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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.1.1 Des conceptions de la notion d'identité

L'identité s'entend communément telle la marque de fabrique d'une personne, ce qui fait dire d'une personne qu'elle est différente des autres. En somme, l'identité est l'ensemble des éléments concourant à caractériser quelqu'un. Rappelons cependant que c'est une notion problématique dans la mesure où ses interprétations et le contenu qu'on y insère créent de moins en moins l'unanimité. Jean François Deplancke (2013), commentant le livre Les embarras de l'identité de Vincent Descombres nous renseigne que ce dernier aborde la notion de l'identité sous deux prismes : l'identique et l'identitaire. Le premier s'inscrit dans une logique philosophique et tend à établir que deux objets ou deux individus ne font qu'un. Le second, dont l'usage ne date que de la deuxième moitié du XXème siècle, « n'est pas défini dans le dictionnaire et cherche à répondre à la question «Qui suis-je ?» ou «Qui sommes-nous ?» » (Delplancke, 2013 :64). Le problème naît de ce « qu'aujourd'hui nous sommes conduits à appréhender l'identitaire à partir du paradigme de l'identique, alors que leurs significations sont logiquement distinctes » (Ibid.). Ainsi, c'est sous le paradigme de l'identitaire, de la tentative de répondre à la question « qui sommes-nous ? » que la question d'identité nous intéresse ici.

Si le concept nous vient des États-Unis et théorisé par Erick Erickson, au travers de la notion de crise d'identité au tout début des années 1950, il demeure qu'il

émergera de la rencontre entre la psychanalyse et l'anthropologie américaine, principalement le courant «culture et personnalité», l'une et l'autre, revisitées par Erickson à l'aune de son histoire personnelle. Et ce mot va s'imposer face aux d'autres termes qui auraient pu tout aussi bien faire l'affaire : personnalité, caractère, self, égo... (Ibid.)

Bien que l'équivoque tende à être levée autour de ce concept, des zones d'ombre persistent lorsque l'on rentre dans le champ du discours sur les migrations. Ce flou reste entretenu du fait que les immigrés sont des personnes à la croisée des chemins. Il est d'ailleurs impératif pour eux, surtout pour des personnes adultes, de composer avec une part de leur « personne », de leur « être » originel, et une autre part qui commence à germer et à croître dans l'ici présent. Si l'on admet avec Bertrand Amougou, à la suite de bien d'autres chercheurs que, « l'identité n'est pas une donnée assignable ; figée et éternitaire » (Amougou, 2016 : 234), mais qu'elle est « plutôt un idéal de représentation/perception et expression de soi en construction permanente. Car il s'agit du projet/prétention d'être la même personne

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(...) au-delà des changements socio-contextuels et contingents » (Ibid.) alors, on réalise que les immigrés sont des êtres en quête perpétuelle d'identité. Cette quête rend compte de ce qu'il y a des contextes à prendre en compte dans la saisie de l'identité. Elle concerne des personnes qui se retrouvent souvent en situation trouble et cherchent à se définir. Parfois, il y en a qui se perdent dans cette aventure parce qu'ils sont déchirés entre des systèmes.

Autant dire que l'immigré est condamné à de perpétuels errements. Il ne saurait jamais être celui que la société dite d'accueil veut qu'il soit, encore moins celui qu'il était ou qu'il a été au pays natal. C'est une véritable situation trouble constituant un réel handicap au plein épanouissement des immigrés. Deux cas sont significatifs dans notre corpus, ceux du couple Jende et d'Antoine. Le premier (le couple Jonga) consent un maximum d'efforts pour vivre à l'américaine, pour intégrer cette identité américaine consistant entre autres, une fois qu'on a de l'argent, d'emmener « sa famille visiter d'autres endroits du pays, peut-être vers l'océan pacifique, ...contempler un coucher de soleil... » (VVR : 85). Bref, on peut dire des Jonga qu'ils ont un réel désir de s'américaniser. Ce désir contraste cependant avec l'attitude de Neni lorsque son époux, porté par la colère lors d'une dispute, lui flanque une gifle. Neni réagit en Africaine. Elle refuse de dire la vérité aux voisins, de peur d'attirer les ennuis à son époux. De ce fait, cette quête d'américanité s'estompe et laisse place à un retour aux sources : l'africanité. Chez Antoine, on observe plutôt un refus de cohésion sous toutes ses formes avec son pays d'accueil, le Mboasu. Il importe de rappeler qu'Antoine est certes Noir, mais il est français. Il n'est pas un immigré en France, contrairement à son frère Maxime par exemple. En revanche, au Mboasu, le pays de sa mère et de son frère - où il vient parfois passer ses vacances, il est un immigré. Durant toutes ses visites en Afrique, au Mboasu, il opte pour l'introversion. Cette posture, loin de le faire se sentir mieux, nourrit en lui une sorte de rejet et de dégâts au point où pour lui, « tout valait mieux que le continent, ses nuées de moustiques, sa population bruyante, remuante, ses rigoles pleines d'une eau verdâtre, malodorante. » (CAC : 127). Il se renferme justement parce qu'il se sent étranger dans ce pays qu'il n'a jamais connu, dont sa mère ne lui a jamais parlé et qu'il découvre de manière violente.

Les immigrés sont ainsi pris dans le piège de l'entre-deux identitaire. Ainsi, n'arrivent pas à se définir. Ici et ailleurs se mélangent et se confondent.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon