II.2.3 Les limites liées à la volonté
de s'affirmer
S'il est vrai que beaucoup d'immigrés
nourrissent le désir de prendre les choses en mains, de garder la
tête haute quand les choses semblent se compliquer, il reste que dans ce
désir de s'affirmer, d'épouser la théorie de l'Occident
tel un paradis pour entretenir les espoirs et les attentes placées en
eux, ils sont bien trop impuissants quand la dure réalité de
l'ailleurs frappe. En effet, malgré leur détermination à
ne pas courber l'échine, il s'avère parfois que les
34 Nom d'artiste
d'Antoine
35 En effet, Antoine vit mal
le retour de son frère au pays natal. Il considère cela comme une
défaite de sa part.
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efforts ne soient pas suffisants car, en
réalité, ils n'ont pas le dernier mot, ils ne sont pas
maître de leur destin. Jende a dû faire montre d'un courage et
d'une détermination ardents, ce qui ne l'empêche pas de perdre son
boulot, ce sur quoi il avait misé pour l'épanouissement de sa
famille. Lorsque son patron lui annonce qu'il est dans l'obligation de se
séparer de lui, Jende devient fou de rage :
Ne soyez pas désolé pour moi ! cria
Jende en frappant le carnet sur le bureau. Je ne veux pas de
désolé, je veux un boulot ! j'ai besoin de ce boulot, monsieur
Edwards. Ma parole, ne me faites pas ça ! Ma parole, je vous en supplie,
monsieur edwards, pour ma femme, pour mes enfants, pour mes parents ! pour moi
et pour ma famille, s'il vous plait, s'il vous plait, monsieur, je vous en
supplie ne me faites pas ça ! (VVR : 279).
Les propos de Jende laissent transparaître un
énorme désespoir. En effet, le jeune homme voit tous ses
rêves s'évanouir. Il a l'impression que le ciel lui tombe sur la
tête. Sans ce travail, sa vie sera bien plus difficile que celle qu'il
avait au Cameroun, surtout maintenant avec la naissance de sa fille. Il n'a pas
vu cela venir, il n'aurait pas pu l'empêcher.
Thamar, de son côté, connaîtra un
sort à peu près similaire. Le décès de son amant
sonne la fin de ses rêves. Elle n'a plus personne sur qui compter ; ses
chances de réussite se réduisent considérablement. Thamar
aura tout de même une seconde chance. Elle retrouvera son fils Maxime qui
la recherche depuis longtemps. Elle lui expliquera que « Pierre n'avait
jamais été son mari. Ils avaient vécu l'un à
côté de l'autre, c'était tout, on ne pouvait même pas
dire qu'ils avaient été l'un avec l'autre [et que] à son
décès, sa famille (celle de pierre), qu'elle n'avait jamais
rencontrée au paravent, l'avait mise à la porte » (CAC :
137). Sa rencontre avec Maxime est perçue ici comme une sorte de
redéfinition de l'eldorado pour elle. Le pays qu'elle a longtemps
assimilé aux malheurs et l'a quitté, se pointe désormais
à l'horizon tel un sauveur.
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