Annexe 11 - Interview informateur 03-R
Interviewer : Amélie Gicquel
Note de lecture : 1 personne interviewée. Les
questions posées par l'enquêteur sont en italique et les
réponses en caractères standards. Certains extraits ont
été retirés de l'interview reportée ici car pas en
aucune adéquation avec le thème traité. Cet entretien a
failli ne pas être retenu parce que l'informateur a été
très impressionnée par la présence de l'enregistreur, qui
l'ont amenée à formuler des réponses contradictoires au
sein du même entretien. Il a finalement été gardé
à titre d'illustration de la bonne volonté dont ont fait part
certains informateurs au sujet de l'image que les étrangers peuvent
avoir de l'Albanais, et certains aspects d'un discours qui revenait
régulièrement, comme au sujet des représentations
vis-à-vis de la facilité pour les Albanais d'apprendre les
langues étrangères.
Profil de l'informateur :
Profession : féminin, ancienne
étudiante au moment de l'entretien, Master en enseignement du
français terminé non obtenu, pas de projet de passer le niveau B2
en anglais et le stage obligatoire / travail dans plusieurs centres d'appel en
français Expérience de vie à l'étranger
: aucune / expérience touristique deux semaines en
France
Formation initiale : post-communisme
1. Alors, DA, elle a fait un Master de
français ?
2. Oui.
3. Et elle avait des 8 et des 9
?
4. Oui, un peu.
5. Et comment elle avait des 8 et des 9
?
6. Elle en avait un peu, des 10, des 7.
7. Oui.
8. Parce qu'elle a eu des connaissances avec le staff
pédagogique, d'abord, et le staff l'accueillait beaucoup, parce qu'ils
connaissaient le père de DA, il est directeur. Puis, moi je l'aidais,
pour faire les examens. Ca veut dire que je lui racontais toutes les questions,
des, des réponses ou je prenais la feuille de papier et je faisais
l'examen.
9. Vous étiez combien dans votre classe de
promotion ?
10. En première année, on était 74. Le
premier groupe était celui qui avait déjà
étudié, par exemple, au lycée. Le premier groupe,
c'était le meilleur entre guillemets, et puis, l'autre groupe,
c'était avec des débutants. Et puis elle est entrée dans
le groupe des débutants. Mais c'était bien parce que d'abord, la
première année, ils ont fait un très bon travail. Dans le
sens que, ils étaient, le staff était heureux parce qu'ils
étaient le plus grand nombre des étudiants de toutes les autres
années et de cette manière, ils ont profité pour les faire
entrer, quelques fois même ils les ont obligés, psychologiquement,
de prendre des cours,
XXXII
des faire des cours à l'Alliance Française,
même quand les étudiants ne voulaient pas, parce que de cette
manière, ils étaient sûrs qu'ils pourraient passer dans les
examens.
L...]
11. Oui. Et alors avant ça, tu me disais.
Donc je t'expliquais ce que je voulais faire pour mon mémoire. Je
voulais, je veux faire une étude du plurilinguisme en Albanie, c'est
à dire, ces Albanais, qui parlent plusieurs langues
étrangères et qui... Je pense I Qui n'apprennent pas toujours ces
langues étrangères à l'école... Les
Albanais ne peuvent jamais apprendre les langues étrangères,
chaque type de langue étrangère à l'école. Les
raisons pourquoi, c'est les professeurs ne font pas un bon travail, dans le
sens que, quelquefois ils n'ont pas les bonnes capacités, soit à
l'école primaire, soit au lycée, soit à
l'université. Même quand ils ont des capacités, ils ne
veulent pas parce qu'ils veulent avoir des cours privés avec les
étudiants. Pour cette raison, c'est une manière pour les obliger
d'aller faire des cours avec les professeurs. Même quand ils font la plus
petite partie. La plus petite partie des professeurs qui travaillent vraiment
bien, ils, euh... Le problème, c'est qu'ils expliquent beaucoup, mais
quelquefois, c'est la négligence des enfants. Mais quand même,
euh, une langue étrangère ne peut pas être apprise
très très très bien à l'école. Une exception
fait le lycée des langues étrangères. Si un
étudiant veut apprendre très bien la langue, c'est au
lycée des langues étrangères, non au lycée
général. Seulement au lycée, moi par exemple, je prends
mon cas, parce qu'il te suffit seulement un cas, euh... Même un seul cas
te suffit pour faire, euh, pour avoir une conclusion. Moi j'ai fait des cours
avec prof HD, qui était la meilleure, la plus préparée de
tous.
