Etats souverains vieille de plusieurs décennies, alors que l'Albanie n'avait encore jamais connue son indépendance. Une incursion plus profonde au sein des politiques linguistiques et éducatives et de leur implantation dans les Universités constituera une part du deuxième chapitre de cette étude. Cependant, nous pouvons dès à présent établir le cadre qui permet de comprendre comment ces politiques

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fonctionnent.

2.2. Politiques linguistiques

2.2.1. Politique, aménagement et planification linguistique :

Nous commencerons avec une définition simple mais utile des différentes composantes de ce que les politiques linguistiques concluent, et des différentes étapes qui constituent leur mise en place. Ces définitions semblent particulièrement importantes à rappeler tant elles font l'objet de divergences idéologiques qui amèneraient à brouiller la réflexion que l'on souhaiterait poser ici (Eloy, 1997 : 7).

4 Politique linguistique : Une politique linguistique est avant tout une politique, c'est-à-

dire que cela nécessite que l'on se tienne à un certain nombre de principes fondamentaux pour faire preuve de cohérence et de continuité dans les décisions définies et les actions entreprises. Calvet dit que « une politique linguistique est un ensemble de choix concernant les rapports entre langue(s) et vie sociale » (CALVET, 79% ). Les politiques linguistiques déterminent ainsi les actions à entreprendre non pas concernant les formes linguistiques, mais vis-à-vis de la place et des fonctions accordées aux langues en présence au sein d'un territoire donné. Il est important de préciser que les agents collaborant à ce niveau ne sont pas seulement issus du domaine de la politique, mais peuvent appartenir aux cercles d'association ou d'organismes privés. Porcher (2012 [2000] : 6) formule la nécessité de poursuivre des actions linguistiques organisées qui répondraient à l'intérêt collectif d'une société. On pense pour notre contexte aux Alliances Françaises, bien qu'elles soient placées sous la tutelle du SCAC de l'Ambassade de France de l'Albanie et qu'elles dépendent financièrement de celle-ci, nous pourrons dire concernant notre cas qu'elles disposent d'une marge de manoeuvre assez libre.

4 Planification linguistique : seul l'État possède le pouvoir d'élaborer cette étape dans la

mesure où cette instance reste l'institution régulant les individus d'une société donnée. Blanchet (2009 : 129) déterminera également que la planification linguistique peut également dépendre de politiques non linguistiques (économiques, éducatives, juridiques, etc.). Les actions déterminées à partir de cette planification sont finalement les oeuvres de l'Etat que l'on observe concrètement dans la société.

4 Aménagement linguistique : plusieurs définitions ont été trouvées mais c'est

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précisément sur ce point que les divergences idéologiques peuvent brouiller la compréhension de cette étape pourtant fondamentale. Selon Corbeil (1986 : 20), cette étape permettrait d'identifier « la valeur symbolique de la langue > projetée par les institutions qui ont la charge de cette étape. C'est finalement la conception de Chaudenson qui aura été retenue et qui propose que l'aménagement linguistique concerne « la mise en oeuvre concrète, nécessairement différenciée et adaptée, des actions définies dans le cadre de la politique et programmées dans celui de la planification > (cité par Véronique, 1998 : 109), ce qui rejoint la définition de l'action linguistique in vitro de Calvet, où la sphère décisionnelle macro permettrait une identification et une organisation des actions à entreprendre (à travers la planification) pour rejoindre des objectifs de régulation linguistiques globaux.

Calvet fait toutefois une distinction entre les actions de gestion in vivo et in vitro du plurilinguisme et de la régulation de plusieurs langues sur un territoire donné. L'une fait référence à des actions entreprises par les locuteurs pour répondre à des problèmes de communication auxquels ils font face quotidiennement. L'autre se réfère aux décisions prises par les politiciens à partir d'analyses effectuées par des spécialistes de ce domaine. Ces types de gestion peuvent parfois entrer en conflit quand les décisions prises par le niveau macro ne correspondent pas aux pratiques ou aux besoins des locuteurs. Cela peut également être rendu encore plus compliqué quand l'Etat d'un pays donné adopte des décisions qui proviennent d'institutions supranationales englobant plusieurs entités identitaires différentes, ayant chacune une façon de gérer leurs langues en présence et que des consensus globalisants demandent à revoir une organisation qui peut difficilement convenir à chacune des communautés identitaires et linguistiques. C'est normalement à cet endroit que les politiques linguistiques et éducatives doivent être élaborées et appliquées. C'est précisément à ce niveau que naissent les incohérences de la gestion des langues étrangères enseignées en Albanie, ce que nous verrons dans le deuxième chapitre. Les politiques linguistiques concernant les langues étrangères enseignées dans les écoles sont beaucoup plus problématiques et occupent l'esprit des décisionnaires politiques autant que les enseignants, dont les postes commencent à être menacés par un manque d'apprenants, en particulier pour la langue française.

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2.2.2. Élaboration d'une politique linguistique

Une politique linguistique est avant tout multidimensionnelle. Il est important de ne pas se limiter à la considération de caractéristiques restrictives ou arrangeantes, mais de procéder à un repérage d'un certain nombre de facteurs déterminant la situation linguistique appréhendée. Cela permet d'introduire l'idée selon laquelle une politique linguistique doit se tenir à une ligne de conduite, mais qu'elle doit également savoir s'adapter en fonction de l'évolution du contexte (de la même manière que la sociolinguistique détermine qu'une langue et son contexte ne sont pas des constructions systémiques figées, mais complexes et changeantes). La définition d'une politique linguistique est donc un travail de longue haleine et nécessite des efforts constants d'observation, d'évaluation et d'adaptation.

Finalement, la langue ne doit pas être dissociée de la culture qu'elle véhicule ! Qui dit langue dit nécessairement culture et Porcher (2012 : 8) remarque que l'aspect de promotion d'une langue est trop souvent, et de manière préjudiciable, réduit à son aspect linguistique. Lorsque la promotion d'une culture fait également partie des actions entreprises par les décisionnaires des politiques linguistiques, c'est relativement (trop) souvent que seule la culture classique soit promue. Inévitable, il ne s'agit pas d'éradiquer le passé culturel d'un peuple, en particulier pour la France, dont le passé historique et culturel classique est majoritairement reconnu et diffusé à l'étranger. Le statut de la norme et des variantes et leur définition amène un débat où il est difficile de trouver un consensus. Cependant, Porcher (2012 : 128) précise que les deux semblent nécessaires à promouvoir pour assurer une forme de cohérence aux yeux de communautés étrangères, amenées à juger cette dernière, comment est-il possible de l'oublier ?.

Une politique linguistique doit nécessairement passer aussi à travers d'autres réseaux de communication pour être effective, tels que les médias, la culture, le monde professionnel, étudiant, et touristique (et pédagogique pour les voyages d'étude) pour permettre une promotion diversifiée et représentative de la langue-culture cible dans ses variantes et diversités.

Une politique linguistique doit finalement se baser sur un contexte : « Une langue étrangère que l'on chercherait à imposer selon des principes et des normes étrangères à la culture indigène de l'apprenant, n'a aucune chance d'être intériorisée, acquise donc, pour ce dernier. » (Porcher, 2012 : 128). Par définition, il s'agirait de respecter la culture de l'Autre et dans le cas du FLE, de respecter la culture des apprenants avant de vouloir imposer celle que l'on essaie de faire intégrer. Cela signifie donc que les politiques linguistiques doivent être pour rappel, adaptées au contexte rencontré, mais surtout que les définitions de ces dernières se

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fassent à partir d'une étude fidèle du contexte dans lequel la promotion et la diffusion d'une langue donnée sont opérés.

2.2.3. Promotion et diffusion du français, l'histoire du rayonnement culturel du

français, puis de la Francophonie

Ce thème pourrait noircir un grand nombre de pages si l'on veut passer par le rayonnement culturel et intellectuel d'intellectuels de la Renaissance, puis de la colonisation et de l'exportation d'un modèle français dans le monde professionnel qui aura servi d'exemple avant de s'éteindre au profit de figures anglo-saxonnes. Une rétrospective de la politique linguistique extérieure française pourrait être proposée, nous retiendrons finalement l'argument selon lequel le français souffre aujourd'hui de l'image de suffisance dont cette langue est aujourd'hui tributaire (Porcher, 2012 : 24).

