II.1.2 Combattre le sentiment
d'étrangéité
Miano et Mbue pensent que pour pouvoir se sentir chez
soi partout, il faut combattre le sentiment d'étrangéité
qui naît parfois de ce que l'on se retrouve dans un pays qui n'est pas le
sien et d'où on a l'impression d'être rejeté. Ce sentiment
d'étrangéité tel que nous l'avons décrit
précédemment, se traduit souvent de deux manières : du
côté du personnage immigré et du côté de sa
société d'accueil. Du côté du personnage, il se
développe lorsque celui-ci ne veut pas s'adapter à son pays
d'accueil et préfère vivre enfermé. Il se veut donc
étranger à son nouveau milieu. Mais il peut bien arriver que
l'immigré veuille faire corps avec sa société d'accueil,
laquelle lui oppose une fin de non-recevoir. Dans l'un comme dans l'autre cas,
se sentir étranger empêche l'immigré de vivre sa
citoyenneté universelle. On ne peut pas se sentir chez soi quand on est
victime de rejet et de mépris, ou alors quand on rejette et
méprise un lieu où l'on est pourtant appelé à vivre
un moment. Jende et Antoine en sont des illustrations. Leurs attitudes face au
pays d'accueil s'excluent mutuellement.
Antoine n'a jamais aimé le Mboasu et ne s'est
jamais disposé à l'aimer. Lors de ses différents passages
dans ce pays pendant ses années d'enfance, il nourrissait du rejet et du
mépris à son endroit :
Le garçonnet avait décidé que ce
Mboasu ne serait jamais son pays. Il ne ferait pas le moindre effort pour
composer avec ce nouveau monde, compterait les jours jusqu'à son
départ pour l'Hexagone [...] ces gens eux-mêmes ne le
reconnaissaient pas comme un des leurs. Ils l'épiaient à la
dérobée, l'appelait Muna Mukala, le petit blanc. C'était
parfait. Ils admettaient en le baptisant de la sorte, qu'il n'appartenait pas
à leur monde ». (CAC : 80)
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Antoine est victime de rejet et rejette lui-même
les autres. Cela fait en sorte qu'il se sent étranger au quotidien. Ce
sentiment d'étrangéité est un handicap à la
citoyenneté universelle telle que voulue par les auteures. Jende
à l'inverse fait tout pour aimer l'Amérique. Il veut s'adapter
à ses contours. Il est vrai que les conditions de son départ sont
différentes de celles d'Antoine, mais sa posture rejoint les souhaits
des auteures. Il ne voue aucune forme de rejet à l'Amérique, il
aime et affectionne ce pays dans lequel il se sent chez lui, comme en
témoigne cette conversation son patron :
Je ne m'inquiéterais pas une minute pour Vince
si j'étais vous, monsieur. Même s'il reste là-bas, il sera
heureux. Regardez-moi monsieur, je vis dans un autre pays que le mien, et je
suis heureux [...] un homme peut trouver sa maison partout, monsieur
(VVR : 167).
Sans toutefois rentrer dans le débat sur les
conditions et les modalités de la présence de Jende en
Amérique, notons que l'état d'esprit qui l'anime est le bon. Un
homme, en réalité, doit pouvoir et même devoir trouver sa
maison partout. Les notions de territoire, pays et continents ne doivent
être que des indicateurs géographiques. Un homme doit se sentir
heureux partout.
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