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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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Dans ce sujet qui s'intitule « Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration : l'exemple de Ces âmes chagrines de Léonora Miano et Voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue », nous nous sommes attardé aux mécanismes concourant à favoriser la décision de retourner au pays natal qui naît chez les personnages immigrés, sa mise en exécution et les enjeux qu'il revêt. Nous sommes parti du constat que le phénomène de l'immigration prend de plus en plus de l'ampleur ces dernières décennies et revient sans cesse au-devant de la scène. Les candidats à l'immigration sont de plus en plus nombreux, et les données froides autour du phénomène s'accentuent. Des naufrages des bateaux transportant les migrants pour l'Occident font la une des journaux au quotidien. Devant ce phénomène, la littérature n'est pas restée à l'écart. En effet, depuis la fin des années soixante-dix, ce phénomène est devenu un thème majeur de la littérature contemporaine. De nombreux romanciers se sont appropriés le phénomène, et le décrivent dans leurs oeuvres, chacun à sa manière.

Ce qui a particulièrement retenu notre attention est le fait que la plupart de ces romans présentent le phénomène de façon unilatérale. Les personnages qu'ils mettent en scène partent de l'Afrique pour l'Occident à la recherche du bonheur. Cet Occident devient le théâtre de leurs misères, souffrances et abus de toutes sortes. Pourtant, on observe très peu des personnages qui prennent la résolution de rentrer chez eux. Les quelques retours que l'on note se conjuguent en termes d'expulsion.

Or les deux romans de ce corpus s'inscrivent en marge de cette logique et mettent en scène des personnages qui prennent la décision, après un séjour passé en Occident, de rebrousser chemin. Cette rupture d'avec la logique classique présentant les migrations africaines tel un mouvement à sens unique, de manière exclusive, nous a interpellé et nous avons voulu investiguer sur la construction de ce retour, ses formes, ses enjeux, bref, l'état d'esprit qui anime le personnage qui opère ce choix. Le séjour en Occident n'étant pas toujours teinté de bonheur, de réussite et de plaisirs auxquels l'immigré s'attendait, il va des soi que son départ soit perçu telle une aventure risquée capable de le réduire à l'esclavage sous plusieurs formes. Si donc le départ et le séjour en terre d'accueil peuvent être vus comme un enfer, le retour s'oppose et se veut libération. C'est dans cette logique que s'inscrit la question centrale qui a sous-tendu notre analyse, celle de savoir en quoi le retour au pays natal constitue-t-il une redéfinition de la personne de l'immigré dans le roman de l'immigration.

Pour mener à bien cette investigation, nous avons eu recours à la critique thématique, dans les orientations de Jean pierre Richard et Starobinski. Celle-ci visait à mettre en évidence des images et de thèmes privilégiés par tel ou tel auteur, de sorte à décrire et à analyser un

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monde imaginaire unique à chaque écrivain ou écrivaine, une forme particulière d'expression littéraire. Si le premier voit en cette critique une tentative de dévoiler l'implicite derrière l'explicite, le latent derrière le manifeste, le second y voit un mode de lecture qui s'efforce de déceler l'ordre ou le désordre interne des textes qu'elle interroge, le symbole et les idées selon lesquels la pensée de l'écrivain s'organise. Toutefois, notre analyse s'est faite dans une démarche comparative. Les outils de l'analyse comparée tels l'image, l'écart et la distance quelquefois, nous ont permis de marquer la frontière dans les perceptions de ces auteures sur le phénomène de l'immigration en général et le retour au pays natal en particulier.

Ainsi, nous avons structuré le travail en deux parties, chacune constituée de deux chapitres. La première partie intitulée « Naissance du sentiment du retour » a analysé la manière dont le retour prend forme dans l'esprit des immigrés. Le premier chapitre a été consacré aux conditions de vie de l'immigré : entre marginalité et intégration. Nous y avons établi que le séjour de l'immigré en terre d'accueil n'est pas toujours un long fleuve tranquille ; car ce dernier, en plus d'être inconfortablement épanoui aussi bien sur les plans socioéconomique qu'administratif, est en proie aux préjugés et au regard de l'autre. Cela développe en lui un sentiment d'étrangeté et d'angoisse profonde, tout cela constituant une entrave à une possible intégration de sa part. Il se retrouve en marge de la société, et nourrit quelques fois des regrets en se posant un certain nombre de questions.

