II.2.3 S'ouvrir pour mieux apprendre
La vie en autarcie a ceci de particulier qu'elle
renforce les préjugés sur l'autre et empêche les hommes
d'apprendre par l'expérience, en allant vers l'autre, afin de
défaire les noeuds de l'ignorance, ou de consolider les acquis en
apprenant davantage. Miano et Mbue l'ont compris, raison pour laquelle elles
récusent le principe d'une vie en autarcie. Aller au contact de l'autre
nourrit l'âme. Elles mettent en scène des personnages qui, au
contact de l'autre, ont pu se défaire des préjugés qu'ils
entretenaient à leur égard.
Neni fait partie de cette catégorie. L'image
qu'elle avait des femmes blanches était le fruit des films et
séries télévisés. Une image déformée.
Or au contact de ces femmes, elle réalise que la réalité
est toute autre. L'amour que les copines de Cindy Edwards manifestent à
son égard l'amène à se poser des questions, « elle
qui ne s'était attendue qu'à l'indifférence de la part de
ces femmes, qui se baladaient avec d'authentiques sacs Gucci et Versace et ne
parlaient que de spas, de vacances et de sorties à l'Opéra »
(VVR : 171). Neni réalise que les préjugés ne
cadrent pas avec la réalité. Ce qui est vrai, c'est qu'elle
n'aurait jamais su que cette race de femme était aussi très
aimable, si elle ne l'avait pas fréquentée, si elle n'avait pas
voyagé pour l'Amérique. C'est donc une richesse pour elle, qui a
pu se faire sa propre idée,
112
loin de tous ces mensonges transmis la
télévision à Limbé. Mbue nous montre à
travers Neni, combien il est important de s'ouvrir, d'aller au contact de
l'autre. Miano nous met en garde contre l'enfermement, et nous montre comment
il peut être destructeur et source de conflits.
Antoine est l'un de ces personnages ayant
refusé de s'ouvrir à l'autre. Il manifestait une
indifférence criarde à l'endroit de Mboasu et de ses habitants.
Il n'a jamais voulu connaître ce pays, sa culture, sa langue, bref, il
n'a jamais rien voulu de ce Mboasu et de ses habitants. Mais il semble le
regretter plus tard. Le voyage vers le Mboasu après la mort de Thamar et
après que Maxime est tombé malade, traduit un besoin de renouer
avec un passé qui constitue une part de son être. Sa visite dans
la maison du pasteur Masoma, « la photographie accrochée au mur,
» (CAC : 273) son souvenir de sa première
visite avec Jérémie « Nous étions ensemble ce fameux
jour » (CAC : 274), tout cela montre à
quel point Antoine est nostalgique. D'ailleurs, le narrateur nous rapporte
qu'Antoine « était décidé à connaître
ses racines flétries, l'histoire qui l'avait produit, même si elle
n'était pas réjouissante a bien des égards »
(CAC : 279). Antoine veut enfin connaître le
Mboasu. Or s'il s'était montré un peu plus ouvert dès le
départ, s'il avait voulu apprendre de ce lieu, il y a longtemps qu'il
aurait retrouvé cette paix de l'âme, qu'il semble chercher
aujourd'hui. Il est donc nécessaire de s'ouvrir à
l'autre.
|