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De la responsabilité de la puissance occupante dans la protection de la propriété privée. Cas du m23 à  Goma.


par Josias WAYESU NAMUNINGA
Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL-Goma) - Licence en Droit Public 2013
  

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§2. L'évolution du conflit

Il est vrai que les conflits naissent, accroissent (grandissent) et finissent par disparaitre.36Le conflit armé entre les FARDC au mouvement du 23 mars ne fait pas exception d'autant puisqu'il a commencé en 2012 pour prendre fin en Octobre 2013 avec la défaite du M23.C'est ainsi que nous parlerons de la nature du conflit (A) et la fin du conflit ou la libération de la ville de Goma et la fin de l'occupation (B).

A. Nature du conflit (qualification)

Le conflit entre les FARDC et le M23 était au départ un conflit interne, mais par la suite il s'est internationalisé suite à l'intervention des autres Etats dont le Rwanda et l'Ouganda. Ici nous parlerons des conflits internes internationalisés.

Les conflits internes sont des affrontements armés qui se déroulent dans les limites du territoire d'un seul Etat où les combats opposent le gouvernement et les insurgés armés. Ceux-ci se battent pour prendre le pouvoir ou dans le but de faire sécession afin de fonder leur propre Etat. Les origines des conflits internes sont diverses. Il peut s'agir du non-respect du droit de minorité ou de la violation des DHO par le régime dictatorial. Quant aux conflits internes, le principe de non-intervention dans les affaires des Etats les soustraits à l'action de l'ONU. Or, ils portent souvent les germes des éléments d'internationalisation, ne serait-ce qu'en raison d'appuis extérieurs apportés aux belligérants. Dans la réalité internationale de notre temps, la distinction entre les conflits armés internationaux et les conflits non internationaux est loin d'être claire.37

Les conflits internes internationalisés sont, en Afrique comme ailleurs, hors du tout doute raisonnable générateurs de menace pour la paix et la sécurité internationale tels que la RDC, la Guinée Bissau, le Lesotho et d'une certaine manière l'Afghanistan. L'exemple le plus caractéristique est celui de la RDC en 1960, l'ONU par son intervention a contribué à

36 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours précitées, p.2.

37 Ibidem, p. 28.

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l'internationalisation du conflit et en 1998 à partir du moment où certains Etats (Rwanda, Ouganda et Burundi) sont intervenus au côté des rebelles en laissant leurs militaires participer aux hostilités, le conflit qui, initialement, était « prétendu » interne était devenu conflit interne internationalisé. A dire vrai il s'agit d'une guerre par procuration ou conflit mixte.38

Mais comment identifier un conflit interne internationalisé ? Certaines hypothèses issues de la doctrine peuvent aider à identifier un conflit interne internationalisé :39

· L'Etat victime d'une insurrection reconnait les insurgés comme des belligérants ;

· Un ou plusieurs Etats étrangers interviennent avec leurs propres forces armés en faveur de l'une des parties ;

· Deux Etats interviennent avec leurs propres forces armées respectives en faveur de l'une des parties.

Mais aussi, une autre approche montre que, pour que l`action d`un groupe autonome soit imputable à l`Etat, il est nécessaire que celui-ci ait agi en fait pour son compte. Cela fut le même cas dans l'affaire Nicaragua c. Etats Unis, la Cour exige la preuve qu`un contrôle effectif ait été exercé, ou des instructions expresses données, par les États-Unis sur les actions militaires des contras ayant donné lieu à des violations du DIH pour que ces actions puissent leur être attribuées. La Cour est allée au-delà de ce qu`elle a semblé exiger dans un premier temps, qui revenait à établir la dépendance générale des rebelles vis-à-vis des États-Unis. L`objet de l`analyse change : il ne s`agit plus de déterminer si les contras agissaient de manière générale au nom des États-Unis, c`est-à-dire s`ils étaient un organe de facto de cet État. Dans ce cas, l`ensemble de leurs actes leur auraient été imputables. Au contraire, il devient nécessaire d`apporter la preuve d`un contrôle effectif des États-Unis sur chaque action des contras ayant donné lieu à des violations du DIH, ou que des instructions expresses de les commettre avaient été données.40

L'excellente illustration de ce concept « conflit interne internationalisé » nous donné par les conflits armés dans la région des Grands Lacs où le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi

38 Idem

39 Il faut retenir que cette classification est essentiellement doctrinale, (P. VERRI, Dictionnaire du droit international des conflits armés, CICR, Genève, 1988, pp.37), mais le conflit armé interne est, au regard de l'article 3 commun aux conventions de Genève et au Protocol Additionnel II, un conflit armé non International (CANI), cité par : P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours précitées, p.21.

40 A. KYRO MALIMUTOTO, la responsabilité des Etats tiers dans un conflit armé non international : appréciation des critères du control global et/ou effectif, Mémoire Inédit, Faculté de Droit, ULPGL-Goma, 2013, p.17.

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soutiennent les rebelles qui combattent le gouvernement de Kinshasa appuyé par la Zimbabwe, le Tchad, l'Angola, la Namibie.41

Mais nous faisons aussi allusion au conflit récent entre les FARDC et le M23qui a dépassé le niveau interne pour s'internationalisé grâce à l'implication du Rwanda et de l'Ouganda. En suivant les trois caractères identifiant le conflit interne internationalisé, nous disons que le conflit entre les FARDC et le M23 était un conflit interne internationalisé, surtout que deux de ces 3 facteurs identifiant les conflits internes internationalisés sont confirmés.

