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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.1.3 La nostalgie du bercail

39 L'expression est de Nug Bissohong Thomas Théophile dans son livre intitulé L'hymne national du Cameroun : un poème-chant à décolonialiser et à réécrire, Yaoundé, Clé, 2007.

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Au bout de quelques années passées loin de leurs terres d'origine, beaucoup d'immigrés commencent à ressentir un manque. Il naît en eux une envie pressante de renouer avec le terroir. Cette envie se nourrit entre autres du souvenir des moments passés dans le pays natal. Si ces souvenirs sont assez forts pour susciter une envie d'y retourner, c'est parce que l'amour pour le pays se manifeste de plus en plus. En réalité, le pays d'accueil dispose de plaisirs à contempler, lesquels pourraient empêcher de se souvenir de la terre natale. Malgré cela, l'envie de retourner dans ce dernier surgit car son souvenir prend le dessus. Dans sa conversation avec Neni, Fatou lui avoue sa tristesse de ne pouvoir être chez elle :

Si seulement je pouvais rentrer dans mon village, je construirais une maison pour moi, près de celle de mon père et de ma mère. Là, je peux vivre tranquille et mourir tranquille. Si seulement je pouvais rentrer très bientôt. (VVR : 394)

Fatou désire repartir en Guinée mais ne peut malheureusement pas le faire à cause de son mari Ousmane qui ne veut pas en entendre parler. Pour elle, son pays est le seul lieu où elle peut « vivre tranquillement » et « mourir tranquillement ». Il est important de noter que, à la différence des Jonga, la vie de Fatou et Ousmane n'est pas assez tumultueuse. Et si malgré cela, elle souhaite repartir chez elle après tant d'années passée aux USA, c'est par amour pour son pays d'origine, dont elle pense qu'il est le meilleur gage de protection et de paix de l'âme.

Jende lui aussi désire retourner et est prêt pour ce faire. Penser à la possibilité de revoir son Limbé, cette terre qu'il a longtemps associée tous les maux, le rend fier. Il réalise enfin, avec du recul, que c'est le meilleur endroit où vivre :

En toute vérité monsieur [dit-il à son patron], mon corps est encore ici, mais mon âme est déjà rentrée. Je suis venu en Amérique pour fuir la vie dure, oui, et je ne voulais pas rentrer [...] mais quand j'ai compris que je devais partir, je me suis senti heureux en pensant à chez moi, monsieur. L'Amérique va me manquer, mais je serai content de vivre à nouveau dans mon pays. [...] Je me vois déjà dans les rues de Limbé avec mes amis, boire avec eux et emmener mon fils au stade là-bas (VVR : 411)

Il convient de relever qu'à chaque propos de Jende relatif à sa volonté de rentrer dans son pays, il se dégage une comparaison entre son Limbé natal et l'Amérique. Et si à chaque fois le choix porte le premier, c'est par amour et par conviction. Cette perception du retour est la même chez Antoine, même si on peut déceler un écart dans la manifestation de l'envie de repartir. Revenu au Mboasu pour un court séjour, avant le décès de sa mère, Antoine n'hésite pas à rentrer quelques temps après dans son pays natal, la France. Si avec Jende on a pu observer, dans la comparaison des deux espaces, une volonté de mesurer la gravité de sa

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décision, la réalité est tout autre pour Antoine. Pour lui, le Mboasu n'est rien, comparé à son pays natal qu'il aime et n'a même jamais envisager de quitter. Cet écart avec le cas de Jende peut s'expliquer tant par les motifs de leur départ que par le séjour en terre d'accueil. Jende et son épouse sont arrivés en Amérique dans le but de fuir la misère de Limbé. Ils y sont venus dans l'espoir de faire fortune, et leur vie en Amérique n'a pas toujours été misérable. Cela n'a jamais été le cas pour Antoine. Ses passages au Mboasu sont contraints ; ce Mboasu a toujours été pour lui un enfer. Dès lors, il est évident que son pays natal soit le seul pour lequel il éprouve amour et fierté. Les Jende doivent quelque chose, malgré tout, à l'Amérique, raison pour laquelle leur perception du retour n'est pas tout à fait radicale à l'instar de celle d'Antoine. Toutefois, au-delà du fait que la décision du retour témoigne de l'expression d'un patriotisme affirmé, elle se veut également une volonté des immigrés de s'affranchir.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus