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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.2.2. Du point de vue personnel

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Les personnages mis en scène dans notre corpus voient également en l'idée du retour une volonté de s'affranchir sur un plan purement personnel. Étant donné que leur quotidien est parsemé de déboires quelques fois, on remarque que certains sont plus aptes à les supporter. Ils préfèrent tout tenter dans l'optique de rester en Occident, tandis que d'autres s'engagent plutôt à retourner. On peut lire dans l'attitude de cette deuxième catégorie une volonté de se libérer des servitudes du pays d'accueil afin de se sentir eux-mêmes. Le retour devient à cet instant un moyen d'affranchissement du point de vue personnel. Jende fait partie de ces immigrés qui n'acceptent pas l'humiliation, refusant de se taire pour souffrir, et agissent :

À ses yeux, passer une nouvelle année ainsi aurait été une malédiction. Ne pas vouloir admettre que le temps était venu de rentrer chez lui aurait été une malédiction. Ne pas se rendre compte qu'il serait heureux de dormir dans une chambre séparée de celle de ses enfants, d'aller rendre visite à sa mère quand bon lui semblerait, de retrouver ses amis dans un boucarou de Down-Beach pour aller prendre un poisson grillé ou une bière face à l'océan, de rouler dans sa propre voiture o de transpirer en plein mois de janvier aurait été une malédiction (VVR : 397)

Cet extrait met en lumière la somme des choses qui manquent à Jende : (i) dormir dans une chambre séparée de celle de ses enfants ; (ii) aller rendre visite à sa mère quand bon lui semble ; (iii) retrouver ses amis dans un boucarou ; (iv) rouler dans sa propre voiture ; (v) transpirer en plein mois de janvier. Ce qui est davantage intéressant ici c'est de savoir que ces besoins n'ont rien à voir avec la situation socio-financière de Jende. Autrement dit, il aurait pu avoir une vie acceptable en Amérique que toutes ces choses lui auraient manqué.

Si ces besoins relèvent de l'évidence, de quelque chose de fondamental voire vital pour tout homme, à fortiori pour un immigré au quotidien douloureux et amer. Dès lors, sa volonté de retourner s'inscrit dans une tentative de s'affranchir sur un plan purement individuel. En d'autres termes, c'est en partie parce que Jende veut se libérer, pallier ces manques, qu'il éprouve le désir de rentrer à Limbé. Le retour cesse d'être ici une simple option pour devenir un besoin vital. Le mot « malédiction » qui revient à chaque fois dans ces propos est très significatif. Si la malédiction s'entend comme le résultat de l'action de maudire, on comprend le poids de ce mot dans ce passage, et cela suscite des interrogations. Ne pas faire ces choses aurait été une malédiction : qui donc est celui qui maudirait Jende ? En l'absence d'une réponse proposée par le narrateur, on est tenté de croire que cette malédiction serait l'oeuvre de la nature, de la divinité. Et si la nature doit maudire Jende pour ne pas s'être rendu compte qu'il était temps de rebrousser chemin, c'est que le retour se veut

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un sentiment naturel. En somme, pour être heureux, pour être en paix, Jende doit rentrer sur sa terre.

De même, Maxime se situe lui aussi dans cette logique du retour salvateur. Sauf que, contrairement à Jende qui est au centre de l'action, Maxime plaint plutôt ceux qui ne voient pas les choses dans la même logique que Jende. Pour lui, le retour est quelque chose d'impératif, car :

Il lui semblait ironique de constater que d'autres étaient expulsés par dizaines de milliers depuis un moment, quand ils auraient tout donné pour rester là [...] sans espoir de faire fortune, sans possibilités de revoir leurs proches. Ils étaient des silhouettes sombres dans un pays qui leur criait quotidiennement son rejet. (CAC : 51)

Maxime n'arrive pas à admettre que des personnes sans espoirs aussi bien de faire fortune que de revoir leurs proches n'arrivent pas à se rendre compte que le bonheur n'est pas dans ce pays et qu'il faut retourner auprès des siens. Deux éléments sont mis en exergue dans ses propos : « revoir leurs proches » ; « faire fortune ». Maxime considère ces deux éléments comme des besoins de base pour toute personne. Il faut noter que l'expression « faire fortune » ici ne doit pas être assimilée à une avidité au gain. Si Maxime utilise cette expression, c'est relativement à l'état d'esprit qui anime ces personnages. Pour eux, l'Occident est le lieu où l'on « fait fortune ». L'expression dans ce contexte va dans le sens de la réussite d'un point de vue financier. Alors, réussir dans la vie tout en ayant ses proches à ses côtés, voilà ce que Maxime prend pour besoin fondamentaux. Pourtant, rester dans ce pays de rêve constitue de facto un handicap à la réalisation de ces objectifs. En gros, il s'agit même de deux réalités opposées. Il est donc curieux, à son avis, de constater que des personnes ne veulent pas admettre cette évidence. Étant donné que le pays d'accueil est incompatible avec ces aspirations, Maxime trouve que rentrer est le seul moyen d'y parvenir. Il faut retourner au pays natal si l'on veut se libérer des chimères. Maxime et Jende partagent ce point de vue et sont convaincus de ce que rester errer en Occident emprisonne l'individu sur un plan personnel. Toutefois, choisir de le faire, c'est aussi s'affranchir d'un point de vue administratif.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery