5. L'éthylène et les fruits
climactériques
5.1. L'éthylène, phytohormone du
stress
En 1901, à Saint-Pétersbourg, Dimitry Neljubow
observe que les plantes à proximité des lanternes à gaz
avaient des tiges et des feuilles de forme anormale. En étudiant ce
phénomène, il découvre alors l'éthylène
(C2H4), gaz incolore, à l'odeur âcre faisant partie des
composés organiques actifs les plus simples au monde (Bakshi et
al., 2015).
Les fruits sont essentiels à la nutrition et à
la santé humaine. Selon le profil respiratoire et la production
d'éthylène pendant la maturation, les fruits peuvent être
divisés en deux classes : les fruits climactériques (pomme,
tomate, poire...) et non climactériques (raisin, agrumes,
pastèque...). Chez les fruits climactériques,
l'éthylène occupe une place centrale pour la bonne maturation
d'un bon nombre d'entre eux (Bapat et al., 2010). En effet, ce gaz
régulerait de nombreux aspects du cycle de vie des plantes comprenant la
germination des graines, l'initiation des racines, le développement des
fleurs, la détermination du sexe, la maturation des fruits, la
sénescence... (Street et al., 2015 ; Ju et Chang, 2015 ;
El-Maarouf-Bouteau et al., 2015). Cela a fait de
l'éthylène le plus ancien régulateur de
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croissance connu. Cependant, bien que toutes les cellules de
la plante produisent de l'éthylène au cours du
développement, des taux plus élevés ont été
observés au niveau de tissus stressés ou en train de mûrir
(Abeles et al., 1992). Ces constatations ont pu mettre en exergue
l'importance de l'éthylène à des réponses biotiques
(attaque de pathogènes...) et abiotiques (blessures, hypoxie,
fraîcheur...), la qualifiant d'hormone du stress chez les plantes (Wang
et al., 2013).
Le 1-MéthylCycloPropène, ou 1-MCP, est un gaz
inhibiteur de l'éthylène empêchant son action
physiologique. En effet, il a été prouvé que l'application
de 1-MCP peut maintenir la fraîcheur de divers fruits, légumes et
fleurs (Blankenship et Dole, 2003 ; Kurahashi et al., 2005 ; Ortiz
et al., 2005). Bien que les processus au niveau moléculaire de ces
observations ne soient pas entièrement compris, il est admis que le
1-MCP se lie de manière irréversible aux récepteurs de
l'éthylène, entrant en compétition avec le substrat
originel (Blankenship et Dole, 2003). Grâce à cette
propriété, le 1-MCP est devenu un composé majeur dans
l'étude et la compréhension de l'action et l'affinité de
l'éthylène sur ces récepteurs associés.
5.2. Les récepteurs à
l'éthylène connus
A la fin des années 1970, plusieurs équipes
découvrent et caractérisent biochimiquement les sites de liaison
de l'éthylène chez les plantes (Sisler, 1979 ; Sisler, 1980 ;
Evans et al., 1982). Cependant, la purification et la
caractérisation approfondies des récepteurs isolés des
plantes ont été rendues difficiles par un certain nombre de
facteurs tels que la localisation membranaire, de faibles taux d'expression et
la présence de plusieurs isoformes. Puis, l'utilisation
d'Arabidopsis thaliana comme système végétal
modèle pour étudier la signalisation de l'éthylène
(Bleecker et al., 1988 ; Guzman et Ecker, 1990) et le clonage du
récepteur à l'éthylène,
EThylene Receptor 1
(ETR1) (Chang et al., 1993), a ouvert une
nouvelle voie de recherche qui a donné lieu à quantité
d'informations sur la signalisation de l'éthylène, y compris les
récepteurs.
Chez les plantes, les récepteurs à
l'éthylène sont retrouvés au niveau de la membrane du
réticulum endoplasmique. Ils forment des homodimères dont chaque
monomère est composé de trois hélices á
transmembranaires avec une extrémité amino-terminale contenant le
site de liaison de l'éthylène (Bowman et al., 2017).
Puis la partie cytosolique du récepteur est constituée d'un
domaine GAF, un domaine kinase ainsi qu'un domaine récepteur. En 2005,
O'Malley et al. ont mis en évidence que, chez les plantes,
l'éthylène est perçu par une famille de récepteurs
liés aux histidines kinases bactériennes qui modulent
l'activité de la kinase CTR1 (Constitutive Triple Response 1). En
absence d'éthylène, une cascade de phosphorylation et
d'ubiquitination engendrée par cette kinase va moduler le taux de
facteurs de transcription EIN3 et EIL1 (Qiao et al., 2009 ; Gagne
et al., 2004 ; Li et al., 2015 ; Merchante et al.,
2015) conduisant à la plupart des réponses à
l'éthylène. Cependant, il est nécessaire de nuancer ce
propos par la présence d'isoformes aux récepteurs ETR1
à l'éthylène qui peuvent présenter des
activités kinase différentes de celle présentée
(Moussatche et Klee, 2004 ; Xie et al., 2003). Chez les organismes
non-végétaux, bien que certaines espèces aient
été documentées
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pour répondre à l'éthylène (Abeles
et al., 1992 ; Bakshi et al, 2018), très peu
d'informations sont connus à la fois sur les récepteurs
associés et sur la signalisation intracellulaire qui en
découle.
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