II.1.2 Sur le plan du développement
Un autre aspect comparé par les migrants est le
niveau de développement des deux pays. Les immigrés partis du sud
pour le nord sont le plus souvent frappés par le développement,
notamment infrastructurel qu'ils y retrouvent. Cette comparaison a un objectif
à la base. En effet, elle s'opère parfois avant même que le
voyage ne soit effectif. C'est dans l'intention de réaliser quelque
chose qu'il aurait été difficile de faire dans le pays natal.
Mais, à la différence de la comparaison des niveaux sociaux qu'on
a pu observer avec Jende, et dont nous avons vu qu'elle est explicite, celle-ci
est implicite. Si l'immigré en provenance du sud et
débarqué au nord est frappé par le développement de
manière positive, celui parti du nord pour le sud l'est inversement,
à l'image de son trajet. Deux personnages nous permettent de lire cette
forme de rapprochement des deux espaces. Il s'agit de Maxime et d'Antoine. Ces
deux personnages n'ont pas rêvé de l'ailleurs de la même
façon que Jende et son épouse ou encore Thamar. On pourrait
même dire qu'ils ont été contraints d'effectuer le voyage.
Il est évident que, pour eux, l'ailleurs ne symbolise pas le lieu de
tous les bonheurs, le lieu de la réussite, ce lieu offrant tous les
plaisirs que la terre natale n'a jamais su ou pu leur offrir. Ils n'ont
aucunement assimilé le pays natal à un lieu de misère ou
de souffrance. Au contraire, il connote une certaine aise et un confort doux.
De Maxime, le narrateur nous fait savoir que
s'il avait tenu à demeurer dans ce pays, cela
n'avait été que pour valoriser son diplôme, apprendre ce
qui n'était pas enseigné dans les salles de cours [au pays
natal], ce qu'il aurait besoin de savoir pour exercer convenablement son
métier, une fois rentré au pays. Il n'osait s'avouer qu'il
était également resté dans l'espoir de retrouver Thamar
[sa mère] même s'il n'était plus certain de pouvoir la
reconnaitre (CAC :50)
Il se dégage de ces propos une comparaison
implicite mettant en relief deux éléments : le niveau de
développement des deux espaces (Nord/Sud) et une situation de manque
à combler. Le projet d'immigration de Maxime a été
motivé par le niveau de développement de l'ailleurs. S'il y est
allé parce que, à l'exemple de Jende, cet ailleurs avait quelque
chose à lui offrir, il reste qu'il ne s'agit pas d'une quelconque
réalisation des rêves car il n'a nullement désiré
s'accomplir dans ce pays. Par ailleurs, l'argument familial est aussi
entré en jeu. Le narrateur nous fait savoir qu'il était
resté dans l'espoir de retrouver sa mère. Cela signifie
que
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la terre natale, à ce moment, connote pour lui
un espace de manque, un manque à combler. Ainsi, lorsqu'il se retrouve
dans ce pays nouveau, il est cette fois-là à l'image de Jende.
Pour les deux, être en terre étrangère est symbole de la
fin de sa souffrance. Maxime sait que sa mère y est, et l'espoir de la
retrouver constitue, entre autres, un des éléments qui le
maintiennent debout. Il est certain que si elle ne s'y trouvait pas, il y a
longtemps qu'il serait rentré au Mboasu.
Avec Antoine, on est toujours au niveau de la
comparaison implicite du niveau de développement des deux espaces.
Dès son arrivée à l'aéroport, il éprouve un
dégoût pour tout ce qu'il observe autour de lui. Son
arrivée dans le quartier de sa grand-mère est la goutte d'eau qui
fait déborder le vase (CAC : 80) :
le garçonnet avait décidé, avant
même de connaitre la demeure de sa grand-mère, que ce Mboasu ne
sera jamais son pays. Il ne ferait pas le moindre effort pour composer avec ce
nouveau monde, compterait les jours jusqu'au départ pour l'Hexagone.
[...] il mit un point d'honneur à rendre la communication impossible
entre lui et le voisinage, il n'apprit pas leur langue, n'en saisissait jamais
que des bribes, bien malgré lui.
De même qu'avec Maxime, on observe deux choses
chez Antoine. Premièrement, ce pays est différent du sien. S'il
refuse de s'y accommoder, c'est parce qu'il le confronte implicitement au sien
et ne retrouve rien pouvant le lui rappeler. Au-delà de cette
comparaison, il y a également le facteur familial. Sombe est pour lui
synonyme d'abandon et de rejet par sa mère et le Mboasu, le pays de tous
ses malheurs.
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