Section 2 : LES OBLIGATIONS DE L'OCCUPANT
Comme tout occupant, le M23 avait aussi les mêmes
obligations comme celles prévues pour la puissance occupante, de
manière générale, pendant son occupation dans la ville de
Goma, le M23 était un administrateur temporaire, un usufruitier, un
garant de la sécurité, c'est ainsi que nous parlerons de la
sécurité et de la protection des personnes(§1) et la
protection de la propriété privée (§2).
§1. De la sécurité et de la protection
des personnes
Ce paragraphe est subdivisé en deux points essentiels
dont l'obligation de sécurisé le territoire sous control (A), et
l'obligation de protégé ou sécurisé la population
civile (B).
A. l'obligation de sécurisé le territoire
sous control
55 Ibidem
56 Nations Unies Droits de l'homme, Haut-commissariat,
Monusco, Rapport du bureau conjoint précité, p.6.
26
Du point de vue du DIH les civils dans un territoire
occupé méritent et ont besoin de règles de protection
particulièrement détaillées. Dans leur propre pays, ils
sont au contact de l'ennemi contre leur volonté, simplement à
cause du conflit armé qui a mené l'ennemi à prendre le
contrôle du territoire sur lequel ils vivent. Les civils n'ont aucune
obligation envers la puissance occupante hormis l'obligation inhérente
à leur statut civil, à savoir de ne pas participer aux
hostilités. Du fait de cette obligation, le DIH ne leur permet pas de
résister par la violence à l'occupation de leur territoire, ni
d'essayer de le libérer par la violence.57
A ce niveau nous allons développer huit points et nous
ferons allusion au respect de la quatrième convention (1). Par la suite,
à l'ordre juridique d'un territoire occupé (2), la protection des
personnes privées de liberté (3), de manière brève
nous parlerons de la protection de propriété privée (4),
les interdictions spécifiques (5), l'Administration d'un territoire
occupé (6), la protection des droits économiques, sociaux et
culturels (7) et pour terminer nous parlerons de l'applicabilité des
règles relatives aux territoires occupés en faisant
référence à l'occupation du M23 (8).
1. Le respect de la quatrième
convention
a. La protection des intérêts de la population
du territoire : sa vie doit continuer le plus normalement possible, et de
préférence ne pas se rendre compte du changement qui s'est
opéré ;
b. La protection des intérêts de la puissance
occupante : sécurité des forces d'occupations ;
c. La protection des intérêts de la puissance
occupée : pas de changement du statut.58
2. L'ordre juridique d'un territoire
occupé59
a. Le principe concernant la législation : les puissances
occupantes doivent maintenir le droit local en vigueur ;
b. Exceptions à l'interdiction de
légiférer :60 la puissance occupante peut assurer sa
sécurité ; peut adopter des lois essentielles à la mise en
oeuvre du DIH ; peut adopter des
57 S'il y a commission des actes hostiles, ils peuvent
être punis selon l législation mise en place par la puissance
occupante, mais ils ne perdent pas leur statut de civil protégés.
(Ils peuvent cependant perdre leurs droits de communication selon CG IV, art.52
(2)) ils jouissent de la protection contre les effets des hostilités,
sauf s'ils participent directement aux hostilités et pendant toute la
durée de cette participation (voir PA I, art.51 (3)). Pour plus, lire M.
SASSOLI, AA. BOUVIER et A. QUINTIN, Un droit dans la Guerre?, cas,
documents et supports d'enseignements relatifs à la pratique
contemporaine du droit international humanitaire, Vol. I,
Présentation du droit international Humanitaire, Chapitre 8,
2e éd., S.D., pp.27-30.
58 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours
précitées, p.55.
59 GOLDSTEIN Éric, « Au coeur de
l'occupation : le Sahara occidental, les droits de l'homme et le droit
international humanitaire - In the Heart of the Occupation : Western Sahara,
humanrights and international humanitarianlaw», in RBDI, vol. 43,
2010, pp. 15-74. Cité par M. SASSOLI, AA. BOUVIER et A. QUINTIN,
Op.cit, p.178.
60 Cas de l'occupation et consolidation de l'Irak.
27
lois essentielles à la mise en oeuvre du droit
international des droits humains ; peut légiférer autant que
nécessaire pour maintenir l'ordre public. La puissance occupante
peut-elle légiférer pour maintenir les conditions de vie de la
population civile dans un territoire occupé ? Une puissance occupante
peut-elle légiférer pour améliorer les conditions de vie
de la population civile dans un territoire occupé?; autorisation du
conseil de sécurité?
c. Règles spéciales sur la législation
pénale (CG IV ; art. 64, 65,67 et 70) : la législation
pénale en vigueur est appliquée par les tribunaux locaux
existants; législation adoptée par la puissance occupante
(raisons indiquées au point b) ci-dessus) cas de la non
rétroactivité (CG IV, art.67); poursuites pénales pour des
délits commis avant l'occupation (CG IV, art.70); compétence des
tribunaux militaires (CG IV, art. 66); garanties judiciaires
détaillées (CG IV, art. 68-75).61
3. La protection des personnes privées de
liberté62
a. Le principe : contrairement aux combattants, les civils ne
peuvent pas être privés de leur liberté ;
b. Les personnes inculpées ou condamnées (les
garanties judiciaires CG IV, art. 71-75; la détention dans le territoire
occupé CG IV, art. 76); un traitement humain CG IV, art.76; remise aux
autorités locales à la fin de l'occupation CG IV, art. 77);
c. Les internés civils (décision relative
à l'internement ou à la résistance forcée CG IV
art. 78 : pour d'impérieuses raisons de sécurité ;
décision administrative individuelle ; possibilité de faire appel
; révision semestrielle si possible) règles
détaillées relatives à leur traitement CG IV, art. 79-135
;
d. Prisonniers des guerres internés CG III, art.
463 (B) (1).64
61 Idem
62 Cas n° 154, CICR, Sud-Liban, Fermeture du
camp d'Ansar, cité par M. SASSOLI, AA. BOUVIER et A. QUINTIN, Un
droit dans la Guerre?, cas, documents et supports d'enseignements relatifs
à la pratique contemporaine du droit international humanitaire,
Vol. I, Présentation du droit international
Humanitaire,2eéd., Chapitre 8, 2e éd.,
S.D., p.180.
63 L'Article 4 al 1 de a IVème CG dispose :
Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un
moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas
de conflit ou d'occupation, au pouvoir d'une Partie au conflit ou d'une
Puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes. Al2, Les
ressortissants d'un Etat qui n'est pas lié par la Convention ne sont pas
protégés par elle. Les ressortissants d'un Etat neutre se
trouvant sur le territoire d'un Etat belligérant et les ressortissants
d'un Etat cobelligérant ne seront pas considérés comme des
personnes protégées aussi longtemps que l'Etat dont ils sont
ressortissants aura une représentation diplomatique normale
auprès de l'Etat au pouvoir duquel ils se trouvent. Al3, Les
dispositions du Titre II ont toutefois un champ d'application plus
étendu, défini à l'article 13. Al4 Les personnes
protégées par la Convention de Genève pour
l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées en campagne du 12 août 1949, ou par celle de Genève
pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des
naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949, ou par
celle de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12
août 1949, ne seront pas considérées comme personnes
protégées au sens de la présente Convention.
28
4. Protection de la propriété
privée
a. Interdiction du pillage CG IV, art. 33 (2) 65;
b. Interdiction de confisquer la propriété
privée à l'exception du matériel de guerre ; mais cette
règle connait une exception a ce qui concerne le matériel de
guerre66.
c. Admissions limitée des
réquisitions.67
5. Les interdictions spécifiques
a. Les déportations CG IV, art. 49 (1) ;68
b. Le transfert dans le territoire occupé de la propre
population de la puissance occupante CG IV, art.49 (6) ;69
c. La destruction des biens CG IV, art. 53 sauf lorsqu'elle
est rendue absolument nécessaire pour les opérations
militaires.70
6. L'administration d'un territoire
occupé
a. La responsabilité d'assurer la vie et l'ordre
publics (domaine d'application : non seulement la sécurité, mais
aussi la qualité de la vie ; une obligation de moyen et non de
résultat ; une obligation soumise aux limitations fixées par le
droit des droits humains pour toute action étatique ;71
b. La taxation ;72
c. L'administration des biens publics mais pas de
confiscation, sauf pour les biens qui peuvent servir à des
opérations militaires (cas Républiques Démocratique du
Congo ; Rapport Mapping (1993-2003) (par.338), cas CIJ, Républiques
Démocratique du Congo/Ouganda, affaire des activités
armées sur le territoire du Congo (par.240-245,250) ;73
64 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours
précitées, p.56.
65 L'article 33 al.2 dispose ce qui suit : Le pillage
est interdit et l'article 27 et 47 du Règlement de la Haye.
66 Lire à ce sujet l'article 53 al. 2 du
Règlement de la Haye.
67 Voir l'article 52 du Règlement de la Haye
de 1907. Et le Cas n° 130, CIJ/Israël, Mur de
séparation/clôture de sécurité dans le territoire
palestinien occupé [Partie A. par. 132 et Partie B., par. 8 et 32]
68 Cas n° 139, Israël, Affaires relatives
à des arrêtés d'expulsion cité par M. SASSOLI, AA.
BOUVIER et A. QUINTIN, Op. Cit., p.183.
69 L'article 49 de la CG IV dispose que : Les
transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les
déportations de personnes protégées hors du territoire
occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de
tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le
motif.
70 A ce sujet l'article 43 de la CG IV dispose que
: Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens
mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement
à des personnes privées, à l'Etat ou à des
collectivités publiques, à des organisations sociales ou
coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient
rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.
71 Cas n° 301, Géorgie/Russie, Rapport de
HumanRights Watch sur le conflit en Ossétie du Sud [par. 76-78,
84]
72 Règlement de la Haye, art. 48, 49 et 51.
73 Cité par M. SASSOLI, AA. BOUVIER et A.
QUINTIN, Op. Cit, p.186.
29
d. Respect du statut des fonctionnaires CG IV,
art.54.74
7. Protection des droits économiques, sociaux et
culturels75
a. Vivres et fournitures médicales CG IV, art. 55 et
59-62, PA I, art. 69 (obligation de ne pas perturber le système
d'approvisionnement local ; obligation d'assurer l'approvisionnement ;
obligation d'autorisé le libre passage de l'aide) ;
b. La santé et l'hygiène publiques CG IV, art.
56, 57 `obligation de garantir la santé et l'hygiène publique,
respect du personnel médical, respect des hôpitaux, respect des
hôpitaux, respect de la société nationale de la Croix-Rouge
ou du croissant rouge) ;
c. Les enfants et leur éducation CG IV, art. 50 76;
d. La protection des travailleurs (disposition limitant
l'astreinte du travail CG IV, art. 51 ;
e. Interdiction de provoquer le chômage CG IV, art. 52
;
f. La protection des biens culturels.77
8. La fin de l'applicabilité des règles
relatives aux territoires occupés78
a) Pendant la durée d'une occupation selon la CG IV
(art. 6(3)) mais pas selon le PA I (art. 3(b))
b) En cas d'autonomie ? : si le nouveau Gouvernement invite
les anciennes forces d'occupation à rester ? ; au moins sur les
questions administrées par le nouveau Gouvernement ? ; des
élections peuvent-elles être mises en place par la puissance
occupante (qui ne peut pas priver les personnes protégées de la
protection accordée par la CG IV, selon son art. 47)79?
c) En cas de traité de paix
d) En cas de retrait de la puissance occupante : quel niveau
de contrôle de facto la puissance occupante se retire doit-elle conserver
pour que le DIH relatif à
74 L'article 54 de la CG IV dispose ce qui suit :
Il est interdit à la Puissance occupante de modifier le statut des
fonctionnaires ou des magistrats du territoire occupé ou de prendre
à leur égard des sanctions ou des mesures quelconques de
coercition ou de discrimination parce qu'ils s'abstiendraient d'exercer leurs
fonctions pour des considérations de conscience.
75 VITE Sylvain, « L'articulation du droit
international humanitaire et des droits économiques, sociaux et
culturels en temps d'occupation », in W. KÄLIN, International
Law, Conflict, and Development: The Emergence of a HolisticApproach in
International Affairs, Leiden, Boston, M. Nijhoff, 2010, pp. 19-47.
Cité par : M. SASSOLI, AA. BOUVIER et A. QUINTIN, op.cit.,
p.186.
76 L'article 50 de la CG IV dispose ce qui suit :
La Puissance occupante facilitera, avec le concours des autorités
nationales et locales, le bon fonctionnement des établissements
consacrés aux soins et à l'éducation des enfants.
77 Idem, p.56.
78 BUGNION François, « La genèse
de la protection juridique des biens culturels en cas de conflit armé
», in RICR, vol. 86 n° 854, juin 2004, pp. 313-324.
Cité par M., SASSOLI, A.A., BOUVIER et A. QUINTIN, Op.Cit.,
p.188.
79 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours
précitées, p.57.
30
l'occupation militaire (ou quelques-unes de ses règles)
soit applicable même après le retrait des troupes ?
e) Par décision du conseil de sécurité des
Nations Unies ? Ou d'une organisation sous régionale ?
f) La protection des personnes qui restent en détention
ou ne sont pas encore rétablies CG IV, art. 6 (4).
Parmi les obligations de sécurisé le territoire
sous control, l'article 43 du règlement de la Haye y fait aussi
référence en abordant la question des institutions ou
gouvernement du territoire occupé. Selon cet article, l'occupant doit
être considéré comme administrateur de fait,80
C'est-à-dire que l'autorité du pouvoir légal ayant
passé de fait entre les mains de l'occupant, celui-ci prendra toutes les
mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d'assurer,
autant qu'il est possible, l'ordre et la vie publics, en respectant, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays.81
Cette disposition du règlement de la Haye ne vise pas
seulement les habitants du territoire occupé ; elle protège aussi
l'Etat, son individualité, ses institutions et ses lois. La nouvelle
convention de Genève ne fait rien perdre de sa valeur à ce texte
; elle se borne à développer en ce qui concerne la protection des
personnes civiles.
L'ingérence de la puissance occupante dans les
institutions et le gouvernement d'un pays occupé a pour effet de
transformer plus ou moins profondément la structure et l'organisation de
ce pays.
Cette transformation risque d'aggraver la situation des
habitants; aussi la disposition a-t-elle pour but d'éviter que les
mesures prises par la puissance occupante en vue de rétablir et
d'assurer l'ordre et la vie publics ne portent préjudices aux personnes
protégées, elle n'interdit pas expressément à la
puissance occupante de modifier les institutions ou le Gouvernements du
territoire occupé.82
On peut, en effet, concevoir que certains changements soient
nécessaires et même heureux ; au surplus, le texte dont il s'agit
est de caractère essentiellement humanitaire : il vise à
sauvegarder la personne humaine et non protéger l'Etat comme tel dans
ses institutions politiques et son gouvernement. Ce qui importe, au sens de la
convention, c'est que les interventions opérées dans
l'organisation interne de l'Etat n'aient pas pour effet de priver les
80 Idem
81 Idem
82 L'article 43 du Règlement de la Haye ne
comporte lui non plus qu'une interdiction relative, prescrivant de respecter,
« sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays
».
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personnes protégées des droits et garanties
créés en leur faveur. Il s'ensuit que la convention doit pouvoir
leur être appliquée intégralement, même si la
puissance occupante a procédé à des changements dans les
institutions ou le Gouvernement du territoire occupé.
Donc la sécurité que doit garantir la puissance
occupante au territoire sous control, doit être une
sécurité totale, l'occupant comme administrateur temporaire doit
se comporter en Administrateur temporaire, en tenant compte des toutes les
limites que la IVème convention de Genève lui donne83.
Apres les obligations de sécurisé le territoire sous control, le
regard a été jeté aux deuxièmes obligations
relatives à la sécurité de la population civile.
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