CHAPITRE 1 : APPROCHES NOTIONNELLES ET SOUBASSEMENTS
CONCEPTUELS : POUR
UNE CONTEXTUALISATION DE LA PENSEE
25
I/ De notre intérêt : la langue en action 27
II/ De notre domaine d'études : la place de la langue en
contexte social et
institutionnel 33 III/ Méthodologie et objectifs de la
recherche : du placement humain à l'écriture
40
CHAPITRE 2 : ELEMENTS DE MACROCONTEXTUALISATION
SOCIO-HISTORIQUE 48
I/ L'albanais langue maternelle : histoire et statut 50
II/ Ecole, éducation et pouvoir 62
III/ « Nous voulons être comme le reste de l'Europe
» 73
CHAPITRE 3 : LA FRANCOPHONIE EN ALBANIE
88
I/ La Francophonie : définitions et statut 90
II/ La francophonie en terres albanaises 98
III / Politique d'action extérieure de la France en
Albanie 110
IV/ L'offre en formation initiale en langues
étrangères dans le système
universitaire albanais 114
CHAPITRE 4 - PRATIQUES ET REPRESENTATIONS DIDACTIQUES,
LE FRANÇAIS ET SON
ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE EN ALBANIE
122
I/ Individus en contexte 124
II/ Conditions de formation des représentations relatives
au français 129
III/ Bilan et perspectives de l'étude 139
CONCLUSION GENERALE 153
TABLE DES MATIERES 158
BIBLIOGRAPHIE 162
SITOGRAPHIE 167
TABLE DES ANNEXES
9
Lecture de l'albanais
L'albanais s'écrit avec un alphabet latin normé
depuis 1908, comporte 36 lettres dont 7 voyelles et 39 consonnes. Lors de la
conférence de Manastir, il fut que l'alphabet albanais devrait
être au plus proche de sa phonétique. Les lettres ne changent pas
de prononciation en fonction de leur place dans le mot et sont toutes
prononcées, à l'exception du /ë/ en position
finale. * Voyelles en gras
Majuscule / Minuscule
|
API
|
Prononciation simplifiée indicative
|
Exemple et signification
|
A / a
|
[?]
|
`a', exemple : `chat'
|
Arrë, noix
|
B / b
|
[b]
|
`b', exemple :
`bébé'
|
Birë, fils
|
C / c
|
[t?s]
|
`ts', exemple : `tsar'
|
Copë, morceau
|
Ç / ç
|
[t??]
|
`tch', exemple : tcha-tcha
|
Çfarë, pronom interrogatif
« quoi, qu'est-ce que »
|
D / d
|
[d?]
|
`d', exemple : dame
|
Dru, bois
|
Dh /dh
|
[ð]
|
consonne fricative dentale voisée, exemple : «
there » en anglais
|
Dardhë, poire
|
E / e
|
[?]
|
`é', exemple : né
|
Emër, prénom
|
Ë / ë
|
[?]
|
`eu', exemple : soeur, n'est pas prononcé en
albanais en position finale
|
Rërë, sable
|
F / f
|
[f]
|
`f', exemple : feu
|
Fik, figue
|
G / g
|
[g]
|
`g', exemple : gare
|
Gurë, pierre
|
Gj / gj
|
[?]
|
Consonne occlusive palatale voisée, peu commune mais
présente en italien, par exemple dans le mot «
ghetto »
|
Përgjigje, réponse
|
H / h
|
[h]
|
`h' aspiré (pas autant qu'en anglais), mais marque
plutôt une césure dans la prononciation d'un syntagme, exemple
: des haricots
|
Ha, manger
|
I / i
|
[i]
|
`i', exemple : nid
|
Pi, fumer, boire
|
J / j
|
[j]
|
Consonne spirante palatale voisée, exemple :
yoyo
|
Jugu, Sud
|
K / k
|
[k]
|
`k', exemple : kaki
|
Kur, quand
|
10
L / l
|
[l]
|
`l', exemple : lard
|
Lajmë, information
|
Ll / ll
|
[?]
|
Exemple : « call » en anglais
|
Djell, soleil
|
M / m
|
[m]
|
`m', exemple : maman
|
Macë, chat
|
N / n
|
[n]
|
`n', exemple : nerf
|
Unaze, anneau
|
Nj / nj
|
[?]
|
`gn', exemple : campagne
|
Një, un
|
O / o
|
[?]
|
`o', essentiellement arrondi, mais peut être
influencé par les lettres attenantes, exemple : mot
|
Gocë, fille
|
P / p
|
[p]
|
`p', exemple : pot
|
Piru, fourchette
|
Q / q
|
[c]
|
Consonne occlusive palatale sourde, plus ou moins le `k' de
« kiosque », qui serait une occlusive «
mouillée »
|
Qafë, cou
|
R / r
|
[?]
|
Consonne battue alvéolaire voisée, comme le
« r » en position centrale en espagnol, exemple «
pero » (chien)
|
(i / e) Ri, nouveau / nouvelle
|
Rr / rr
|
[r]
|
`r' roulé
|
Rrush, raisin
|
S / s
|
[s]
|
`s', exemple : soeur
|
Stilolaps, stylo
|
Sh / sh
|
[?]
|
`ch', exemple : chat
|
Shallë, écharpe
|
T / t
|
[t?]
|
`t', exemple : taper
|
Tavolinë, table
|
Th / th
|
[O]
|
Exemple : « thumb » (pouce) en
anglais
|
Thikë, couteau
|
U / u
|
[u]
|
`ou', exemple : mou
|
Ku, où
|
V / v
|
[v]
|
`v', exemple : va
|
Vdes, mourir
|
X / x
|
[daz]
|
`dz', exemple : xylophone
|
Xixë, éclat
|
Xh / xh
|
[da?]
|
Exemple : « jam » (confiture) en
anglais
|
Xhaketë, veste
|
Y / y
|
[y]
|
`u', exemple : mur
|
Yll, étoile
|
Z / z
|
[z]
|
`z', exemple : zèbre
|
Zarzavatë, légume
|
Zh / zh
|
[?]
|
Exemple : genre
|
Zhvilloj, développer
|
11
Glossaire des sigles principaux
AF - Alliance Française
CECR - Cadre Européen Commun de
Référence
CNOUS - Centre National des OEuvres Universitaires
CREFECO - Centre Régional de la Francophonie d'Europe
Centrale et Orientale
DDL - Didactique Des Langues
DFLE - Didactique du Français Langue
Etrangère
ECTS - European Credits Transfer System
FLE - Français Langue Etrangère
FOS - Français sur Objectifs Spécifiques
LE - Langue Etrangère
LLCE - Lettres, Langues et Civilisations Etrangères
LM - Langue Maternelle
LMD - Licence Master Doctorat
MAE - Ministère des Affaires Etrangères
MASH - Ministri i Arsimit Shqiptar (Ministère de
l'Education Albanais)
OCDE - Organisation de coopérations et de
développement économiques
OIF - Organisation Internationale de la Francophonie
PCA & PTA - Parti Communiste Albanais & Parti du
Travail Albanais
PECO - Pays d'Europe Centrale et Orientale
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
SCAC : Service de Coopération et d'Action Culturelle
SHS - Sciences Humaines et Sociales
TLF - Trésor de la Langue Française
UE - Union Européenne
UNESCO - United Nations Educational, Scientific and Culturel
Organization
UNICEF - United Nations Children's Fund
Vlore
Çorovode ·
0
50 km
ALBANIE
MONTÉNÉGRO
B jrarn Cur ·ri
lr ierzë
Lez he Rreshen
Peshkopi
Laç
* * Burrel
Kru jé
ANCIENNE RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE
MACEDOINE
{
GRÈCE
Coifou
~,, iviswon Réograprrque de la direction des
Archives
du Ministère des Atiaires élrangëres
et europeennes ' 2010 ,
Durrës :hijak ·
TIRANA
*Kay*
ë
P *qin
·
Lushnjë
Her
· Eerat
Tepelene
uPermet
Himare
Giirokastr ·
]elvinë
·
· Sarandé
· Masan
*Cerrik
*Kuçove
·
Pogradec
Carte de l'Albanie
12
13
« Préambule : ASSISE COGNITIVE
»
Toute recherche ne peut se déconnecter d'une certaine
trame de fond qui permettrait entre autre d'éviter de se perdre dans des
tribulations où logique barbare est suprématie de
l'ignorance (sans doute au sens albanais du
terme). C'est d'autant plus important lorsque l'on se
prête à ce type d'exercice précis, où l'on retrace
le chemin de de son expérience et de sa réflexion pour obtenir
une certaine forme de validité aux yeux de la communauté
scientifique enseignante (qui se sera évertuée à nous
aviser d'un certain nombre de concepts fondamentaux, en particulier lorsque
l'on en vient à agir auprès de l'humain et de sa conception du
monde). Qu'en est-il donc de ce qu'on pense être (de) la connaissance ?
