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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I. Le retour : entre patriotisme et affranchissement

Face aux conditions de vie difficiles en terre d'accueil, les immigrés se résignent à tenter le tout pour le tout dans le but de séjourner dans ce pays qui leur crie son rejet au quotidien. Leur décision de revenir sur leurs pas se perçoit alors telle une volonté de revendiquer l'appartenance à une patrie d'une part, et de s'affranchir des contraintes de cette société, d'autre part. En gros, leur décision de retourner se veut à la fois un acte patriotique et courageux.

I.1 L'esprit patriotique

Les personnages décrits dans le corpus de notre étude voient en le retour une solution à un moment donné de leur expérience émigrative. Choisir de rentrer chez soi alors que d'autres options étaient envisageables traduit, dès lors, une volonté de leur part de faire valoir une patrie. S'ils sont quelques fois convaincus que leur pays ne leur offre pas toutes les garanties d'un avenir meilleur, ils préfèrent tout de même y repartir pour se battre aux côtés des leurs.

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I.1.1 Faire valoir une appartenance : décrier l'antipatriotisme

Face au retour, nombreux sont ces immigrés qui ne se montrent pas enthousiastes. Ils continuent de tout tenter pour rester dans ce pays d'accueil qui, lui, ne veut pas d'eux. Face à cette attitude, les personnages ayant gardé leur amour de la patrie éprouvent de la gêne ; car pour eux, la patrie représente encore quelque chose de fort, vers lequel on doit pouvoir se tourner quand tout ne va pas pour le mieux. Maxime par exemple, dans Ces âmes chagrines, est choqué de constater que certains personnages sont malheureux à l'idée de devoir retourner dans leur pays. Cette attitude manifestée par ses "frères" lui paraît totalement absurde. Pour lui, il n'y a pas meilleur endroit que chez soi. Le narrateur nous informe que :

parfois, lorsqu'il [Maxime] voyait des sans-papiers manifester à grand renfort de tambours et de chants, lutter pour ne pas être embarqués de force dans des avions qui leur aurait simplement ramenés vers leur pays natal, il trouvait qu'ils exagéraient, manquaient de dignité. On ne pouvait pas se comporter ainsi lorsqu'on allait être reconduit vers la terre de ses pères. (CAC, 51-52)

On constate, à travers cet extrait, que Maxime est contre l'idée d'un non-retour au pays des ancêtres. Pour lui, accepter de rentrer chez soi revient à faire preuve de courage, de dignité et de patriotisme. On remarque que ces personnes que Maxime plaint ne sont plus face à une alternative. Ils font partie de ceux qui refusent de retourner volontairement et qui se trouvent actuellement sur le point d'être expulsés. On a ici à deux catégories de personnages : ceux pour qui le retour est la dernière option envisageable, quand bien même elle serait envisagée ; et ceux pour qui le retour est une preuve de dignité et de courage. Maxime appartient à cette deuxième catégorie, raison pour laquelle il s'insurge contre l'attitude des autres.

Cette divergence d'opinions face à la question du retour a parfois tendance à être justifiée par les motifs du départ. En général, les personnages qui préfèrent se faire expulser plutôt que de repartir en toute dignité, sont arrivés en Occident dans le but de faire fortune, de fuir la misère du pays natal. Maxime, justement, ne fait pas partie de ces personnages. Son séjour en Hexagone a deux intentions principales : poursuivre ses études et retrouver sa mère. Au regard de cet exemple, on pourrait être tenté d'affirmer que la posture vis-à-vis du retour est étroitement liée à la condition du départ. Or, des éléments de Voici venir les rêveurs remettent en cause cet argument, car on y trouve des personnages débarqués en Occident dans le but de faire fortune mais qui n'acceptent pas de s'humilier. Face à l'adversité, ils se souviennent d'avoir eux aussi une patrie. Alors, il n'est nullement question de se faire

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expulser, de manquer de dignité. Dans sa conversation avec son épouse, laquelle préfère l'expulsion au retour volontaire au pays, Jende lui dit :

Tu crois que je n'ai pas envie de rester en Amérique, moi aussi ? Tu crois que je suis venu ici pour repartir ? Je fais le serviteur toute la journée pour des gens [...] je m'abaisse bien plus bas que le feraient la plupart des hommes. Tu crois que je fais tout ça pourquoi ? Pour toi, pour moi. Parce que je veux rester dans ce pays ! Mais s'ils me disent qu'ils ne veulent plus de nous ici, tu crois que je vais continuer à les supplier pendant tout le reste de ma vie ? Tu crois que je vais aller dormir dans une église ? Jamais. Même pas une fois. Va coucher par terre dans ton église, tant que tu le voudras. Le jour où c'en sera assez pour toi, tu viendras nous rejoindre, moi et les enfants, à Limbé. Ma parole ! (VVR : 255)

Ces propos mettent en lumière deux caractéristiques propres à Jende. Sa détermination, d'une part à réussir dans cet univers, ce pays qui refuse d'être le sien ; d'autre part, cette même détermination à rompre avec les servitudes auxquelles le pays le soumet. S'il était décidé à rester en Amérique afin de réaliser ses rêves, il est désormais question de montrer à cette Amérique qu'il a un pays qui ne le rejettera jamais et sera toujours là à l'attendre au-delà de tout. Voilà pourquoi Jende est surpris voire gêné par l'attitude de son épouse. Celle-ci ne veut pas entendre parler de retour, et est prête à tout pour rester aux USA. Toutefois, des propos de Jende, on sent une sorte de déception due au fait de n'avoir pu atteindre ses objectifs. Son sens de la patrie prend le dessus. Il réalise qu'il vaut mieux supporter certaines épreuves chez soi qu'ailleurs. Il est remonté, et veut montrer que lui aussi a un "chez lui".

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway