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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.2 La redéfinition du bonheur

Dans l'imaginaire de plusieurs personnages mis en scène dans les romans de l'immigration, le bonheur se mesure à la quantité de biens matériels que l'on possède. Aussi le pays natal étant parfois incapable de les satisfaire sur le plan matériel, le prennent-ils pour le lieu de tous les malheurs, par opposition aux pays occidentaux dont ils n'ont qu'une infime connaissance par le biais de la télévision, de leurs frères et amis partis et qui se plaisent à entretenir ce mythe bien qu'ayant parfois échoué. Ces pays représentent le bonheur à leurs yeux. Les auteures du corpus de notre étude proposent une lecture croisée qui permet de redéfinir la conception du bonheur. En effet, Mbue met en scène des personnages aisés sur le plan matériel mais qui ne sont pas heureux, tandis que Miano Nous fait voir des personnages modestes financièrement parlant, mais très heureux.

I.2.1 Le douloureux contraste

Jende et Neni sont arrivés en Amérique dans le but de connaitre le bonheur. Jende décroche un boulot de chauffeur auprès d'un grand patron chez Lehmann brothers, Clark Edwards. Pour lui, son patron (qui a beaucoup d'argent) est un homme heureux, un homme comblé. Les qualificatifs mélioratifs qu'il associe à son patron au quotidien le démontrent à suffisance « homme bien », « homme comblé ». Mais il réalise au fil du temps qu'au-delà de cette apparence heureuse, malgré le luxe insolent dans lequel baigne Edwards, ce dernier souffre dans sa chair. C'est un homme qui n'a pas la paix intérieure. Tant au boulot qu'à la maison, il a des ennuis. Il est préoccupé par la situation de son fils qui s'en allé du foyer familial, tel que le démontre cette conversation tendue qu'il a au téléphone un de ces jours : « non absolument pas [...] pourquoi ? Quand est-ce qu'il t'a dit ça ?... Tant pis ... Je vais l'appeler tout de suite ... Non, je ne suis pas furieux [...] » (VVR : 56).

De son côté, son épouse a son lot de soucis. Elle qui est habituée à être vue dans les grands magasins, dans de belles voitures, parée de bijoux et de vêtements de grands couturiers, sert un spectacle désolant à Neni après qu'elle a pris quelques verres de trop dans le but de fuir la réalité misérable de sa vie :

La femme toujours élégante et apprêtée qu'était madame Cindy gisait sur le matelas, la tête contre le dossier du lit, des mèches de cheveux collées à son visage en sueur, les bras inertes, un filet de bave sur le menton, la bouche à moitié ouverte» (VVR : 133).

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Neni réalise, face à ce spectacle, que les apparences sont extrêmement trompeuses. Cindy qui paraissait imperturbable, heureuse se révèle être une personne à qui la joie refuse de sourire. Neni réalise que les biens matériels ne suffisent pas à rendre heureux car malgré « tout cet argent [...] Elle meurt dans son lit » (VVR : 320). La situation du couple Edwards est une véritable invite à la reconsidération du bonheur. Celui-ci n'est pas dans le matériel tel que le pensent plusieurs immigrés. Certains personnages de Ces âmes chagrines l'ont compris et vivent heureux. Le bonheur, c'est davantage qu'amasser beaucoup d'argent. Valentine par exemple, « était heureuse de lui annoncer [à Antoine] qu'ils allaient se marier, Staff et elle. Ensuite [...] ils s'installeraient sur le continent » (CAC 104). On a des exemples qui peuvent être pris pour contre exemples eu égard à la représentation commune. Nous avons d'une part, un couple riche sur le plan matériel, mais qui n'est pas heureux. D'autre part, un couple modeste mais qui n'a pourtant rien à envier aux autres. Il serait nécessaire, voire impératif pour les immigrés de repenser l'ailleurs, de redéfinir leur vision du bonheur. Il y a des choses beaucoup plus importantes, s'occuper de sa famille par exemple. Et si l'immigration doit être un moyen de rapprochement des familles, celle-là, les auteures du corpus ne s'y opposent pas car la famille participe à l'atteinte du bonheur.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand