III. La culture de l'immigré : perception et
redéfinition
La culture est l'une des notions dont la
définition fait le moins l'unanimité dans les études
littéraires. Mais que l'on s'accorde d'un point de vue
définitionnel avec un camp plutôt qu'avec un autre, il reste que
l'immigré est pris dans le piège de la culture. Si on entend par
culture « l'ensemble des aspects intellectuels artistiques d'une
civilisation », ou encore un « ensemble de formes acquises de
comportements dans les sociétés humaines 36», on
se rend
36 Larousse, dictionnaire de la langue française,
1995
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compte qu'il est difficile de situer l'immigré.
Ce dernier réside à la frontière de deux espaces et est
confronté à un véritable problème, car il doit
composer avec ses « comportements acquis » et ceux demandant à
être acquis, l'une des conditions sine qua non
pour une vie paisible en terre d'accueil. Peu d'immigrés
réussissent, malheureusement, à trouver le juste
équilibre. Pour mieux cerner ces problèmes de culture dans notre
corpus, il importe de s'arrêter un instant sur différents points
de vue développés autour de la notion même.
III.1 Les conceptions de la notion de culture
La conception qu'on se fait de la culture de nos jours
n'a pas toujours prévalu. En effet, le concept à la base, tel que
conçu par les pionniers, a d'abord signifié autre
chose.
III.1.1 Historique
Guy Rocher (1992) a commis une étude dans
laquelle il retrace de façon détaillée l'historique de la
notion de culture. Pour lui, l'acception de la culture dans les sciences de
l'homme diffère de la signification que le langage courant lui
prête. C'est à l'anthropologie anglaise qu'on doit la notion de
culture. Taylor qui l'employa le premier en fait un synonyme du mot «
civilisation ». La définition qu'il en donne est la suivante :
« la culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique
étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les
croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les aptitudes
qu'acquiert l'homme en tant que membre de la société »
(cité par Rocher, 1992 : 101). Plus tard, les historiens allemands
récupérèrent le concept et proposèrent des
distinctions pour l'opposer à la notion de civilisation. L'une de ces
distinctions propose de voir dorénavant en la culture un ensemble de
moyens à la disposition de l'homme ou une société pour
contrôler et manipuler l'environnement physique, le monde naturel. Et de
voir en la civilisation un ensemble de moyens auquel l'on peut recourir pour
exercer un contrôle sur lui-même, pour accroitre ses
capacités intellectuelles, morales, et spirituelles. Des disciplines
telles la philosophie, les arts, la religion et le droit sont alors des faits
de civilisation.
Arrêtons-nous un instant sur ces deux visions.
Elles expliquent parfaitement les orientations que prend la notion de culture
aujourd'hui. En effet, la distinction que les historiens allemands
établissent entre les notions de culture et civilisation constitue
l'arrière-plan théorique de la notion de culture aujourd'hui. Il
s'établit clairement, de ces deux visions, l'opposition
acquis/inné. Ainsi, la culture est, suivant cette logique, un fait
inné, tandis que la civilisation elle, s'acquiert. Cette opposition
binaire de nos jours, intègre la notion de culture. Certains voient en
elle quelque chose qu'on acquiert, d'autres par contre, quelque chose
d'ancré en l'homme.
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