II. L'immigré dans ses rapports avec sa
société d'accueil
Il sera question dans cette section de voir les
rapports qu'entretiennent l'immigré et sa société
d'accueil. Ces rapports ne sont pas du tout harmonieux et font de lui un
être pris entre le piège de la négation de soi et
l'assimilation.
II.1. Le regard de l'autre et les
préjugés
L'immigré est victime du regard que son
entourage porte sur lui et des préjugés qui en découlent.
Son quotidien est constitué de conflits. Ceux-ci n'ont plus partie prise
avec les questions relatives à une aisance matérielle, mais
relèvent de sa vie intérieure. Il se retrouve contraint de
composer avec la façon dont il se voit et celle que les autres ont de le
voir.
II.1.1. Le regard de l'autre : une constance dans les
récits d'immigration
Les problématiques liées au regard de
l'autre et aux préjugés sous toutes ses formes constituent une
constante dans les romans de l'immigration. Celles-ci ne datent pas
d'aujourd'hui. Depuis les auteurs de la négritude, on les observait
déjà dans les rapports mettant aux prises colons et
indigènes, les deuxièmes étant assimilés au
bétail, des bêtes, bref des « moins que rien
»14. Cela a évolué de façon croissante et
aujourd'hui ces récits de l'immigration mettent en scène de
personnages pris entre ce piège du regard de l'autre et les
14 Expression empruntée à René Maran
dans son roman Batouala paru en 1921 aux
éditions Albin Michel.
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préjugés, ce qui fait d'eux des victimes
et constitue une entrave à une possible intégration. Omar Abdi
Farah a étudié la question des préjugés. Il en
distingue trois formes: les préjugés sur une Europe
édénique, les préjugés culturels et les
préjugés sociaux. Il pense que ces trois formes « sont
souvent dénoncées dans la littérature africaine
d'expression française » (Farah, 2014 : 233). Cette
dénonciation vise à mettre à jour le fait que
l'immigré soit un être rejeté, un « rejet qui passe
par le mépris [...] du noir. » Le regard de l'autre et tout ce qui
en découle constituent de ce fait une entrave à l'insertion
réussie de l'immigré. Seulement, il est important de noter que
dans la démarche de Farah, cette victimisation de l'immigré du
fait de son rejet s'inscrit dans une démarche parallèle.
Autrement dit, l'immigré est victime des préjugés et du
regard de l'autre de la part des personnes généralement
étrangères à sa race, des personnes blanches. Or, cela
n'est pas toujours le cas.
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