Jusqu'au jugement évaluateur, le penseur reste longtemps unique
détenteur de sa compréhension d'un environnement donné
dans la mesure où ses propres représentations et conceptions de
son domaine d'action ne sont pas constamment mises à l'épreuve du
jugement des autres. C'est encore plus vrai à propos de contextes tel
que celui de l'Albanie où peu de ressources de référence
et de documentation existent, tel qu'il l'a été mentionné
peu auparavant. A quel point est-on rendu responsable de ce que l'on avance et
peut-on vraiment se tenir responsable de ce qui ne nous appartient pas
fondamentalement ?
Jean-Louis Le Moigne (2012) soulève l'idée
selon laquelle l'être humain ne peut directement accéder à
la réalité, mais ne peut que l'interpréter en appliquant
à son observation du monde, des grilles de lecture basées sur ses
observations, ses représentations étant conçues à
partir de son expérience d'observateur et d'acteur en interaction avec
son environnement. Selon la démarche dans laquelle l'activité de
la recherche s'inscrit, il serait également attendu que cette posture de
réflexion se vérifie par son application concrète.
Mentionnons ce que propose Ricoeur dans un de ses articles « Expliquer et
comprendre, sur quelques connexions remarquables entre la théorie du
texte, la théorie de l'action et la théorie de l'histoire »
: quels fondements épistémologiques, pour quelle épreuve
du réel ?
L'idée ici n'est pas de soulever des questionnements
propres à des concepts fondamentaux, remettant en question
l'élaboration et la consistance même de la philosophie en tant que
discipline indépendante. Cependant, l'on peut rapidement s'interroger
vis à vis de ce qui nous amène à questionner jusqu'au
réel, en particulier quand un sujet, par nature extérieur au
contexte observé, peut prétendre pouvoir intégrer ce
même contexte pour obtenir une réflexion valable et
cohérente ? Prolongeons quelque peu l'idée soulevée en
nous
14
intéressant plus particulièrement à ce
que Paul Valéry a décrit de la manière suivante : «
On a toujours cherché des explications quand c'étaient des
représentations qu'on pouvait seulement essayer d'inventer
»2 et ce que Gaston Bachelard a proposé : « C'est
précisément ce sens du problème qui donne la marque du
véritable esprit scientifique »3. Faudrait-il donc
s'intéresser aux représentations, s'éloigner de la
recherche d'explications formelles pour adopter « le sens du
problème » ? Cela ne semble pas très engageant
jusqu'à ce que l'on comprenne la motivation qui anime les chercheurs
affectionnant ou défendant les épistémologies
constructivistes.
Selon cette perspective, adopter une posture
épistémologique ne reviendrait pas seulement à reprendre
les lignes d'un cadre conceptuel hégémonique et
institutionnellement admis de tous, si on doit en venir à rappeler la
critique presque virulente faite de la méthode cartésienne. Ce
rappel nous permet donc de situer le contexte dans lequel cette théorie
épistémologique s'est édifiée. Les
dénonciations formées par les constructivistes du XXème
siècle dont Piaget4 est devenu la tête de proue
grâce aux travaux de Bachelard5 ramènent à
dénoncer les risques pratiquement toxiques de l'adoption du positivisme
pour la formation de l'esprit humain, si l'on en suit l'oeuvre de Le Moigne,
lorsqu'il qualifie le positivisme de « réductionnisme » (2012
: 108). On ne verrait plus le traitement et la relation de l'objet par et avec
le sujet, de son analyse faite par le second d'une situation donnée
comme une faculté inhérente au sujet producteur de sens, à
l'acteur social en interaction avec son environnement. Peut-on rappeler ici
cette capacité de l'être à réunir des
éléments de connaissance plutôt que de les parceller, les
disséquer pour mieux en comprendre leur fonctionnement ?
De ce fait, la nécessité de reconnaître
le caractère multidimensionnel du réel permettrait d'asseoir une
partie de sa réflexion et de le rendre rationnel, en plus de s'assurer
d'une application sur le réel de ce qui aura mûri à
l'esprit du penseur. Si l'on veut être prudent et se dédouaner de
toute tentative d'empirisme vulgaire et répondre ainsi à la
question éthique de la nécessité de
l'épistémologie, il est attendu de pouvoir démontrer en
quoi l'application d'une méthode choisie est appropriée, puis de
manière plus fondamentale, de présenter en quoi le cadre
construit par le chercheur permet justement de poser les jalons d'une
connaissance produite et expérimentée par le penseur, qui devient
par la suite scripteur de sa réflexion. On s'approche ici de l'effort de
réflexivité entendu par l'adoption d'une méthodologie
constructiviste dans l'appréhension de son domaine d'étude, Le
Moigne en témoigne lorsqu'il reprend la pensée piagétienne
en ces termes :
15
« il devient nécessaire de soumettre à une
critique rétroactive les concepts, méthodes ou principes
utilisés jusque-là de manière à déterminer
leur valeur épistémologique elle-même. En de tels cas, la
critique épistémologique cesse de constituer une simple
réflexion sur la science : elle devient alors instrument du
progrès scientifique en tant qu'organisation intérieure des
fondements et surtout en tant qu'élaborée par ceux-là
même qui utiliseront ces fondements et qui savent donc de quoi ils ont
besoin. » (Piaget (1967) in Le Moigne, 2012 [1995] : 108-9)
Cette citation permet également de soulever la
jonction fondamentale entre épistémologie et méthodologie.
La première ne se réduit pas à une critique passive de
concepts et de notions, mais introduit effectivement la nécessité
d'adjoindre la manière de penser à la manière de faire, ce
qui s'approcherait grandement de la prise de responsabilité
nécessaire de la part du penseur-acteur que de mesurer la
conséquence de ce qu'il avance. La méthode et la réflexion
rétroactive deviennent deux outils déterminants dans l'assise de
la valeur épistémologique d'une réflexion, autant que la
base du progrès scientifique. La recherche ne s'apparentant pas à
l'application d'un cadre méthodologique prémâché
à un contexte situationnel décroché de l'espace-temps, il
semble primordial de savoir effectuer des aller retours entre pratique et
théorie, et avant tout d'apprendre à le faire, pour mieux
construire un cadre en adéquation à son terrain, et être
sûr de ce qu'on avance.
Nous retiendrons finalement la réflexion de Kant
à ce sujet qui propose un essai à propos de la finalité de
la production de la connaissance, ajoutant dans ce sens que l'homme se
rationalise par le fait même qu'émane de sa conscience la
volonté de comprendre le monde, et que la finalité de cette
volonté soit justement de construire des objets de connaissance. Dans
l'introduction à la Critique de la faculté de juger
de Kant, Alexis Philonenko propose que c'est dans la
synthèse des individualités que se construit la logique
universelle (1993 : 19), réintroduisant également l'importance,
voire le caractère inévitable de la communication pour la
construction des savoirs. Le Moigne reprend précisément cette
idée en réintroduisant la valeur et le pouvoir cognitif de
l'homme dans l'élaboration de la connaissance, sans quoi je
présume que l'on se limiterait à des discours sans application ou
accroche sur la réalité ? « Au commencement était
l'action », quoi de mieux pour introduire une étude qui souligne le
lien entre pensée et action des acteurs observés ? Du point de
vue heuristique, la théorie constructiviste s'attarde par ailleurs
à comprendre le mode de construction de la connaissance qui
réside dans l'interaction entre l'objet et le sujet. Se limiter à
une modélisation de l'objet serait, par définition,
réducteur et ne respecterait pas les conceptions constructivistes
soutenant l'idée selon laquelle la connaissance et par extension
l'intelligence se construisent à partir de la réflexion
posée sur les interactions entre le sujet et
16
l'objet. L'effort de réflexivité ne se commande
pas et s'inscrit dans la capacité de l'homme à mobiliser ses
compétences cognitives pour produire cette connaissance dont il a besoin
pour évoluer dans son contexte. Nous pourrions rapidement mentionner le
pluriel de cette assertion et soulever le fait que les individus de notre temps
évoluent au sein de plusieurs contextes, le tout est de connaître
la finalité de ce fait, peut-on en être conscient ? La conscience
même de l'homme ferait de lui un individu doué de pouvoir. Les
facteurs qui influeront sur sa conception du pouvoir et son utilisation
modifieront ensuite l'utilité qu'il aura et qu'il projettera de ce
pouvoir de penser et de faire.
Cette très courte partie retrace grossièrement
ce qui permet au chercheur penseur de se tracer un chemin dans ce qui fait son
pouvoir de réflexion. Ce laïus ne se prétend nullement
exhaustif ou suffisant à l'assise d'une réflexion, mais la mise
en lumière d'une tentative d'ancrage dans ce qui fait la science et le
pouvoir de la pensée d'un individu aura été amorcée
et me semble avoir sa place au sein d'un écrit qui relève d'un
effort de réflexivité. Qu'il puisse se combiner aux espoirs que
je lui porte serait une petite lucarne sur un monde des possibles qui n'a pas
encore conscience de lui-même.
|