WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III.2. Du point de vue psychologique

Les contraintes et les enjeux liés au retour des immigrés ne s'inscrivent pas uniquement dans une dynamique socio-économique. On note également une dimension psychologique importante. Les enjeux à ce niveau s'inscrivent à la fois dans une logique individuelle et collective. Individuelle dans la mesure où c'est ce qu'ils ont à perdre ou à gagner qui est mis sur la balance ; et collectif parce que leur action tient aussi compte, le plus souvent, de leurs proches restés au pays.

III.2.1 Fuir une nouvelle expérience traumatisante

Nombreux sont ces immigrés qui, à l'idée de devoir rentrer chez eux, craignent d'y vivre une expérience plus douloureuse que celle vécue en terre d'accueil. Jende et son épouse en sont des exemples. Bien que ceux-ci envisagent de retourner dans leur pays, ils vivent avec la peur au quotidien, une peur qui leur fait avoir des songes étranges pendant la nuit. Une nuit, « Jende rêva des coups à la porte et d'hommes étranges en uniforme l'arrachant à sa femme qui s'évanouissait et à ses enfants en pleurs » (VVR : 251) ; tandis que Neni, pour sa part, rêva qu'elle retournait dans « un Limbé étrangement vide, une ville dépourvue de jeunes et d'ambitieux » (Ibid.) , ne comptant plus que les « trop vieux, les trop jeunes et les trop faibles pour fuir jusqu'aux lointaines terres des riches, ces terres qui n'existaient plus à Limbé » (Ibid.). Ces cauchemars du couple Jende sont l'expression de leurs craintes. Jende rêve d'une expulsion de la part de la police de l'immigration « hommes étranges en uniforme ». Sauf qu'il ne s'agit pas d'une simple expulsion. Celle-ci est synonyme d'un nouveau départ. S'il se voit en train d'être arraché à sa femme et ses enfants, cela signifie qu'il redevient le célibataire qu'il fut à Limbé avant la rencontre de Neni. Or l'expérience qu'il a connue à Limbé, il ne veut plus la revivre.

Neni, bien que contrainte au retour par son époux, ne partage pas cette idée. Elle appréhende cet acte tel un désastre, une catastrophe capable de décimer son être tout entier. Le Limbé pour lequel elle n'avait plus d'yeux et en lequel elle a cessé de croire, elle ne veut plus le revoir. C'est la raison pour laquelle Limbé dans son rêve se mue en un lieu désert, un

93

enfer sur terre, un cimetière de rêves et d'ambitions. Tous deux redoutent ce Limbé qui représente parfois, pour eux, la misère.

Moustapha, lui aussi, a eu peur à un moment donné, de regagner le bercail. Lui qui en est parti en héros, craint de devoir le retrouver tel un moins que rien ; l'Hexagone devient pour lui un refuge. Il ne veut plus entendre parler de son pays :

Cela faisait longtemps que sa famille n'avait plus de ses nouvelles, depuis qu'il avait raté sa licence en économie, rasant les murs d'un eldorado que les circonstances avaient transformées en tombe. Il avait été l'aîné de la fratrie, le seul fils. L'obligation lui était faite de réussir pour prendre soin des autres. C'était cela la solidarité subsaharienne, telle qu'on la lui avait enseignée : le poids de la réputation, de la prospérité d'une communauté entière, reposant sur les épaules d'un seul individu. (CAC : 106)

Moustapha est conscient que sa famille compte sur lui. Il sait qu'en tant qu'aîné, c'est à lui qu'il revient la charge de tirer les autres vers le haut. Or il n'a pas encore réussi, donc il n'en a pas les moyens. Dans ces conditions, rentrer sera perçu comme un échec sur le plan personnel, mais aussi une honte pour toute sa communauté. Il a préféré la clandestinité parce qu'il redoute ce pays où tout le monde l'attend en roi, pourtant il n'en est pas digne. Chez Moustapha, Neni et Jende, on note que la peur d'un retour vers la souffrance constitue une entrave aussi bien à l'éclosion du sentiment du retour qu'à sa mise sur pied effective.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault