3. Les mycotoxines, aflatoxines et patuline
3.1. Les mycotoxines, diversité et
dangerosité
Le terme mycotoxine provient du grec «
uýêçò» signifiant champignon et du latin
toxicum signifiant « poison ». Ce terme s'applique à
des composés chimiques toxiques de faible poids moléculaire
(<1000 Da) produits par différentes espèces de champignon
(Aspergillus, Penicillium, Alternaria, Fusarium, Byssochlamys et
Claviceps). Contrairement aux métabolites primaires, la production
de mycotoxines n'est pas essentielle aux différents processus de
développement fongique. C'est pourquoi ces composés sont
considérés comme des métabolites secondaires (Drew et
Demain, 1977). Comme dit précédemment, les raisons de la
production de métabolites secondaires par certains champignons restent
encore un domaine à éclaircir et certaines propositions
commencent à émerger. Par exemple, les mycotoxines sont
pensées comme agents de défense fongiques donnant un avantage
concurrentiel à la souche productrice (Rohlfs et al., 2007), ou
encore que ces dernières fassent partie d'un processus de reproduction
fongique permettant une compétition inter-espèces (Thippeswamy
et al., 2014 ; Vaishnav et Demain, 2011 ; Magan et Aldred, 2007).
Les mycotoxines peuvent contaminer les cultures agricoles
à toutes les étapes de la chaine de production : avant et/ou
pendant la récolte, lors du séchage ou encore lors du stockage
(Turner et al., 2009). Elles se retrouvent à l'état de
contaminants naturels de nombreuses denrées d'origine
végétale, notamment les céréales, fruits, noix,
amandes, grains, fourrages ainsi que les aliments composés et
manufacturés contenant ces matières premières et
destinées à l'alimentation humaine et animale (Rapport AFSSA,
2009). A ce jour, nos connaissances permettent de recenser plus de 2000
mycotoxines différentes. Une trentaine d'entre elles, sur la base de
leur toxicité, leur stabilité et leur prévalence dans les
denrées alimentaires, présente une grande importance en
santés humaine et animale (Iram et al., 2016 ; Bullerman et
al., 2007 ; Rapport AFSSA, 2009). De plus, il est communément admis
que :
i.
5
Une même espèce fongique est capable de
synthétiser plusieurs mycotoxines différentes en fonction des
conditions de culture
ii. Une même mycotoxine peut être produite par
différentes espèces fongiques
iii. Une denrée alimentaire peut être
colonisée par différents champignons potentiellement
toxinogènes
Cela signifie que l'Homme et l'animal ne sont pas
exposés à une seule mycotoxine à la fois mais à un
mélange de mycotoxines, dont les effets cumulés restent encore
peu étudiés. Ces effets peuvent être de nature antagoniste,
additifs ou synergiques (Alassane-Kpembi et al., 2017). La
toxicité d'une mycotoxine est dépendante de sa structure
moléculaire mais également de la dose et de la durée
d'exposition. En effet, en fonction de sa structure et de la voie
métabolique dont elle est issue (terpènes, cyclopeptides,
polycétoacides...), elle peut induire une toxicité au niveau de
différents organes et provoquer différents effets (Tableau 1).
Cette toxicité peut être de nature aigüe (ingestion d'une
seule forte dose) ou chronique (ingestion répétée d'une
faible dose sur une longue période) en fonction de la consommation des
produits alimentaires contaminés. Les intoxications chroniques restent
les plus dangereuses en raison des habitudes alimentaires des consommateurs et
de la capacité de rémanence des mycotoxines dans l'organisme. En
effet, leur capacité à se lier aux protéines plasmatiques
et leur lipophilie en font des toxines capables de se maintenir dans
l'organisme en cas d'expositions répétées et
rapprochées (Rapport AFSSA, 2009). Toutes ces considérations
témoignent que les mycotoxines sont un problème très
actuel de santé publique, de qualité et de sécurité
sanitaire des aliments.
Tableau 1 - Exemples de mycotoxines, d'espèces
productrices, de source et d'effets les plus fréquents
(Rapport AFSSA, 2009 ; CAST, 2003 ; Krska et al, 2008 ; Bbosa,
2013).
Mycotoxine
|
Type
|
Genre
|
Producteurs
|
Principaux produits contaminés
|
Effets
|
Aflatoxines
|
B1, B2
|
Aspergillus
|
A. flavus A. parasiticus
|
Maïs, blé, riz, soja, noix, amandes, fruits
séchés, épices...
|
Hépatotoxique Carcinogénique Immunotoxique
Tératogénique
|
|
|
A
|
Penicillium
|
P. verrucosum
|
Céréales, cacao, café, vin, jus de
raisin et épices
|
Néphrotoxique Immunotoxique Tératogénique
|
|
A. westerdijkiae A. carbonarius
|
|
|
Penicillium
|
P. expansum
|
Pommes, poires et leurs dérivés
|
Neurotoxique Génotoxique Cytotoxique
|
|
A. clavatus
B. nivea
|
Ensilages
|
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Byssochlamys
|
Fumonisines
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B1, B2 et B3
|
Fusarium
|
F. verticillioides F. proliferatum A. niger
|
Maïs, riz et sorgho
|
Neurotoxique Carcinogénique
|
Zéaralénone
|
|
Fusarium
|
F. graminearum F. culmorum
|
Maïs, sorgho, soja, blé, riz et avoine
|
Reprotoxique Immunotoxique
|
6
|
|