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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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III. Contraintes et enjeux liés au retour

Rendu à l'évidence que le pays rêvé n'était pas la terre promise tel qu'envisagé au départ, certains immigrés envisagent de faire marche-arrière. Seulement, ce choix n'intervient pas de façon spontanée. Une étude de Didier Bariani43 citée par Cathy Thioye rapporte que

Le choix du retour est et doit rester un acte volontaire car il ne faut pas oublier que toute immigration est souvent une épreuve, celle de l'exil, toujours plus ou moins involontaire. Et cela d'autant plus qu'un certain nombre de migrants ne souhaitent pas, en arrivant en France, conférer un caractère permanent à leur présence ni d'abandonner leurs us et coutumes. Leur but n'était pas de s'y installer, mais d'y trouver du travail dans une économie d'abondance (Cathy Thioye, Op.cit., 54)

« Un acte volontaire », telle est justement la logique dans laquelle s'inscrivent les retours des personnages décrits dans ce corpus. Toutefois, si la volonté y est, celle-ci reste tout de même menacée. En effet, plusieurs facteurs participent à freiner la mise en exécution de cette volonté. Ces facteurs sont d'ordre socio-économique et psychologique ; cependant, ces immigrés évaluent les enjeux relatifs à ce retour, afin de se rassurer que leur décision est la meilleure.

III.1. Du point de vue socioéconomique

Les immigrés, bien que décidés à rentrer, font face à plusieurs facteurs qui rendent la mise en oeuvre de ce projet difficile. Cependant, ils estiment que ce choix est à la fois bénéfique pour eux et pour le pays natal.

III.1.1. La peur d'un nouveau départ

Devoir tout reconstruire, se retrouver dans les mêmes conditions que celles d'avant le départ, sont entre autres des éléments qui font peur aux immigrés lorsqu'ils envisagent de repartir chez eux. Ceux dont l'expérience n'a pas été une réussite du point de vue socio-économique désirent rentrer, bien que cette idée les emmène à réfléchir davantage. S'il est

43 Les immigrés, pour ou contre la France

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vrai que le lieu d'arrivée n'est pas une terre promise, celui de départ, lui aussi, n'offre plus aucune garantie, de possibilités. Il est synonyme de « manque [...], c'est-à-dire qu'à première vue, il devrait être traumatique » (Amabiamina, Op.cit., 205). La question que ces immigrés se posent est celle de savoir comment réussir dans ce pays qui est le leur quand il n'a rien à leur offrir ; car, faut-il peut-être le rappeler,

Au Mboasu, les habitants ne possédaient rien de signifiant, on pouvait penser que l'air lui-même serait bientôt rationné. Les richesses minières et forestières avaient été bradées aux pays du Nord. Les dividendes de ces opérations lucratives, confisqués par une élite gloutonne, dormaient sur des comptes numérotés, pendant que le petit peuple crevait la bouche ouverte (CAC : 170)

Dans un climat semblable à celui du Mboasu, il est évident que rien n'a la chance de prospérer. C'est à croire que les habitants de ce lieu sont condamnés à la misère pendant très longtemps encore. Une telle situation, bien évidemment, est beaucoup plus propice à la fuite de ses habitants vers des contrées où il y a encore d'espoirs et des choses à conquérir. Et pour les candidats au retour, il s'agit d'une réelle mise en garde. Il en est de même pour le pays d'origine de Jende. La peinture que le narrateur en fait est désolante :

Jende allait devoir rentrer chez lui. Il allait de voir rentre dans un pays où la possibilité d'une vie meilleure était l'apanage d'une poignée de gens bien nés, dans une ville que fuyaient quotidiennement les rêveurs comme lui. Jende et sa famille devait devoir rentre à New-town [...] La honte, Jende pouvait vivre avec, mais échouer en tant que père... (VVR : 72)

Dans les pays de Maxime et de Jende, la situation socio-économique est de nature à décourager quiconque songerait à s'y installer. Qu'ils veuillent y remettre les pieds au-delà de tout est un acte salutaire. Pour eux, cet endroit représente davantage qu'un simple lieu. Ils réalisent qu'il leur revient la tâche de construire le construire, de poser les jalons d'une société prospère où les possibilités de réussite ne seront non plus « l'apanage d'une poignée », mais à la portée de tous. L'enjeu du retour ici est le désir ardent de faire partie des acteurs d'une nouvelle génération, une génération dénuée de rêveurs et composées de personnes qui accomplissent, qui luttent afin que le jour puisse enfin se lever.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera