I.2.3 la famille une entité suprême
Les auteures du corpus plaident pour une
reconnaissance de la place de la famille dans les actes entrepris. En effet,
plusieurs immigrés, lors de leur projet de voyage jusqu'au
départ, ne pensent qu'à eux-mêmes, à leur propre
vie. Ils entendent réussir, devenir riches et être heureux. Ainsi,
ils passent à côté de beaucoup de choses qui leur
paraissent insignifiantes mais qui, parfois, se révèlent un lourd
fardeau qu'ils risquent de transporter durant toute leur vie : il s'agit de la
place accordée à la famille dans leurs priorités.
Épris d'un désir orgueilleux et vaniteux de la réussite,
ils abandonnent généralement leurs parents, frères,
enfants et amis pour tenter l'aventure. Deux cas l'illustrent : Thamar et
Jende.
Ces deux personnages ont dû abandonner leurs
"gens" pour fuir la dure réalité du pays et s'envoler vers la
terre promise, et tous les deux finissent par réalisent qu'ils se sont
trompés. Thamar pour chercher la réussite a dû mettre sa
mère et ses enfants de côté. Ceux-ci, comparés
à ce à quoi elle aspirait n'avait pas d'importance à ses
yeux. Mais, ce rejet a nourri un sentiment de vengeance et de mépris
chez Antoine vis-à-vis d'elle, elle réalise son tort. Elle
culpabilise de n'avoir point reçu l'amour de son fils Antoine qui est le
seul à ne lui avoir pas pardonné ses erreurs et ce qu'elle
continue de regretter éperdument. Sa conversation avec
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Maxime au sujet du pardon d'Antoine à son
égard témoigne cette douleur profonde qui l'habite. Maxime semble
étonné du comportement du fils de Thamar car, d'après lui,
c'est Antoine qui devrait demander des excuses, ce à quoi elle
répond :
N'élève pas la voix, fils. À toi
aussi, je dois demander pardon, je le sais. Je ne mérite même pas
de me tenir ici à tes cotés. Il tenta de comprendre: mais que
crois-tu lui apporter? Elle répondit que même si c'était
absurde, elle donnait à Antoine une raison de vivre. Il lui importait
énormément de faire quelque chose pour lui, elle ne saurait quoi
d'autre lui offrir (CAC : 138)
Thamar réalise en quoi la famille est plus
importante que tout et mérite de faire partie des priorités.
Jende, lui aussi, a abandonné son père et s'en est allé.
Il est vrai que son cas peut être interprété autrement car
ce qui le motivait était le souci de sortir de la misère et de
rendre sa famille heureuse. La preuve, sa prompte réaction lorsqu'on lui
annonça depuis Limbé que son père est malade. Par la
suite, il n'a cessé de s'en vouloir après son
décès. Il est inconsolable non seulement pour sa mort, mais
davantage parce qu'elle est survenue quand il était très loin de
lui. Il va sans dire que Jende regrette quelque peu d'avoir opté pour le
départ. D'ailleurs, la disparition de son père constitue l'un des
facteurs qui accélère la mise en exécution du projet du
retour qui l'animait déjà. À travers les exemples de Jende
et Thamar, ces auteurs invitent à une reconsidération de la
famille. En somme, si les projets d'immigration ne doivent pas être
rattachés à la recherche du bonheur, si ce bonheur-là doit
être redéfini. Il reste que les auteures du corpus voient
également en le monde entier un village planétaire
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