II.2. Des personnages pris dans l'étau de
l'impossible assimilation et/ou intégration
Face à la difficulté de se faire
accepter tel quel, l'immigré se retrouve dans un dilemme. Accepter de se
conformer aux normes acceptables par cette société, parfois aux
dépends de ses propres aspirations, ou alors continuer sa vie en marge
de celle-ci.
II.2.1 Les aspects socio-professionnels
Au regard du parcours de l'immigré et des
travers qu'il subit à son arrivée, on constate qu'il y a tout un
processus de mise à l'écart qui se déploie autour de lui.
Dans ces conditions, il est évident qu'il est bien difficile pour lui de
s'intégrer, du moins sur le plan socioprofessionnel. Or
l'intégration de l'immigré forme le plus souvent la base de cet
avenir prometteur auquel tous les immigrés aspirent. Si les sociologues
voient en la notion d'intégration un processus par lequel une personne
ou un groupe s'insère dans le milieu, la société où
il vit, ce concept tend de plus en plus à se confondre avec celui «
d'assimilation ».
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Cette confusion découle du fait qu'on voit dans
les deux concepts une forme de mélange. Or si le premier connote un
esprit de liberté (l'intégration est un choix), le second, quant
à lui, paraît plus ou moins une contrainte. Christiane Albert nous
renseigne qu'
Il est en effet plutôt rare de trouver dans la
littérature francophone des représentations
d'exilés22 intégrés et jouissant d'une
situation sociale aisée. Ces représentations sont
généralement le fait d'écrivains qui n'appartiennent pas
à la génération des « immigrés de la seconde
génération ». (Albert, 2005 : 02)
Ces propos peuvent paraître surprenants ;
pourtant c'est ce que l'on observe. Les romans d'immigration décrivent
peu ces immigrés initialement épanouis, donc
intégrés. Le corpus de notre étude rompt cependant d'avec
cette logique et met en scène des personnages intégrés sur
ce plan. De Winston à Maxime en passant par Antoine et Aboubacar, on
remarque que tous sont intégrés. En revanche, Christiane Albert
quant à elle pense que ce qui est à l'origine de cette difficile
insertion sociale que l'on remarque dans les romans de l'immigration, c'est
« ce racisme latent dont souffrent les personnages [...] au-delà de
la souffrance et de l'humiliation » (op.cit. :
91)
II.2.2 Les aspects psychologiques
Sans toutefois avoir la prétention de remettre
en cause les conclusions de Christiane Albert qui tiennent lieu de tentative
d'explication du pourquoi d'une « non intégration » de la part
des immigrés, disons plutôt que le racisme n'en constitue pas
toujours la cause. Les personnages mis en scène dans les deux
récits de notre corpus, ne sont pas victimes de racisme. Toutefois,
aucun d'entre eux ne parvient réellement à s'intégrer. On
pourra être tenté de croire que Maxime forme l'exception de cette
règle. En effet, en y regardant de plus près, on se rend compte
qu'il n'en est pas une. Maxime a un travail, il gagne plus ou moins bien sa vie
avec des revenus plutôt considérables. Seulement, il n'est
pourtant pas totalement intégré. Sinon, en se bornant à
son parcours professionnel, on pourrait effectivement voir en Maxime un
personnage intégré. Or la question de l'intégration est
plus vaste. Maxime est contraint de limiter ses déplacements. « Il
n'avait que peu de loisirs, s'astreignait à des séries de pompes
[...] au lieu de la course à pied qu'il n'avait plus pratiquée
depuis son arrestation dans les bois. » (CAC : 54-55). D'un point de vue
psychologique, Maxime n'est pas épanoui car il n'est pas libre de ses
mouvements, de faire en toute quiétude ce qu'il désire. Son
frère Antoine se situe dans la même logique. Ses séjours en
Afrique, du temps de son enfance,
22 Christiane Albert
traite principalement de la notion « d'exilé » dans cet
ouvrage. Mais il n'y a fondamentalement pas de différence avec celui
d'immigré dans notre conception.
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étaient teintés de dégoût.
Antoine, on pourrait dire de lui qu'il est le prototype de la négation
de l'intégration sous toutes ses formes.
Si ce roman décrit, on vient de le voir
à travers Antoine et Maxime, la difficile intégration des
immigrés, VVR quant à lui, en plus de la difficile
intégration des immigrés montre plutôt combien le processus
d'assimilation est prégnant. Il est judicieux de noter que, dans ce
récit, on retrouve un modèle d'intégration, contrairement
au premier roman. Il s'agit de Winston, cousin de Jende, un modèle de
l'intégration sur tous les plans. C'est logique car contrairement aux
autres personnages de ces deux romans, son immigration ne s'est pas
déroulée de façon identique. Il est arrivé aux USA
par le biais de la green card. Et c'est donc à
raison qu'il connaît une situation différente des autres. Face
à la difficulté de s'intégrer, certains immigrés
trouvent nécessaire de vivre en communauté.
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