Ces questions sont examinées de fond en comble dans le deuxième chapitre portant sur « L'entre deux : les pièges culturels et identitaires ». Ne parvenant pas à saisir les codes de la nouvelle société dans laquelle il se trouve, l'immigré devient un être en quête perpétuelle de repères. Il porte en lui une marque - celle de son lieu d'origine - qui n'est pas toujours compatible avec les habitudes de son pays d'accueil. Il est une fois de plus marginalisé, déchiré, et ne peut être mieux défini qu'au regard de ce que nous avons nommé "les identités éclairs" ; expression qui explique les postures qu'adopte l'immigré en fonction des situations. Afin que l'immigré puisse échapper à ces pièges qui, eux aussi, constituent une entrave à son intégration, il a été établi qu'il devrait se considérer tel un homme sans culture, intériorisant à chaque fois celle du lieu où il se trouve, faisant fi des cultures qui l'habitent. Difficile pour l'immigré d'adopter cette posture, son séjour n'est pas gai, et la volonté de renouer avec ses racines s'accroît.

Dans la deuxième partie intitulée « Retours et perspectives : construction, contraintes, enjeux et vision », nous avons interrogé le retour proprement dit, notamment les mécanismes de sa mise en oeuvre et l'orientation que les auteures du corpus suggèrent au phénomène de l'immigration. Le premier chapitre, « Les processus de construction du retour : volontés,

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contraintes et enjeux », s'attarde sur les retours des personnages vers la terre natale. Nous avons remarqué que bien que cette volonté anime les immigrés à un moment donné, celle-ci se heurte à des difficultés dans son exécution. Cependant, les personnages mis en scène dans le corpus parviennent à braver ces difficultés et à rentrer chez eux, fiers et ambitieux, convaincus de ce qu'un jour il fera jour dans leurs pays ; fiers d'avoir été libérés des servitudes auxquels l'ailleurs les a soumis durant leur séjour. Afin que cela ne se reproduise plus, Miano et Mbue questionnent l'immigration et lui donnent une nouvelle orientation.

Cette nouvelle orientation, nous l'avons explorée dans le deuxième chapitre, « Intention narrative et projet argumentatif : plaidoyer contre l'immigration clandestine ». Nous avons mis en lumière le projet argumentatif qui sous-tend les romans du corpus. Mbue et Miano dénoncent, conscientisent et mettent en garde contre des pratiques relatives à l'immigration, dans sa dimension clandestine surtout. En effet, selon elles, l'immigration devrait être non pas une quête du bonheur, une poursuite effrénée du gain, mais quelque chose de bien plus important. Elles voient en l'immigration un moyen de consolidation des liens familiaux et amicaux, une ouverture d'esprit, un moyen d'expression et de revendication d'une citoyenneté universelle ; et les retours, qui se veulent un impératif, sont le seul moyen de renouer avec le terroir et d'apporter sa contribution à la construction de son pays.

Au regard de tout ceci, nous notons que le retour au pays natal est effectivement un moyen de redéfinition du sujet immigré. À travers le retour, celui-ci a enfin le sentiment d'être une personne et d'être considéré à sa juste valeur. En somme, il a tout ce que l'ailleurs lui refuse ; il est un être affranchi de toutes les peines que cet ailleurs lui inflige. Tel que nous l'avons dit, partir ne constitue un problème en soi. Mais seulement, si on veut le faire, cela doit être dans la dignité. Il faut partir non pas dans l'intention de faire fortune, mais un simple tour au détour duquel l'immigré se forgera et reviendra grandi, prêt à participer au développement de son pays. Il importe désormais de nuancer le regard porté sur les migrations africaines dans ses deux dimensions, les départs et les retours. Car on voit déjà, et ce à travers les deux romans du corpus, l'entrée d'une forme particulière de retour dans la littérature de l'immigration : les retours volontaires, salutaires et heureux.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld