III- Le retour comme moyen d'accomplissement des
sujets
Si Miano et Mbue voient en l'immigration un moyen de
consolidation des liens et de redéfinition du bonheur d'une part et
l'expression d'une citoyenneté universelle, d'autre part, elles voient
dans le retour au pays natal, une sorte d'accomplissement des sujets qui
l'effectuent. En effet, nous avons vu que ces auteures n'incriminent pas
l'immigration de manière générale. C'est sa dimension
clandestine qui est mise en cause. Elles plaident donc pour une migration
vidée de sa dimension clandestine et invitent les sujets - qui au bout
d'un séjour loin de la terre de leurs ancêtres et qui s'est
révélé être plus ou moins un échec- à
retourner dans leurs pays natals. Ce retour représente pour eux un moyen
d'accomplissement tant cela leur permet non seulement de renouer avec le seul
vrai paradis, mais d'apporter leurs pierres à la construction de leurs
nations respectives.
III.1 Retrouver le seul vrai paradis
Le paradis n'est pas forcément ailleurs, disait
Aminata Sow Fall dans Douceurs du bercail. Plusieurs
personnages décrits dans les romans l'immigration n'arrivent pas
à intégrer cette réalité au bon moment. C'est
généralement après avoir vadrouillé en Occident
sans un résultat positif qu'ils s'interrogent sur le véritable
lieu où se trouve le bonheur. Seuls ceux qui
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décident de retourner à leurs terre
natales réalisent heureusement que le paradis, le seul vrai, c'est chez
eux.
III.1.1 Une symbiose profonde
Le pays d'origine, relativement à l'ailleurs,
est le seul lieu qui ne criera jamais à l'homme son rejet. Être
chez soi, c'est être bien dans sa peau et dans son âme en
dépit du manque que l'on peut enregistrer du point de vue
matériel. Ce qui est à l'origine du départ massif des
personnes de leurs terres natales c'est la misère matérielle,
entre autres. Certes, les pays du Nord sont relativement mieux que ceux du Sud,
sur plusieurs plans. Cependant, il faut souligner qu'un bonheur calqué
sur les biens matériels est éphémère. Nous avons vu
des personnages riches mais pourtant très malheureux, le couple Edwards
en l'occurrence. Le pays natal est l'endroit propice pour avoir la paix
intérieure. Il n'y a rien de plus agréable que de se sentir chez
soi. C'est cette paix intérieure, ce sentiment d'épanouissement
profond et total qui manque le plus aux personnages en situation
d'immigration.
Le seul moyen de retrouver cette sensation de
plénitude, de joie profonde et de paix avec soi-même est de
retrouver le chez soi. Thamar l'a compris :
À son retour sur la terre de ses pères
[elle] avait compris combien la crainte du rejet avait été une
sottise. Au Mboasu, elle était à la maison. Elle était une
personne. Ce n'était pas seulement le pays premier, c'était le
pays. Son nom, même s'il n'était pas glorieux, y signifiait
quelque chose, avait sa place, après une liste d'autres, avant ceux
qu'il précédait dans une lignée qui ne s'éteindrait
pas de sitôt (CAC : 171).
On peut voir, à travers ce passage comment
Thamar regrette en quelque sorte d'être partie de ce lieu. Elle retrouve
une fierté et une dignité longtemps bafouées pendant son
dur séjour en Hexagone. Thamar se sent elle-même, se voit enfin
comme une personne, de même que Jende qui pense « qu'un homme a
parfois besoin de retrouver sa maison » (VVR : 440) car, quoi
qu'on en dise, on ne saurait renier définitivement ce qu'on a
reçu de façon naturelle. L'homme nait dans un pays qui le berce,
le voit grandir et le forge. Qu'importe qu'il s'en aille pour un séjour
ou pour toujours, il y a toujours un moment où ce pays l'appelle. Il y a
une attraction naturelle qui s'installe et refuser de retourner l'empêche
d'être lui-même car le pays natal est un élément
constitutif de son être. Et quand on est avec lui et que l'on a
conscience de ce qu'il représente, alors on n'éprouve plus aucune
envie de le laisser. D'ailleurs « Thamar n'avait plus aucune envie de
retourner au Nord » (CAC : 176)
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