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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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II.1.2. Fuir les douloureux souvenirs...

La vie du personnage immigré est faite de souvenirs. Ceux-ci sont à la fois heureux et malheureux, et même parfois douloureux. La particularité de ces souvenirs qui fait partie intégrante de la vie de l'immigré est qu'il est observable sur un double plan. Le plus souvent, les immigrés passent en revue leur vie à partir du moment où ils sont sur le point de tourner la page, c'est-à-dire lorsqu'ils envisagent le retour. Mais parfois, ces souvenirs refont surface lorsqu'ils songent à une nouvelle expérience, après celle qui s'est soldée par le retour. C'est dire qu'il y a des évènements que l'immigré ne saurait oublier d'un coup. Et quand bien même il s'y essayerait, le souvenir s'impose à lui. Lise Mba Ekani l'analysant, pense que « contre l'oubli, le souvenir surgit comme une nécessité absolue » (Op.cit. ; 85). Autant dire que ces personnages ont besoin de ce souvenir qui est à la fois préventif et thérapeutique.

Selon Paul Ricoeur (2000), se souvenir c'est à la fois accueillir et recevoir une image du passé, et aussi la chercher, faire quelque chose. La notion du souvenir fait appel à plusieurs concepts notamment l'expérience, la mémoire et le temps. Notre corpus permet de porter une sorte de regards croisés sur le souvenir. Nous avons d'une part des personnages passant en revue leur expérience émigrative au moment où ils envisagent de tout abandonner -le souvenir ici est donc thérapeutique- et d'autre part, des personnages qui le font lorsqu'ils rêvent d'une nouvelle expérience : le souvenir ici revêt une valeur préventive. Dans l'un et

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l'autre cas, ce sont de souvenirs douloureux permettant aux personnages de se rendre compte de l'importance du pays natal. Jende fait partie de ces personnages auxquels le souvenir permet d'envisager et de mieux planifier le retour. Sa vie en Amérique ne fut pas un long fleuve tranquille. Elle a été parsemée d'embûches et cela a eu des répercussions autant sur son physique que sur son âme. Lorsque sa femme, non satisfaite de la décision de son époux de rentrer, continue de le questionner sur ses motivations, il lui répond :

Ce n'est pas seulement à cause de mon dos [...], ce n'est pas seulement à cause de mon père. C'est à cause de tout ce qui s'est passé. Du boulot que j'ai perdu. De mon problème de papiers. Et bosser, bosser, bosser tout le temps maintenant. Pourquoi ? Pour si peu d'argent ? Jusqu'à quel point un homme peut supporter de souffrir dans ce monde, eh ? Combien de temps encore [...] (VVR : 292)

Révolte, chagrin, peine et désespoir sont entre autres des sentiments et émotions qui se dégagent de ces propos. Face à la dureté de la vie, Jende ressasse tout ce qui l'a conduit là. Évidemment, il s'agit d'un souvenir douloureux, mais thérapeutique, dans la mesure où il lui permet d'aller de l'avant. En l'état actuel, cette décision est bénéfique et beaucoup mieux, comparativement à ce qu'il vit en Amérique.

Contrairement à Jende, Antoine se sert du passé pour mieux planifier le futur. Cela veut dire que chez Antoine, ce n'est pas tant le souvenir de ses expériences qui participe à la construction de sa volonté de retrouver sa terre natale. Il rentre certes par amour pour l'Hexagone et par dégoût du Mboasu ; mais les faits vécus dans cette terre d'accueil lui servent de guide et de conseiller quant à une nouvelle expérience. Passons en revue quelques brèves images qu'Antoine garde de sa terre d'accueil : « ils avaient roulés, serrés les uns contre les autres, sueur contre sueur, huile contre huile, haleines et souffles mêlés » ; « les habitations ne tenaient pas debout, ce n'était même pas des maisons, seulement du métal tordu, des bouts d bois » ; « dans la maison, d'énormes cafards aux ails noires volaient, se posaient sur son [son] épaule, se jetaient dans les plats venants d'être servis à table» (CAC : 79-80).

On constate à travers ces extraits que le passage d'Antoine au Mboasu, de même que celui de Jende en Amérique, n'a pas été une partie de plaisir. C'est ce qui explique qu'Antoine, après son départ, décide que ce Mboasu ne sera jamais son pays . La preuve : lorsqu'il revient plus tard, il n'hésite pas à retourner en Hexagone le plus tôt possible, car il se rappelle tout ce qu'il a enduré en ces terres. Ce souvenir a cette fois-ci une valeur préventive, mettant Antoine sur ses gardes au cas où il envisagerait de séjourner encore quelques temps dans ce pays ; d'ailleurs, il décline l'offre de Maxime qui lui invite à y rester quelques temps.

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Le souvenir a donc partie liée avec la décision des immigrés de retrouver leurs terres natales. De Jende à Antoine, on constate que le souvenir de l'immigré est un élément capable de renforcer ses liens avec son pays d'origine.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe