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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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III.2.2 L'éveil des consciences de son peuple

Partir n'est pas en soi une mauvaise chose, c'est refuser de revenir chez soi qui l'est. Nous avons vu plus haut que les Africains restés chez eux avaient une image édénique de l'Occident, image entretenue à la fois par leurs frères qui y sont allés et par les médias. Pour

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ceux qui y sont allés et n'ont pas pu faire fortune comme ils le désiraient, du fait du déphasage entre cet ailleurs tel que rêvé et tel que vécu, le retour est également salutaire. S'ils ne peuvent pas apporter une expertise technologique à leurs pays, ils peuvent tout de même empêcher leurs compatriotes de se retrouver dans la même situation. Thamar en est un exemple. Son retour est un plus pour les jeunes filles du Mboasu. Dans un contexte où ces dernières ne rêvent que de l'ailleurs, en une sorte de paradis terrestre, Thamar est mieux placée pour leur dire la vérité. Elle pourrait mieux les sensibiliser, en les emmenant à comprendre que le bonheur ne se trouve pas toujours au loin, qu'il est ici, dans ce lieu qui est un don du ciel.

Parlant de don du ciel, Mbue invite à comprendre une fois de plus que le paradis est là où nous nous trouvons. Elle convoque une fois de plus le livre sacré ; c'est à croire que sa parole se veut conviction et promesse : « la promesse de Jésus à ses disciples : « que votre coeur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, vous croyez aussi en moi. Il y a beaucoup de demeure dans la maison de mon père [...] Je vais vous y préparer une place » (Jean 14 :1-3, in VVR : 322-323). Ces propos bien que tenus par le prêtre dans un contexte précis, peuvent être généralisés et rapportés à notre contexte. « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon père » peut être lu comme la pluralité des territoires qui constituent le monde, la maison de Dieu. Et dire que « je vais vous y préparer une place » montre qu'en réalité, personne ne choisit de se trouver où il est, personne ne choisit l'endroit où il doit naître. Le fait de naître dans un pays quelconque est donc une grâce divine, car c'est la place que l'Éternel a préparé. Et c'est même à juste titre que la volonté d'abandonner son pays natal peut être vue telle une offense aux lois naturelles, à la divinité. Mbue montre qu'il faut accepter ce lieu de naissance, être fier et le construire pour continuer d'être heureux.

III.2.3. Célébrer ses mérites au-delà de tout

L'homme a un seul pays, et il ne le rejettera jamais, c'est ce que l'on peut dire à la lecture de ces deux romans. Nombreux sont les personnages immigrés qui l'ont compris et qui décident de rentrer chez eux. Maxime, Thamar, Valentine, Moustapha et Antoine dans Ces âmes chagrines ; et le couple Jende dans Voici venir les rêveurs, font partie de ces personnages qui entreprennent de retourner au pays natal à un moment donné de leurs expériences émigratives. Il n'est plus nécessaire de revenir sur le débat autour de la réussite ou non de ces expériences. Ce qu'il importe de noter c'est que ces retours sont salutaires. C'est une preuve de courage pour certains, un patriotisme affirmé pour d'autres, et une négation de l'ailleurs encore, pour d'aucuns. Ces personnages réalisent que la terre d'origine vit en chacun et qu'il ne faut pas l'abandonner. Leurs retours contribuent à redorer l'image de

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leurs pays qui étaient jusque-là écornée par des départs massifs, faisant croire qu'ils sont des enfers sur terre. À travers ces retours, c'est un message fort qu'ils envoient à ceux qui penseraient qu'il y a des super-pays et d'autres qui ne valent rien. Ces retours valorisent le lieu de naissance et montrent que chacun se sent beaucoup plus à son aise chez soi.

Il est vrai que l'on ne saurait faire table rase des conditions de vie parfois difficiles - et inhérentes à tout endroit d'ailleurs - mais cela ne saurait en aucun cas constituer un motif d'abandon de ses racines, car « c'est notre pays. Nous l'aimons, nous le détestons, mais c'est toujours notre pays [...], jamais nous ne pouvons le renier » (VVR : 418). Il n'est donc pas juste de l'abandonner au motif que l'on souffre. Ce qu'il y a lieu de faire, c'est de trouver des moyens pour éviter la souffrance et garantir le meilleur à des générations à venir. De cette manière, les Subsahariens cesseront d'être des objets de moqueries pour certains Occidentaux, et pourront eux aussi se vanter d'être enviés de tous.

Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressé à la dimension argumentative qui sous-tend les deux romans qui constituent notre corpus. Nous avons pu établir qu'au-delà de la narration, ces deux romans revêtent une dimension argumentative à travers laquelle ces auteures dénoncent, conscientisent et mettent en garde contre des pratiques inhérentes à l'immigration clandestine surtout. Pour Mbue et Miano, l'immigration devrait être non pas une quête effrénée du bonheur qui ne se trouve toujours pas où l'on croit, mais plutôt un moyen de consolidation des liens familiaux et amicaux, une ouverture d'esprit, un moyen d'expression et de revendication d'une citoyenneté universelle. Et les retours, un impératif, sont le moyen de renouer avec le seul vrai paradis et de mettre au service des siens ce que l'on a appris ailleurs ; car, au-delà de tout, il est plus qu'impératif de construire son pays, étant donné que personne d'autre ne le fera à notre place, et que c'est le seul moyen d'être heureux tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique. Partir, même si ne constituant en soi aucun problème, n'est pas toujours la solution. S'il faut partir, il faut le faire dans la dignité. Mais surtout, il faut retourner dans la joie, fière de retrouver « le seul vrai paradis » (CAC : 172) et prêt à participer à sa radiance.

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