12. Tu avais étudié le
français avant ?
13. J'avais fait des cours privés. Je n'avais pas
étudié à l'école, mais ma mère était
fixée pour apprendre beaucoup de langues. J'ai étudié
seulement l'anglais à l'école primaire. Et HD a fait un
très très bon travail, c'est vrai qu'elle nous terrorisait tout
le temps, mais elle a fait le meilleur travail. C'est vrai qu'elle nous
obligeait d'apprendre le vocabulaire par coeur.
14. Tous les jours, elle vous donnait des mots de
vocabulaire à apprendre ?
15. Oui, oui. Et en même temps, on devait respecter
l'ordre des mots ! Oui ! Elle me sortait tous les jours au tableau. Même
si je mettais un mot moins, par exemple 30 mots, han ! « Tu as
oublié un seul mot ! ».
16. Elle vous donnait 30 mots de vocabulaire
à apprendre ?
17. Oui !
18. Trente mots ? Par jour ??
19. Tu connais le Nouveau Sans Frontières ? Le
livre...
20. Oui, oui, je connais.
21. Tu sais les tableaux ?
22. Oui.
23. Tu sais les vocabulaires ? Avec beaucoup de mots ? Des
petits mots, mais il y a beaucoup de mots. Difficiles, pour les
véhicules, et caetera, pour ce type de
XXXIII
choses. Et on devait tout apprendre, même les parties de
la, les pièces de la voiture. On devait tout apprendre. Mais personne
n'apprenait, hein !
24. Et vous avez travaillé avec le Nouveau
Sans Frontières 1 ? 2 ?
25. 3 ! Et puis à la fin, à la quatrième
année, c'était un type... je n'ai pas compris comment il
s'appelle, seulement des textes.
26. D'accord... C'était des textes, des
dialogues par exemple ?
27. Oui même des dialogues, plutôt des textes qui
n'étaient pas agréables.
28. Pourquoi ?
29. C'était seulement pour pratiquer la langue.
30. D'accord.
31. Mais euh, elle a fait vraiment un très bon travail
même avec la grammaire.
32. Mais c'est vrai que c'est une prof qui est
très bien préparée, super bien préparée,
j'aime beaucoup beaucoup zysh XhD.
33. Oui. La grammaire qu'elle nous apprenait, c'était
parfait. Oui.
34. D'accord. Tu penses vraiment qu'il y a que au
lycée des langues étrangères que tu peux vraiment bien
apprendre une langue ?
35. Il y a même des exceptions, par exemple, il y a
même ici, aux lycées généraux, des bons profs ou des
familles qui sont très intéressées pour emporter les
enfants aux cours privés, pour apprendre, et caetera. Mais, parce que
moi aussi j'ai eu des cas, des étudiantes qui sont venues avec moi pour
faire des cours sur la langue française aux lycées
généraux et elles étaient très
préparées. Mais ce que je veux dire, c'est que les Albanais en
général ont ce type de don naturel pour les langues
étrangères parce que c'est l'alphabet qui les aide. Puisqu'on a
36 lettres, on a la possibilité de s'adapter directement aux
phonèmes, la phonétique et tout ça. Parce que vous, en
français, en italien, et caetera, et caetera, vous avez pas les
mêmes, vous n'avez le /c/, mais vous n'avez pas les lettres, quelques
lettres comme nous, des lettres doubles, par exemple... /sh/, /dh/, oui. D + H,
S + H. Ca nous donne la possibilité d'articuler plus facilement.
36. C'est vrai, c'est vrai.
37. Pour cette raison. Imagine que la plus grande partie des
Albanais, presque 90% connaissent la langue italienne.
38. Tu es sûre de ce nombre ? 90%
?
39. Oui ! Par la télévision, seulement par la
télévision. Par exemple, moi je l'ai apprise par la
télévision. Directement, par la... Quand j'étais petite,
presque 10 ans, je regardais les films, comment s'appelle. Non seulement les
chaînes télévisées d'Italie. Mais je regardais aussi
les telenovelas, je sais pas, « soap operas ». Elles sont très
répandues dans toute l'Albanie. J'étais petite et quand euh... je
regardais presque une heure et puis plus tard, je regardais deux ou trois
heures et d'autres émissions télévisées. C'est
comme ça que je l'ai apprise. Seulement, seulement par la
télévision. Oui. Eh, c'est comme ça. Même la plupart
des Albanais apprennent l'italien. Seulement de cette manière.
40.
XXXIV
Mais il y a quand même des étudiants
qui apprennent des langues étrangères à l'école
!
41. Oui, à l'école, mais ce n'est pas le
meilleur résultat pour avoir, euh... Non, c'est pas. Ce n'est pas
à cause de ces choses que je t'ai dites. Parce que les professeurs... Il
y a trois ou quatre types de catégories...
42. Alors dis-moi les catégories
!
43. La première, c'est qu'ils ne sont pas
préparés. Ils ont pris les diplômes et ils ont
acheté les diplômes ou ils ont des personnes qu'ils connaissent,
ils ont eu le travail grâce à ces personnes-là. [...] Il y
a beaucoup d'étudiants dans la langue française, qui sont
complètement sans travail. Qui ne sont jamais allés en France,
même seulement pour plaisir. Et qui ont participé même
pendant les activités francophones ! Alors pourquoi je ne dois pas
apprendre si je ne suis pas motivé ? Pour moi, c'est mieux : acheter un
diplôme d'une autre branche, et je sais que demain, je vais avoir, un
type de poste de travail plutôt qu'étudier pendant beaucoup
d'années, beaucoup de jours, comme moi, sans dormir ! Et où je
suis ? Sans travail dans ma profession.
44. Oui, dans ta discipline.
45. Oui, dans ma discipline. A quoi ça sert ? Parce
que pour les autres étudiants étrangers, ça peut
être un peu difficile d'apprendre les langues étrangères.
Mais nous, les Albanais, on n'a pas ce type de problème. Pour nous,
c'est seulement la motivation, parce que nous, on arrive à apprendre
très vite les langues, en général.
46. Mais pourquoi, à ton avis ? Quelle
motivation, en fait ? Qu'est-ce qui motive les Albanais à apprendre les
langues étrangères ? Vous avez un système phonologique qui
c'est vrai, vous permet d'adopter rapidement la phonologie et la
phonétique de telle ou telle langue étrangère. Je pense
aussi que vous avez une grammaire qui est très difficile. Ca peut
peut-être vous... Je pense peut-être, je ne sais pas... Les
grammaires des langues étrangères sont plus
simples...
47. Oui, parce que le problème, quand on compare notre
grammaire avec la grammaire anglaise, ça nous paraît
complètement facile. La grammaire française est très
difficile, mais puisque nous connaissons la grammaire italienne, qui est
presque la même que la grammaire française. Je ne peux pas dire
100%, mais... Ca nous aide ! Ca nous aide beaucoup, ça nous aide
beaucoup. Et en plus, il y a toujours le rêve européen, de rentrer
dans l'Union Européenne, pour apprendre beaucoup de langues
étrangères, pour cette raison qu'on aime ça.
48. Et tu penses que si le peuple albanais
apprend plus de langues étrangères ou mieux les langues
étrangères, tu penses que ça peut donner une bonne image
à l'Union Européenne ? Pour accepter l'Albanie, des choses comme
ça ?
49. Peut-être, mais c'est...
50. Dis moi ce que tu en penses, en fait, je ne
sais pas...
51. Non, ce n'est pas seulement ça. Si on fait une
comparaison, par exemple, avec d'autres pays, par exemple, qui n'apprennent pas
des langues étrangères. Par exemple, euh...
52. Comme la France !
53.
XXXV
Oui, comme la France, comme l'Italie et caetera, et caetera.
Et imagine, ça n'influence pas. Je suis certaine que sans, ou même
avec l'Union Européenne, les Albanais vont continuer à apprendre
les langues étrangères.
54. Pourquoi, alors ?
55. Parce que d'abord, c'est un don naturel, c'est un don
naturel. Ils sont, euh...
56. Vous êtes génétiquement
programmés à (rires) ...
57. Ils sont très capables à écouter,
à articuler, et à prendre l'information.
58. Est-ce que tu penses qu'il y a des Albanais
qui refusent d'apprendre des langues étrangères
?
59. Oui, ça se donne par la famille aussi. La raison,
le résultat qui montre que les Albanais apprennent beaucoup de langues
étrangères, ou qu'ils parlent au moins une langue
étrangère, c'est, euh, les call centers, ils sont répandus
dans toute la ville. Surtout à Tirana. Imagine 183 call centers.
60. 183 call centers ?
61. Et imagine, le nombre de jeunes qui travaillent.
Même des nombres de gens qui ne sont pas déclarés, il y a
au moins 1 million de jeunes qui parlent une langue étrangère. La
langue étrangère la plus répandue, c'est l'italien, et
puis c'est l'anglais, l'espagnol, surtout l'espagnol. Parce que c'est aussi
l'espagnol est très répandu, surtout à Tirana, dans la
capitale. C'est très très répandu.
62. 1 million de jeunes, mais tu as trouvé
ça où, ce chiffre ?
63. Oui, parce que 6,000 jeunes sont employés dans les
trois call centers les plus connus de Tirana. Seulement dans trois.
64. 6,000 jeunes ?
65. Oui, imagine combien d'autres jeunes avec tous les autres
call centers qu'il y a à Tirana, qui ne sont même pas
déclarés. Et fais le calcul, ça c'est seulement pour la
capitale. Fais le calcul, à Shkodra, Elbasan, des centres d'appel, des
call centers, à Vlora, à Durrës, et caetera, et caetera.
Combien de jeunes savent ou connaissent une langue étrangère ?
Peut-être non parfaitement, ça n'a pas d'importance.
66. Non, bien sûr.
67. Ca n'a pas d'importance. Et puis, imagine les
années précédentes, tous se sont contentés d'une
seule langue étrangère, l'italien. Maintenant, presque tous les
jeunes arrivent à communiquer en italien, et maintenant ils disent
« ah, c'est complètement nul ! » c'est très facile pour
l'apprendre. Même l'anglais ça doit être très facile.
A Tirana, la plupart des gens parlent même l'anglais. L'anglais a
commencé à se ...
68. Se répandre ?
69. Oui, à se répandre, comme l'italien. Non
à 100%, mais ça a commencé. Il y a beaucoup de gens qui
parlent l'anglais. Ca, c'est vrai. Tu imagines, pour le français, c'est
un peu difficile. Pour le français, c'est difficile. Pour l'espagnol,
c'est facile. Après l'anglais, c'est l'espagnol. Ce sont les trois
langues les plus répandues.
70. Et pourtant, on n'apprend pas l'espagnol dans
les universités.
71.
XXXVI
On n'apprend pas, mais grâce à la
télévision. Parce qu'il y a beaucoup de ressemblance avec
l'italien. Moi-même, j'ai appris quelques mots en espagnol. Ils ont
commencé même à faire des cours. Mais moi par exemple je
veux faire des cours privés pour apprendre l'espagnol, parce que c'est
très facile pour l'apprendre.
72. Quand on connaît l'italien et le
français, franchement, l'espagnol n'est vraiment pas
loin.
73. C'est presque la même chose par rapport à
l'italien. Et en plus les Albanais aiment beaucoup l'espagnol et l'Espagne,
parce que c'est un pays très chaud, des jeunes.
74. Avec un style de vie qui est très
similaire à l'Albanie. C'est la Méditerranée, c'est tout
ça.
75. Nous, on aime beaucoup l'Italie. On aime beaucoup
l'Espagne, ce type de... La Grèce ! Il y a beaucoup
d'émigrés. A part le fait qu'on a des problèmes
politiques, et caetera, et caetera. Mais en général, on n'a pas
de problèmes. Il y a beaucoup de jeunes et de gens qui connaissent la
langue et la Grèce.
76. Moi j'ai vu qu'il y avait aussi une
série turque à propos d'un sultan, Mehmet II, ou je ne sais plus
comment il s'appelait. Tu connais ça, c'est quoi ? Tu sais ce que c'est,
c'est une série...
77. Oui, il y a quelques années, il y avait beaucoup
de séries avec la langue turque. Nous, on aime aussi beaucoup la
Turquie, puisqu'on a été envahi pendant cinq cent années,
on connaît même beaucoup de mots qui sont utilisés
même aujourd'hui, et c'est normal.
78. « Tamam », « shyqyr
»...
79. Oui, et c'est normal et nous, on aime parce qu'aussi les
Turcs nous aiment. Quand les Albanais vont en Turquie, ils adorent les
Albanais, ils les accueillent très bien. Mais pour nous, c'est un peu
plus difficile d'assimiler la langue turque que l'espagnol ou l'italien. C'est
un peu plus difficile. A part qu'on connaît quelques mots, et caetera, et
caetera, mais ça ne suffit pas pour communiquer bien, comme en italien
ou en espagnol, et caetera.
80. Et on voit le turc à la
télé ?
81. Oui beaucoup parce qu'ils ont les mêmes coutumes,
les mêmes traditions que nous. La manière comme ils mangent, la
manière comme ils se comportent, les jugements, euh...
82. Certaines traditions ?
83. Oui, certaines traditions.
84. Oui, vous avez été sous
l'influence ottomane pendant cinq siècles, vous avez forcément
été influencés par les Ottomans. Et il y a beaucoup
d'Albanais qui émigrent, et ça, je ne sais pas du tout, il y a
beaucoup d'Albanais qui émigrent vers la Turquie par exemple
?
85. Beaucoup d'étudiants plutôt, beaucoup
d'étudiants, qui, que, vont en Turquie pour étudier. Il y a
plutôt des jeunes. Moi je connais des jeunes qui sont allés en
Turquie, pour étudier.
86.
XXXVII
Ils sont restés là bas ou ils sont
revenus ?
87. Non, ils sont même restés là bas. Ils
aiment la Turquie, parce que je t'ai dit que les Turcs se comportent même
très bien avec les Albanais.
88. Il y a toujours eu une bonne relation
finalement entre l'Albanie et la Turquie ?
89. Oui, il y a une très bonne relation. Ce n'est pas
qu'il y a un grand nombre des Albanais qui vivent là bas, comme en
Italie et en Grèce. Ca veut dire aussi de la manière dont un pays
te crée les conditions pour te sentir bien, par exemple, nous on sent
que l'Italie, ce n'est pas que l'Italie a la meilleure opinion pour nous. Mais
quand même, ils sont habitués avec nous, nous sommes voisins.
Même les Grecs, il y a des Grecs qui sont habitués avec nous.
Ainsi, ça dépend. Mais la France, c'est plus difficile. Ainsi que
d'autres pays, l'Angleterre.
90. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu veux
rajouter ? Spontanément ? Qu'est-ce que tu penses de la langue
française, toi ? Oublie que tu as une zysh française en face de
toi, qu'est-ce que tu penses ?
91. Moi, j'ai toujours dit que j'adore le français,
mais je n'aime pas la France. Je l'ai toujours dit. J'adore le français,
comme langue, je l'aime beaucoup. J'ai beaucoup de, je ne veux pas dire comme
les autres étudiants « oh pourquoi j'ai appris la langue
française », pas du tout. Ca m'a servie dans mon travail que je
fais, au centre d'appel. Je suis certaine que ça va me servir dans un
futur, parce que, à part les autres choses, les obstacles que les autres
peuvent te faire, qui est un bon étudiant sera toujours un bon
étudiant. Peut-être il ne va prendre les mérites
maintenant, mais dans quelques années, oui. Moi je vais continuer
à investir, pour la langue française, encore pour les
années prochaines, même comme langue. Mais je n'aime pas du tout
le fait que les Français ne sont presque rien. Je veux dire par «
rien » qu'ils ne font rien pour investir pour la Francophonie, pour la
langue française. Et ici la situation, ici à Elbasan, est...
dramatique ! Parce que je pense que la langue française est dans son
déchet total.
92. Dans sa déchéance totale ?
Parce que « déchet », c'est « ordure », c'est les
poubelles (rires)
93. Non non, dans sa, oui, quand on, euh...
94. Dans sa chute ?
95. Dans son échec, c'est vraiment, c'est
désolé. C'est vraiment grave la situation. Ou il faut prendre, il
faut prendre des mesures et on inverse comme ça la situation, sinon le
français va se disparaître, petit à petit et c'est vraiment
dommage parce que les profs albanais n'ont pas l'influence maximale envers les
étudiants, parce que les étudiants savent, ils n'arrivent pas
entre guillemets à respecter le rôle ou l'image du prof albanais,
« ah c'est un prof albanais qui s'en fiche du français » et
caetera. Quand ils sont en face d'une stagiaire française, à ce
moment-là, ils ont plus de respect, parce qu'ils pensent « ah,
ça vient de France », et caetera et caetera « peut-être
ça va me donner la possibilité d'apprendre plus vite le
français, on va communiquer »...
XXXVIII
Annexe 12 - Interview informateurs 04-G & E Interviewer
: Amélie Gicquel
Note de lecture : 2 personnes sinterviewées
indiquées par une lettre les désignant en début de prise
de parole. Les questions posées par l'enquêteur sont en italique
et les réponses en caractères standards. Certains extraits ont
été retirés de l'interview reportée ici car pas en
aucune adéquation avec le thème traité.
Profil de l'informateur G :
Profession : masculin dans le
domaine du tourisme, Master en communication et en tourisme obtenu
Expérience de vie à
l'étranger : aucune / quelques séjours touristiques
à l'étranger Formation initiale :
post-communisme
Profil de l'informateur E :
Profession : féminin, Master en
communication et en tourisme obtenu, différents emplois dans
l'enseignement et les centres d'appel
Expérience de vie à
l'étranger : aucune / quelques séjours touristiques
à l'étranger Formation initiale :
post-communisme
Informations relevées à partir de notes,
désir exprimé de ne pas être enregistré.
1. La première fois que tu as entendu la
langue française ?
2. G - ma grande soeur apprenait le français à
l'école, et elle révisait avec une camarade de classe.
3. Quand as-tu commencé à apprendre
le français ?
4. G - En 5ème classe, obligatoire en deuxième
langue dans son école (en 1997, j'avais 10 ans, c'était pendant
la guerre civile).
A été aux classes d'été
organisées par l'association NECAL.
A suivi des cours privés.
5. Quelle est ta première langue
?
6. G - Anglais en 3ème classe.
7. Quelle était ton opinion pour le
français avant de commencer, ou au début de ton apprentissage ?
A-t-elle changé ?
8. G - C'était « la langue des dames », et
quand j'ai appris que c'était aussi la langue de la justice, j'ai
changé d'avis et j'ai commencé à aimer cette langue. On
disait que c'était une langue difficile par rapport à l'anglais,
mais ça restait à la mode.
9. Avec quelle méthode as-tu appris le
français ?
10. G - Avec Mauger, c'était une bonne méthode,
on apprenait beaucoup de lexique et de grammaire. Puis avec le Nouveau Sans
Frontières.
11. Et tu as continué au lycée des
langues ?
12. G - Oui, à l'époque, les langues
étrangères étaient à la mode, et pour entrer dans
la section bilingue français / albanais, il y avait un concours
très difficile ! Pour
XXXIX
120 candidats pendant mon année, il n'y avait que 30
places. J'ai fini à la troisième place, mais je considère
que j'étais le premier. Les deux premières places avaient
été remportées par deux filles, mais elles avaient eu des
cours privés avec BT, et elle connaissait les questions du concours.
Donc j'ai remporté la première place des gens qui ont
étudié honnêtement.
L...]
13. Et ensuite, tu as continué tes
études de français à l'université
?
14. Oui, c'était naturel pour moi. J'aimais vraiment
la langue et la culture françaises.
15. C'est quoi un prof pour toi
?
16. G - quelqu'un qui te cultive. Un prof, c'est quelqu'un
qui cultive des générations.
17. E - quelqu'un qui prend toutes ses
responsabilités.
18. Et tu penses que ça a changé
?
19. G - Oui, à l'époque, c'était mieux.
Les profs étaient mieux. Mais c'est aussi à cause des enfants, on
ne peut pas rejeter toute la faute sur les enseignants.
20. Et pourquoi penses-tu que le français
n'est pas très populaire ?
21. G - L'Albanie n'a pas d'intérêt politique,
ou géopolitique. Ce n'est plus qu'une question d'économie
aujourd'hui. Et puis, c'est aussi le problème des bourses, l'ambassade
n'en accorde presque pas et ce sont seulement les profs ou leurs amis qui les
obtiennent. A notre époque, à l'université à
Tirana, il y avait un échange entre deux étudiants de
l'université de Montpellier et de Tirana. Maintenant, c'est avec
l'université de Clermont-Ferrand.
22. Et vos parents étaient favorables
à ce que vous appreniez le français ?
23. G - Ah oui, ils pensaient que ça nous donnerait du
travail. Maintenant, ils pensent qu'ils ont fait une erreur. A l'époque,
les entreprises étrangères commençaient à arriver,
on pensait qu'en apprenant les langues étrangères, on pourrait
trouver du travail plus facilement. Même aujourd'hui, mais c'est
différent.
24. E- Moi, tu imagines, j'avais 14 ans quand je suis partie
de ma ville, j'étais petite et j'ai changé de ville pour
apprendre le français, c'est que mes parents pensaient vraiment qu'on
pouvait trouver du travail.
25. Et pourquoi vos parents vous ont-ils
orienté vers le français ?
26. G + E - c'était mieux d'apprendre le
français, parce que ce n'est pas facile comme langue, ça donnait
plus de prestige que l'anglais et l'italien. Le français, c'était
un plus. En plus, c'est impossible d'apprendre cette langue en étant
autodidacte, pas comme l'anglais et l'italien.
27. G - Mais le marché des langues est
complètement détruit aujourd'hui. On prend les traducteurs dans
des entreprises sans tester leurs connaissances linguistiques. Les postes
d'enseignants étaient de plus en plus rares, donc le nombre de gens qui
se prétendaient traducteurs a augmenté. C'est une question de
business, c'était mal payé, donc les gens n'y mettaient pas du
leur. Les traductions étaient mal faites pour faire de la pression.
28. Est-ce que vous feriez le même choix
aujourd'hui que vous avez fait à l'époque ?
29.
XL
G + E - Non, je pense que j'étudierais les langues
étrangères parallèlement à une autre discipline.
30. G - Si quelqu'un est intelligent, il apprendra une langue
étrangère.
31. Tu penses qu'apprendre une langue
étrangère, c'est une preuve d'intelligence ?
32. G - Bien sûr !
33. Et parler français, c'est quoi alors
?
34. G - Parler français, c'est penser français.
Une langue, c'est une manière de penser, une manière de se
comporter.
35. Et quand tu parles français, tu penses
que tu es le même G ou est-ce que tu sens que tu es différent
?
36. G - Et bien le G qui parle une langue
étrangère ne va pas être différent, mais il ne va
pas se comporter de la même manière, je ne vais pas faire les
mêmes blagues que je fais à un Albanais ou à un Italien.
37. Quelle est ton opinion pour les langues
étrangères ?
38. G - parler français, c'est valorisant.
39. Et selon vous, quelles sont les images qui
circulent en Albanie autour de la langue française ?
40. G - quelqu'un qui n'aura jamais vu le français de
près ou de loin va avoir tous les arguments pour dire que ça ne
vaut pas le coup d'apprendre le français : « c'est difficile,
l'accent est impossible, c'est grave ». Quelqu'un qui connaît la
langue et la culture françaises, c'est une distinction, cette personne
aura une pensée et un comportement différent, ça se verra
par sa fierté apparente. Quelqu'un qui est cultivé a appris le
français. Il y a des gens qui ont appris le français juste pour
pouvoir lire les livres d'auteurs français en langue cible plutôt
que dans leur langue maternelle.
41. E - Moi, quand j'étais enseignante, je sais que
mes étudiants étaient issus de familles aisées,
c'était des familles qui avaient envie que leurs enfants se
distinguent.
42. G - A mon époque, quand on rencontrait quelqu'un
qui parlait français, c'était * sifflement d'admiration *.
43. Est-ce que le français c'est une
langue visible en Albanie ?
44. E - le français est une langue visible, mais ce
n'est pas évident, il faut aller la chercher un peu.
XLI
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