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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.1.2 Les enjeux liés à la solitude de l'immigré

Ce n'est pas tant que l'Europe n'a que la misère à offrir aux immigrés, mais c'est surtout leur situation d'irrégularité qui participe le plus à celle-ci. S'il est vrai que d'un point de vue économique, l'immigré noir africain n'a pas beaucoup de chance de réussite, cela est encore plus vrai lorsque ce dernier se retrouve en situation irrégulière, solitaire. On serait tenté d'affirmer qu'un immigré n'ayant pas de bras séculier est condamné à vivre le martyre. Gérard Keubeng voit en cette solitude de l'immigré, non pas un motif lié à sa condition précaire, mais une condition, fatale soit-elle, pour la paix intérieure de l'immigré en situation d'échec, donc, démuni sur le plan socioéconomique. Il pense que,

Résolu de ne pas faire savoir que son départ était une erreur, celui-ci ment pour entretenir le mythe de l'Occident. Le mensonge lui sert de paravent à une vie, aux conditions de vie qu'il ne veut partager avec personne, surtout pas sa famille restée au pays. Aussi se sent-il obligé de trouver refuge dans la solitude (Keubeng, 2011 :118).

Si cette affirmation a le mérite de s'appliquer à bon nombre de récits d'immigration, en particulier CAC avec Thamar dont le « courage lui avait manqué » (CAC : 133) d'affronter ses misères, il convient de signaler que les deux points de vue sont complémentaires voire liés. La solitude, prise dans le sens du manque d'une personne sur qui poser les épaules, rend

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difficile « l'assomption7 » de l'immigré sur un plan socio-économique. À l'inverse, l'échec sur ce plan plonge également l'immigré dans la solitude.

Cependant, il faut noter que tous les immigrés ne vivent pas la même situation socio-économique pendant leur séjour en terre « d'accueil ». Le quotidien de plusieurs immigrés est un enfer certes, mais il y en a qui mènent une vie, du moins pour leur début, plus ou moins décente. Et c'est justement à ce niveau que le facteur de la solitude trouve sa justification en l'absence d'un mentor, d'un guide, bref d'une personne sur qui compter en toute sincérité. Tout porte à croire que les immigrés sont condamnés à vivre dans l'errance et la précarité. Ils débarquent dans un lieu qui leur échappe sur tous les plans et dans cette perspective, construire une vie digne de ce nom sans l'appui d'un tiers s'avère une entreprise quasi difficile. Dès lors, on constate que l'épanouissement du point de vue socio-économique, d'un immigré dépend en grande partie de son carnet d'adresse en terre d'immigration. Autrement dit, plus un immigré a des connaissances pouvant lui apporter un soutien réel, plus il a de la chance de pouvoir construire sa vie, peut-être pas des plus enviables, mais on ne peut plus loin de la misère. À contrario, moins il a des personnes auxquelles il peut recourir en temps opportun, moins il pourra construire la vie de ses rêves, cette vie-là pour laquelle il est parti de sa terre originelle, cette vie à laquelle il aspire pour pallier le manque.

Maxime et le couple Jende se situent dans cette optique. Contrairement à Thamar, ceux-ci ne vivent pas du tout dans une situation précaire. Ils ne sont pas non plus fortunés, mais ils mènent une vie moyennement décente. Si les motivations de Maxime et du couple Jende pour leur départ vers l'Occident diffèrent, ils ont néanmoins un point en partage en ce qui concerne leur situation. Une fois en terre d'accueil, ils ne sont pas condamnés à l'errance. Ils mènent des activités leur permettant de vivre décemment, bien que cela implique d'énormes sacrifices. Rappelons-le, Maxime a rejoint la France principalement dans le but de mener ses études et dans l'espoir de retrouver sa mère « partie il y a longtemps » (CAC : 56). À l'opposé, le couple Jende a rejoint les États-Unis d'Amérique pour fuir la misère du Cameroun et faire fortune dans ce pays qui accorde, selon eux, les chances de réussite équitables à tous. Ainsi, on peut bien le noter, les motivations liées à leurs départs respectifs divergent. Une fois arrivés, Maxime et le couple Jende connaissent à peu près pareilles situations. Maxime a trouvé du travail avec l'aide de son frère Antoine8, mais surtout celui de son ami et patron Édouard. Il parvient à gagner de l'argent, à prendre soin de lui, à vivre

7 Entendu son affranchissement, son accession au bonheur.

8 On ne saurait vraiment parler d'aide car il s'agit d'une aide à la forme d'un couteau à double tranchant. Nous y reviendrons plus loin

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« heureux », à ne pas être envieux, bref, à vivre tout simplement. Pour y parvenir, on comprend que Maxime a pu compter sur Édouard et de son frère Antoine. Il est évident qu'il n'aurait pas eu cette vie que nous décrivons s'il avait été, à son arrivée, abandonné à ses propres soins. Cela est également vrai pour le couple Jonga. À son arrivée, Jende n'a pas traîné à trouver un emploi de chauffeur auprès de Clark Edwards, haut cadre d'une société de renommée aux États-Unis d'Amérique, cela pour un salaire confortable et pas à la portée de n'importe quel immigré à la recherche d'un emploi. Le passage ci-dessous illustre la joie qui anime son épouse lorsqu'elle apprend cette nouvelle.

« Est-ce qu'elle t'a dit combien tu seras payé ?

- Trente-cinq mille

- Mamami, eh ! Papa God, Oh ! Je danse en ce moment, Jends ! Je fais ma gymnastique, là ! » (VVR : 25)

Dans cette conversation, Jende annonce à son épouse, à la sortie de son entretien d'embauche, combien il sera payé. Leur joie est immense. Cet argent, s'il ne peut pas encore leur offrir la vie de rêve à laquelle ils aspirent, celle semblable à un paradis, est déjà non négligeable pour un départ. Le couple mènera une vie décente de loin comparable à la misère de Thamar de l'autre côté. Pour ce couple, c'est le début du chemin vers la terre promise ; ils sont heureux. Toutefois, notons que cela n'aurait jamais été possible si Winston, le cousin de Jende, n'eût été là. Déjà, c'est lui qui a favorisé le départ de Jende du Cameroun pour l'Amérique. C'est encore et surtout lui qui a permis l'obtention de cet emploi. On constate donc que tout immigré abandonné à son propre sort ne saurait s'attendre -du moins pas facilement- à vivre la vie de ses rêves. Le bonheur ou le malheur, fût-il apparent, d'un immigré dépend en grande partie de son carnet d'adresse. Avoir quelqu'un sur qui compter en toute franchise est un atout majeur pour un immigré dans ses premiers jours. Cependant, ce soutien n'est pas toujours suffisant ; le quotidien de l'immigré est parsemé de batailles.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein