I.1.2 Un voyage de découverte et d'apprentissage
Voyager devrait relever non pas d'une quête du
bonheur mais d'un désir de découvrir et d'apprendre. Telle est la
vision qui se dégage des oeuvres du corpus. Ce qui amène
un
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individu à partir de sa maison doit s'inscrire
dans l'ordre des besoins élémentaires : apprendre,
découvrir. Les personnages qui s'inscrivent dans cette logique n'ont pas
beaucoup de soucis dans leur vie. Vince s'efforce d'expliquer à Jende
« tous les mensonges sur l'Amérique qu'on [lui a] mis dans la
tête » (VVR : 118). Il veut lui faire
comprendre qu'il est absurde pour un homme de débarquer en
Amérique avec l'idée de faire fortune, se disant que
l'Amérique est le pays de tous les bonheurs. Mais Jende semble
incrédule et lui rappelle qu'« aucun homme ne peut lui faire penser
que l'Amérique n'est le meilleur pays du monde »
(Ibid.).
À travers cet échange entre eux, Vince
essaye de faire comprendre à Jende qu'il ne faut pas construire son
projet de voyage sur un désir de faire fortune car l'Amérique [et
tous les pays de rêve] ne distribue pas de l'argent aux gens. Il serait
hasardeux de croire que le simple fait d'y mettre les pieds changerait votre
vie. Ce qui fait problème, pense Vince, c'est que
Les gens refusent d'ouvrir les yeux et de voir la
vérité parce qu'ils préfèrent rester dans
l'illusion. Du moment qu'on les abreuve de mensonges qu'ils veulent entendre,
ils sont contents. La vérité ne les importe pas»
(ibid.).
L'intéressant avec Vince est qu'il prêche
par l'exemple. En dépit de la richesse de ses parents, de l'influence de
son père, de sa condition d'enfant bien né, de sa « supra
» nationalité américaine, il décide d'aller en Inde.
Jende, bien évidemment est surpris par sa décision qu'il juge
insensée. Les deux n'ont pas la même vision de l'immigration.
Vince et Jende sont des modèles opposés. Le premier
considère l'immigration tel un simple voyage de découverte et
d'apprentissage contrairement au second qui y associe un peu de
découverte, mais davantage le sentiment de fuir la misère
matérielle. Le voyage de Vince pour l'Inde est une réponse
à tous les rêveurs. En effet, de voir quelqu'un abandonner le pays
qui les fait rêver les emmènera à s'interroger. L'Inde est
relativement « insignifiant » par rapport à l'Amérique.
Or c'est là qu'il choisit d'aller. À travers ce voyage, Mbue
donne une nouvelle dimension du phénomène de l'immigration. Les
gens doivent apprendre qu'on ne choisit pas d'émigrer dans le seul but
de devenir riche, mais pour bien d'autres raisons, découvrir ou
apprendre par exemple.
Apprendre est justement l'une des raisons pour
lesquelles Maxime a émigré en Hexagone. Il y est allé dans
l'intention de poursuivre ses études, donc d'acquérir de nouveaux
savoirs. Ce n'est pas le désir de s'enrichir qui a primé dans son
projet de voyage car, en réalité, s'installer pour longtemps en
Hexagone n'a jamais été ni le rêve ni le désir
de
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Maxime. Il y est venu pour un but précis et
compte bien retourner une fois que celui-ci est atteint. Telle est l'une des
conceptions de l'immigration selon les auteures du corpus. Cesser de voir en
l'ailleurs un lieu qui transformera nos souffrances matérielles, mais
plutôt un lieu de tourisme et d'apprentissage. De cette manière,
les immigrés pourront taire les préjugés nourris par les
Occidentaux et se sentir enfin des hommes.
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