Le français aura longtemps été promu pour les valeurs élitistes qui incombent à la nation où elle est parlée. Longtemps donc, la France a représenté la destination des élites intellectuelles et sociales, sans oublier que la langue française était langue de diplomatie, ce qui ne manque pas d'être largement répandu en Albanie.

L'image d'arrogance qui est véhiculée autour de la France et de sa culture aura ainsi appuyé le rejet qui peut être fait d'une langue cible d'apprentissage, et pour notre contexte la première représentation qui justifie son rejet par les apprenants albanais est que ça serait une langue qui se parle avec le fond de la gorge ou uvulaire (représentation que nous francophones avons à propos de l'arabe par exemple), en référence à l'importance que les enseignants albanais mettent sur la prononciation du /r/ en français, difficile pour les albanophones car absente de la phonologie de leur LM. Du point de vue de l'appréhension de la culture, Porcher précise que si le public apprenant que l'on est amené à fréquenter ne comprend pas que les « habitus » (selon la définition de Bourdieu) de la culture cible ne sont ni meilleurs ni pires que ceux de sa propre culture, l'apprenant opèrera un rejet de cette langue par protection de ses acquis et de ses traits identitaires et d'appartenance culturelle, voire nationale. Les projets de redéfinition de la diffusion et de la promotion de la langue française auront mobilisé les acteurs décisionnels de ces dernières. Un consensus serait nécessaire, cependant, il est toujours difficile de se battre contre ses propres représentations. Rappelons Jodelet qui définit qu'une représentation est une forme de savoir pratique permettant d'appréhender son environnement, et que remettre en cause sa grille de lecture pour comprendre et interagir avec son environnement peut se révéler une action difficile à entreprendre.

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III/ Méthodologie et objectifs de la recherche : du placement humain à l'écriture

3.1. De l'utilité de la contextualisation : définition, méthodologie et posture

Avant de parler du concept même de « contextualisation », il sera nécessaire de poser les termes de ce qui constitue un terrain et de ce qui le détermine. On commencera par dire que c'est une question qui est ici sans réponse universelle. On peut déjà mentionner qu'il ne s'agit pas de déterminer des frontières géographiques comme seules indicateurs méthodologiques, mais de savoir délimiter un espace temporel, social et institutionnel. « Le terrain n'est pas une chose, ce n'est pas un lieu, ni une catégorie sociale, un groupe ethnique ou une institution (...) c'est d'abord un ensemble de relations personnelles où `on apprend des choses' » (Agier in Blanchet 2011 : 18). Au sein de ce terrain, le chercheur devra pouvoir dire et présenter quel est le phénomène qu'il aura cherché à comprendre. À ce phénomène sont associés un certain nombre d'acteurs humains et de facteurs pour ce qui relève des interactions entre ces acteurs. L'identification de cet ensemble d'aspects constitue le terrain d'observation, et d'action dans le cadre des recherches action.

Une fois le terrain délimité, il s'agit ensuite « de le faire parler ». Le chercheur mobilisera alors un certain nombre de techniques de prélèvement de données, en accord avec son contexte toujours, qui constituera son corpus. C'est finalement le corpus, réel constitutif de la base à partir de laquelle une recherche se fonde que le terrain prend tout son sens, en ce que le corpus d'observables (utile dans la partie ethnographique d'une recherche contextualisée) doit être significatif avant d'être représentatif. Une recherche en SHS peut être menée sur de toutes petites communautés humaines, le nombre ne fait pas la qualité selon Blanchet, tant que cette communauté est pertinente et que l'analyse faite à partir d'un phénomène qui a lieu dans cette communauté est significatif et peut permettre de produire de la connaissance.

Finalement la significativité d'un corpus se mesure par la présence de constructions interprétatives du monde social par ses acteurs, autrement dit les acteurs observés produisent des interprétations de leur expérience empirique au sein d'un contexte donné, et le chercheur s'est donné pour tâche de comprendre à travers une réflexion argumentée et construite, de donner sens à ces activités humaines. On dit finalement que le terrain est étudié dans sa totalité quand le chercheur a épuisé le nombre de significations et ses variations au sein de son terrain, ou plus simplement que plus aucune variante n'est observable pour le moment. La notion de variabilité et de variation dans les observables, telles qu'elles sont déterminées par

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Dabène & Rispail (2008), amèneront l'hétérogénéité à la fois caractéristique d'un contexte sociologique, L'Albanie est un pays en voie de transition, mais dont l'histoire est toujours prégnante dans le conscient collectif de ce peuple, il s'agira au moins de rendre les différentes phases par lesquelles ce pays est passé pour comprendre comment les individus invoquent telle ou telle partie de leur histoire. Le deuxième chapitre en fera l'état et le quatrième en proposera l'analyse.

Dans la mesure ensuite où la sociodidactique appelle à l'utilisation d'outils d'analyse propres à la fois à la DDL autant qu'à la sociolinguistique, il s'agira d'interpréter la connaissance produite à partir du travail effectué comme appartenant au contexte donné. L'effort d'universalisation favorable à la constitution de théories socio-langagières plus « globales » peut être effectué, mais je doute que cela soit opérable dans un travail de cette ampleur modeste, et en particulier quand mon étude est avant tout empiriste. Un certain nombre de sources empruntées à l'élaboration de l'architecture réflexive de cette étude pourrait montrer dans une moindre mesure que le contexte d'enseignement-apprentissage des LE en Albanie ferait écho à d'autres contextes, par le passé communiste de ce pays. Cependant, et j'intègrerai ici la citation qui aura motivée un grand nombre de mes décisions : « parce qu'un Albanais est avant tout Albanais... et ceci est la première clé qui permette de comprendre ce pays et ces gens » (Jandot, 2000 : 15).

Cependant, ce contexte albanais n'est pas seulement un satellite perdu dans un univers de contextes et la scientificité des connaissances produites ne doit pas être remise en cause au risque de se lancer dans une expérience empirique vulgaire et surtout sans fondement intellectuel. Nous verrons à partir d'ici que le travail de contextualisation trouve toute sa consistance quand ce n'est pas finalement, le terrain, qui est bien défini, mais plutôt quand le chercheur a bien saisi les modalités de sa présence et de son action au sein de celui-ci. Les connaissances produites sont considérées comme scientifiques quand :

- Il est possible d'effectuer une analyse à partir des données identifiées et rendues dans la
retranscription des données observées par le chercheur ;

- Une cohérence interne à la constitution de la réflexion et des méthodes employées par le chercheur est présente dans la pensée autant que dans le travail (ce qui revient à mentionner la nécessaire responsabilité éthique du chercheur) ;

- Une cohérence externe est établie c'est-à-dire que le fruit des réflexions produites par le
chercheur peuvent se confronter, se recouper avec d'autres études relatives au terrain, au contexte identifié ou plus large (national, international selon l'étude) ;

- Les informations relevées et analysées sont acceptables et discutables par des acteurs un

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tant soit peu connaisseurs du terrain examiné.

Ces efforts d'autoréflexivité nécessaire à l'acceptation d'un travail de recherche peuvent se retrouver dans l'analyse des données prélevées sur le terrain.

Le nécessaire positionnement constructiviste, autorisant l'approche adoptée dans cette recherche, permet de conclure sur l'idée que le chercheur donne avant tout état d'une « métaphore », illustratrice de sa propre appropriation de la réalité. Il peut également être difficile dans une approche telle que celle-ci de dissocier recueil de données et analyse pour lieu de production de sens. La clarté d'une méthode opposée à ce qui vient d'être mentionné offrirait un tableau idéal dans un travail de ce type où l'on cherche également à s'assurer de la bonne application d'un certain nombre de concepts méthodologiques (dans la structuration de la pensée autant que dans le rendu écrit de celle-ci), mais il doit être reconnu qu'il est parfois difficile de revenir sur une hypothèse que l'on aura formulée au début de son observation, et qui se sera révélée infondée, mais sans laquelle une hypothèse concomitante n'aurait pas vu le jour. Autrement dit, la description peut parfois se laisser envahir par l'analyse et il conviendra au chercheur de savoir distinguer ces moments de (dé)route pour mieux rendre compte de son travail.

Finalement et particulièrement pour mon contexte, dans la mesure où la production de connaissances invoque un parti-pris (qu'on le veuille ou non), par le fait même que le chercheur s'inscrit dans une historicité à laquelle il ne peut échapper, peut-on poser la question selon laquelle ce type de travail aurait une dimension politique ? C'est du moins ce que De Robillard (ibid.) et Spaëth (2014) mentionnent quand on se conforte dans l'idée que le chercheur se positionne dans son contexte et que sa participation (en particulier en DDL ou le chercheur aura souvent été acteur sur le terrain avant de se transformer en scripteur d'une réflexion) ne peut qu'invoquer des conséquences sur le terrain ainsi que tous ses constituants : acteurs et domaines sociaux dans lesquels les actions du chercheur aura évolué et interagi. Cela retire-t-il de la vérité au contexte observé parce qu'un agent y aura mis les pieds ? Retirez le chercheur, installez des procédés d'enregistrement vidéographique et sonore et le premier zoo humain aura été inauguré.

Comment ai-je procédé à mon recueil de données ? Je me suis permis de faire le choix de présenter les méthodes qualitatives employées dans la partie de ce travail relevant de l'analyse des données, désireuse de présenter mes objectifs dans un premier temps plutôt que procéder à un résumé de techniques de relevé de données. Je préciserai en dernière instance que la nécessaire approche historique d'un contexte donné permet deux choses essentielles :

- Reconnaître l'historicité de l'autre, en lui rendant son altérité et la consistance de ses

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représentations

- De rendre l'action de l'agent acteur chercheur inscrite dans un continuum où encore une fois, son action aura forcément entrepris des conséquences sur le terrain donné et sur ses caractéristiques d'action et de manoeuvre.

3.2. La sociodidactique : un pari fou ?

Nous en viendrons à introduire le domaine de sociodidactique qui permettra de mieux saisir pour quelles raisons travailler sur ce champ de la pensée et de la relation de l'individu à la société est utile dans notre approche de ce contexte. Permettez-moi de commencer par une définition pour permettre à ceux qui seraient encore peu convaincus de l'utilité de cette démarche en amorçant ma réflexion avec les termes suivants :

« La sociodidactique étudie l'apprentissage des langues en lien avec les savoirs sociaux et leurs contextes sociolinguistiques. Elle étudie les situations d'enseignement sans les isoler de leur environnement : contacts de langues et de cultures, statuts des langues et politiques linguistiques. Le corpus de la sociodidactique est donc pluriel et multi-situé. » (Dinvaut, 2012 : 26)

Un des objectifs que se fixe cette méthode est donc de rendre du sens à des éléments inférant dans le contexte d'enseignement-apprentissage, sans pour autant que les études purement didactiques (limitées souvent au seul domaine de l'enseignement et de ce qui peut avoir à trait à l'action rendue des enseignants et/ou des apprenants dans un contexte d'appréhension d'un code linguistique donné) ne soient laissées pour compte, sans aucune reconnaissance. L'approche d'étude de cette discipline vise à regarder les pratiques linguistiques considérées dans leurs contextes de production (historique, social, culturel, humain...), là même où ces pratiques ont lieu et peuvent être observées. Cette approche amène ainsi à s'intéresser à l'expérience vécue, les pratiques sociales, les discours, les récits, les archives, les imaginaires, les idées des locuteurs observés ou des agents informateurs comme Kaufmann (2011) le propose. C'est à travers l'analyse de ces éléments de vie que l'on est amené à produire une connaissance relative à la place des représentations dans la communication et la société.

La recherche menée dans ce domaine vise à identifier dans un premier temps les points de contact entre ressources langagières (langues, styles, discours, interactions, moyens de communication, emblèmes culturels, identitaires, politiques...), les contextes dans lesquels ces ressources ont été observées / prélevées, ainsi que les significations qui y sont accordées. Ces recueils de données, loin des simples descriptions par la scientificité dont le chercheur doit faire preuve pour s'inscrire dans une volonté de contribuer à l'élaboration de théories socio-

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langagières, permettent de mieux circonscrire les représentations langagières et sociales.

Basée sur la sociolinguistique et sur les outils d'observation et d'analyse de cette discipline, la sociodidactique est en quelque sorte, une discipline qui permet de comprendre à qui l'enseignant a affaire et de comprendre de quelle manière son action s'inscrit dans un continuum dont les modalités de définition opératoire à large échelle semble très souvent échapper aux enseignants de Français Langue Etrangère : celui de la diffusion de la langue française et de son enseignement-apprentissage, en particulier en Albanie où les représentations personnelles des individus sont mieux reçues que celles qui sont véhiculées à travers le rôle de l'enseignant. Alors que de notre temps, les modalités d'interaction entre humains, groupes, communautés (de quelque échelle ce soit) sont de plus en plus regardées à la loupe et passées au crible, c'est précisément au tournant du XXIème siècle que les chercheurs se doivent de responsabiliser les informations rendues en les replaçant dans leur contexte d'observation, leur terrain d'études. A l'heure encore où les frontières se dissipent pour ceux qui s'en donnent les, tandis que d'autres de ces frontières ressurgissent des territoires pour s'ériger en garde-fou des valeurs et principes de nations que l'on aura tenté d'effacer au profit de très différentes finalités, rendre la spécificité de chacun semble rester le meilleur moyen pour conserver la particularité de nos différents peuples, tout en permettant une meilleure communication pour un meilleur avenir : ensemble.

La sociodidactique puise finalement une de ses caractéristiques, étant celle de la description dans l'ethnographie, tant il est nécessaire de se baser sur une certaine base de connaissances relativement comprise et rendue identifiable pour enfin pouvoir établir une analyse. Les descriptions ne font pas l'apanage des devoirs analytiques et les défenseurs de la sociodidactique clament répétitivement l'ouverture des théories épistémologiques dites empirico-inductives qui pourra en effrayer plus d'un, mais qui ouvre également la voie à l'ouverture des possibilités. La prise en compte nécessaire de facteurs contextuels divers et de critères d'analyse de diverses disciplines dans une recherche de ce type propose donc des écrits larges, mais relatant une réalité hors de portée de chacun par contrainte géographique, mais saisissable tant que l'honnêteté du chercheur aura été élaborée.

3.3. Glottopolitique : avenir ou mirage ? Limites de la recherche pour lieu de

conclusion rétrospective

Les politiques linguistiques concernent autant les actions sur la langue (quand il s'agit de légiférer sur les statuts des langues véhiculées sur un territoire donné), que sur la parole (quand il s'agit de déterminer les emplois de telle ou telle langue), ou sur le discours (quand il

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s'agit d'examiner le contenu produit dans une langue donnée et de vérifier son acceptabilité). Dans notre contexte, il s'agirait plutôt de vérifier le premier aspect mentionné, à savoir les actions sur la langue et de vérifier le statut accordé à la langue française.

La glottopolitique s'intéresse plus particulièrement à l'action de la société vis-à-vis d'une langue, revêtant ainsi une forme d'expression et d'action politique pour réguler l'usage, le statut ou la forme de cette langue. Ce terme n'est pas né d'une volonté de remplacer les concepts de politique ou de planification linguistique dont la définition reste encore à voir selon la conception idéologique et épistémologique des penseurs référés à ce genre de décisions, mais plutôt d'examiner une situation donnée sous un angle différent, à savoir : à partir du niveau micro. Ce terme sera plutôt né d'une nécessité d'observer les conséquences relatives à la coexistence de langues ou de voir comment les locuteurs d'une communauté donnée s'arrangent de décisions issues des niveaux d'échelle supérieurs. Blanchet (2013 : 75) donne l'exemple de territoires bi ou plurilingues, où locuteurs sont amenés à déterminer les contextes d'usage de telle ou telle langue. Rappelons que ce type de décisions n'émane pas de manière automatique de la conscience des locuteurs, mais parfois de besoins répondant à des nécessités de reconnaissance identitaire ou culturelle (Marcellesi & Guespin 1986 : 6).

L'insertion du terme suit à la prise de conscience selon laquelle il devient nécessaire de se baser sur des besoins et des expériences vécus par les locuteurs afin de pouvoir vérifier la teneur des politiques linguistiques déterminées et parfois déjà engagées. Cette nécessité s'est révélée lorsqu'il a été question de vérifier des théories parfois usées à tort et contraires à la façon dont les locuteurs vivaient l'usage, la connaissance d'une langue faisant partie de leur répertoire. Revenons momentanément sur nos pas. Nous avons précisé que ce sont particulièrement les travaux de Labov dans les années 1970 qui ont permis de considérer l'objet `langue' d'une façon différente, rendant ainsi son dynamisme et sa complexité à la structure systémique que les linguistes du XIXème et du XXème siècles auront étudiée. Replacer le locuteur dans le contexte où la langue est employée et mesurer les concepts théoriques en fonction de la façon dont les contextes sont vécus, autrement dit de légitimer le caractère « glottopolitique » des actions sur le langage est une conception de la gestion des langues et des pratiques née dans les années 1980. Blanchet affirmera ensuite que c'est dans les années 1990 que cette prise de conscience émergea tant la détermination de politiques linguistiques devenait une nécessité et qu'il revenait aux politiques, précisément, de pouvoir contribuer à l'élaboration de décisions adaptées à la façon dont les langues sont employées et dans quels contextes. Y aurait-il eu une progression dans la façon de considérer le rapport de l'homme à la société, à travers son principal moyen de communication : la langue ?

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Les années à venir pourraient faire espérer que l'on continue à écouter les besoins des locuteurs pour permettre de mieux élaborer des décisions à caractère politique et social dans le rapport des êtres humains entre eux, mais aussi avec la classe politique et dirigeante d'une communauté, d'un territoire, d'un pays. On ne pourra pas faire l'économie de spécifier que plusieurs conceptions des actions glottopolitiques existent, en fonction de la conception du rôle qu'a l'Etat sur les pratiques des locuteurs. Il ne s'agira pas ici de rentrer dans une considération telle que celle-ci mais plutôt de mettre à jour les pratiques langagières engagées par les locuteurs d'une communauté donnée, en vue de contribuer (comme précisé un certain nombre de fois déjà) à la connaissance du terrain abordé et par conséquent de participer à l'élaboration de décisions à caractère humain, avant d'être social et politique.

La place toute relative de l'apprenti chercheur vient à se poser la question quant à la réelle contribution qu'il peut apporter dans un domaine de la vie sociale, en particulier quand il n'en est pas originaire et que son passage n'est que temporaire. C'est ici que nous retiendrons l'idée de l'autoréflexivité développée par Robillard (2011) quand il remet la place du chercheur au centre de son activité de recherche et de production de connaissance, et avec et pour les acteurs auquel il s'adresse selon Moore & Castellotti. Selon lui, produire une connaissance revient à comprendre son environnement ; se comprendre soi-même ; et comprendre sa relation avec les autres. Tandis que l'action de comprendre, qui est revenue déjà dans les trois aspects de l'activité de la recherche sous-tend lui-même ces quatre autres aspects : identifier des phénomènes observés ; les classer dans des catégories définies dans le but de les identifier ; leur attribuer des relations ; et des valeurs.

La limite même de ce type de méthodologie est relatif au fait qu'on est précisément des êtres de connaissance, à savoir que nous vivons pour connaître et comprendre, et on ne produit de connaissance qu'en construisant des représentations (Giordan, in Blanchet 2011 : 11). Blanchet attire également une attention toute particulière sur la limite très fine entre ce qui constitue une croyance et une vérité, qui peut, quand on ne contextualise pas soi-même sa démarche de production de connaissance, arriver à des conclusions dangereuses.

Au profit du partage des connaissances plutôt qu'à l'uniformisation de l'approche scientifique, ces dernières lignes auront permis de dire en quoi la connaissance produite par un acteur de terrain est à la fois nécessaire et sensible. On ne m'en voudra pas de tenter de dire qu'il y a des concepts qui échappent à la science, mais que ce n'est pas pour autant qu'on doit s'interdire d'en parler, tant qu'on est en mesure de pouvoir dire que la connaissance produite appartient au contexte dans lequel elle a été puisée et que les représentations de chacun auront portées le fruit d'une réflexion... humaine. On retiendra finalement que le

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chercheur, souvent participant sur le terrain, ne peut se constituer révélateur de Vérité, mais éclaireur vis-à-vis d'un contexte (encore une fois) souvent méconnu ou mal compris.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard