CHAPITRE 4 :
INTENTION NARRATIVE ET PROJET ARGUMENTATIF
: PLAIDOYER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
Au-delà de la simple mise en scène, de
la description des personnages dans leur milieu de vie parfois précaire,
des obstacles auxquels ces personnages font face et des décisions qu'ils
prennent, une dimension argumentative sous-tend les oeuvres du corpus. Dans
chaque situation décrite, chaque acte posé par un personnage, on
peut lire une volonté réelle de Miano et de Mbue de
dénoncer, de conscientiser et de mettre en garde. De manière
générale, on perçoit à travers leurs romans une
volonté réelle de freiner l'immigration clandestine, à
défaut de la stopper définitivement. L'immigration telle que
voulue et perçue par ces auteures est un phénomène qui
devrait se poser en s'opposant à la dimension clandestine qui fait des
immigrés des perpétuels esclaves condamnés à
l'errance, à la mendicité et à l'esclavage quelques fois.
On note également une volonté d'éveiller les consciences,
d'emmener les Subsahariens à reconsidérer leur vision de
l'ailleurs. S'il est vrai que bon nombre de personnages qui s'y lancent le font
pour améliorer leurs conditions de vie, ces auteures nous montrent,
à travers certains personnages, que l'accès aux biens
matériels n'est pas une fin en soi, car on peut être aisé
sur un plan matériel et souffrir dans sa chair. Dénoncer,
conscientiser et dissuader sont entre autres des visées argumentatives
qui sous-tendent les oeuvres de notre corpus.
I- L'immigration comme moyen de consolidation des liens et
redéfinition du bonheur
Habituellement, certains projets d'immigration se
forgent sur un fait : la quête du bonheur. Les personnages qui
entreprennent de partir de leur lieu d'origine pour des contrées
lointaines le font parce que ces deux espaces sont généralement
mis en opposition. Ces deux univers entrent en conflit. Le premier est
associé au malheur et le second au bien-être. Pour de nombreux
immigrés, aller dans les pays occidentaux est un gage de réussite
car ils y feront fortune, élément fondamental pour être
heureux, estiment-ils. Or Mbue et Miano s'inscrivent en faux, à travers
ces deux romans, contre cette perception. Pour elles, l'immigration devrait
s'entendre non pas comme un désir de faire fortune mais un moyen de
rapprochement des peuples et des familles. Et quand bien même certains
immigrés croiraient que faire fortune serait synonyme de bonheur, elles
déconstruisent cette croyance en mettant en scène des
personnages, riches mais malheureux. Mais avant d'y arriver, il serait
intéressant de montrer que ces auteures n'en veulent pas totalement aux
personnes qui optent pour le départ car il n'est parfois que le
résultat d'une mauvaise politique gouvernementale.
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