II.2.2 Accepter la différence sans jugement.
Reconnaître que le monde représente
plusieurs unicités dans un ensemble présuppose qu'on prenne en
compte les différences. En effet, s'il importe de connaitre l'autre, de
s'ouvrir à lui, de le comprendre, afin de se sentir partout chez-soi, il
est surtout nécessaire d'éviter de juger ses habitudes et ses
agissements, car le faire sur la base de notre propre culture, c'est tenter
implicitement de comparer les cultures, de les classer, de les
hiérarchiser. Miano et Mbue prônent à travers les oeuvres
du corpus, une citoyenneté universelle, qui suppose que les hommes
doivent se passer de leurs préjugés, accepter leurs
différences et regarder tous ensemble dans la même direction. Ce
n'est pas aux hommes de dire si la culture des autres est « bonne »
ou « mauvaise ». Mais c'est à eux qu'il revient le devoir
d'accepter l'autre en dépit de ses différences ; d'apprendre de
lui. Cela ne veut pas absolument dire que les uns doivent copier chez les
autres ce qu'ils ont de différent. Si cette différence leur
semble bonne, ils sont libres de l'épouser. Mais si tel n'est pas le
cas, ils n'ont pas le droit de la condamner, ils doivent plutôt chercher
à la comprendre. La conversation de Fatou Neni et son professeur
illustre à suffisance cette acceptation de la différence
:
- Je parie que vous ne connaissez pas beaucoup
d'hommes qui ont des petits copains -dit le professeur
- Fatou secoua la tête, Neni ne pouvait plus
fermer la bouche. `'Je ne connaissais pas d'hommes gay dans mon pays,
répondit Fatou, mais il y'en avait un dans mon village-là qui
marchait comme une femme [...] mais il avait une épouse et des enfants,
alors personne ne disait « gay ». Nous n'avons même pas de mot
pour gay. Donc je suis ravie de faire votre connaissance. (VVR :
91)
Ce passage met en évidence, l'acceptation de la
différence. Fatou vient d'une culture, où le mot « gay
» n'a pas de signification, où il n'existe pas tout simplement.
Mais ce qu'il faut aussi rappeler c'est que dans cette culture de Fatou, les
hommes soupçonnés d'entretenir des relations avec d'autres hommes
ne sont pas bien vus par la société. Au-delà de la loi qui
interdit formellement cette forme d'union, celle-ci est vue telle une
malédiction, un sacrilège. Partant de ces considérations,
on se serait attendu à ce que Fatou tremblât en apprenant cette
nouvelle et s'énerve contre le professeur. Or telle n'a pas
été sa réaction. Elle se dit ravie de faire sa
connaissance et lui propose même ses enfants, au cas où il
voudrait en adopter.
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Difficile dans la culture de Fatou de retrouver des
personnes prêtes à laisser leurs enfants fréquenter des
personnes soupçonnées d'être gay. Pourtant, Fatou le fait.
Il ne faut pas voir en l'attitude de Fatou une quête
d'intérêt, une volonté de placer ses enfants à la
charge d'un autre, fut-il homosexuel, pour s'en débarrasser. Non, il ne
s'agit pas de cela. Fatou incarne ici, le symbole de l'acceptation de la
différence. Le symbole du non-jugement. Mbue utilise Fatou pour appeler,
les hommes à moins de rigueur et à plus de
tolérance.
Antoine est un exemple à part, contrairement
à Fatou qui incarne le pardon et l'acceptation de l'autre, Antoine, lui,
se situe à mi-chemin entre le pardon et le rejet, une sorte
d'indifférence. Bien qu'il n'aimait pas le Mboasu, Antoine ne jugeait
pas les attitudes des autres enfants qui s'y trouvaient. Il n'épousait
certes pas leurs moeurs mais ne les condamnait pas non plus. À travers
Antoine, on comprend qu'à défaut d'accepter les
différences, l'autre dans sa singularité, il vaut mieux rester
indifférent. Toutefois, le modèle de Fatou est celui auquel nous
souscrivons.
Les hommes doivent comprendre que ce qui n'est pas
commode dans leurs moeurs, n'est pas forcément un sacrilège du
moment où on y souscrit. Il faut savoir s'accepter mutuellement et se
passer de certaines conventions qui participent à la création des
cloisons entre les hommes.
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