Dans l'affaire du Nicaragua c. les Etats-Unis, la CIJ a estimé que les opérations d'un groupe armé non étatique ne peuvent être imputées à un État que si ce dernier exerce un « contrôle effectif » de ces opérations.42 C'est lors que le rapport au Conseil de Sécurité des Nations Unies montrait en détail que le M23 bénéficiait d'un soutien important militaire, financier et politique de la part de membres haut placés du gouvernement Rwandais, y compris du Ministre de la Défense et du chef d'état-major de la Défense du Rwanda. Il bénéficiait notamment :43

Ø De l'Assistance directe à la création du M23 à partir du territoire rwandais ;

Ø Du Recrutement effectué par les Forces rwandaises de défense pour le compte du M23 ;

Ø De l'Appui logistique des Forces rwandaises de défense au M23 ;

Ø De l'Implication directe de responsables Rwandais de haut rang dans la mobilisation de l'appui au M23 ;

Ø De l'Appui direct fourni au M23 par des unités des Forces rwandaises de défense lors d'opérations en RDC ;

Ø Du Soutien au M23 par des officiels Rwandais ;

Ø Du Soutien du Rwanda à des groupes armés et à des mutineries liées au M23 ;

Ø Du Soutien du Rwanda à des personnes visées par les sanctions, notamment le général Bosco Ntaganda. Toutes les illustrations données par ce rapport, servent de preuves pour montrer ou prouver le contrôle effectif du Rwanda sur la rébellion du M23.

Un autre rapport de l'ONG Human Rights Watch, montre que les membres du M23 « sont responsables de crimes de guerre commis à grande échelle, y compris des exécutions sommaires, des viols et des recrutements de force ». «Certaines autorités rwandaises pourraient

41 Idem

42 CIJ, 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, §109, Rec. 1986 p. 62

43 Réseau National des ONGs des Droits de l'Homme de la République Démocratique du Congo (RENADHOC), Rapport du réseau précité, p.9.

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être considérées comme complices de crimes de guerre en raison de l'appui militaire continu qu'elles apportent aux forces du M23 ».44

De manière chronologique, il y a lieu de retenir les dates suivantes :45

Ø En juillet 2012, le M23 contrôlait deux villes, Bunagana et Rutshuru. Suite à une médiation entamée en août par la Conférence internationale sur la région des Grands lacs à Kampala (Ouganda), les deux camps restent plus ou moins sur leurs positions d'août à la mi-octobre, respectant une trêve précaire émaillée d'accrochages entre le M23 d'une part et les FARDC ou la MONUSCO d'autre part. Le 9 novembre, la RDC lance un ultimatum de 14 jours au M23 pour désarmer. Les combats reprennent dans le territoire de Rutshuru, au nord de Goma, tenu par le M23.

Ø Le 17 novembre 2012, le M23 attaque les FARDC dans les environs de Kibumba, à une trentaine de kilomètres au nord de Goma, Mboga et Ruhondo. Il s'empare de Kibumba dont les FARDC se retirent malgré l'intervention des hélicoptères d'attaque de la MONUSCO, et se positionnait autour de Goma. La position du gouvernement congolais est alors claire : "Il n'y a pas de M23, c'est le Rwanda qui agresse la RDC" déclare son porte-parole Lambert Mende. Le 18 novembre, le M23 prend la ville de Goma et affirme qu'il s'agit d'une offensive des FARDC qu'il n'a fait que contenir et exige du gouvernement l'ouverture de négociations. Le même jour, le Secrétaire général de l'ONU condamne fermement « la reprise des hostilités par le M23 », son avancée vers Goma et « les violations graves des lois internationales humanitaires et des DHO commis par le M23. Il déplore les conséquences humanitaires dévastatrices des combats. Le Conseil de Sécurité de l'ONU condamne lui aussi les « attaques du groupe rebelle M23 » et exige leur arrêt.

Ø Le 20 novembre 2012, le Conseil de sécurité adopte à l'unanimité, la résolution 2076 (2012) dans laquelle il demande « le retrait immédiat du M-23 de la ville de Goma, de stopper ses avancées et de déposer les armes de manière permanente ». Il exprimait son intention d'envisager d'autres sanctions ciblées contre le leadership du M23 et de ses soutiens extérieurs. Le même jour, le M23 prennent le contrôle de Goma. Il demandait des sanctions contre deux chefs du groupe M23. L'Union européenne demandait au M23 « d'arrêter immédiatement l'offensive militaire contre Goma ». Le 21 novembre, la Cour

44 Réseau National des ONGs des Droits de l'Homme de la République Démocratique du Congo (RENADHOC), Rapport du réseau précité, p.10.

45 Idem

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Pénale internationale CPI relance le dossier de l'arrestation de Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura.46

Ø Le même jour, pour ramener la paix dans cette région de l'Est de la RDC, le président de la RDC Joseph Kabila rencontre à Kampala ses homologues rwandais, le président Paul Kagame et ougandais, le président Yoweri Museveni. Les trois présidents font une déclaration commune appelant les combattants du M23 à se retirer de la ville de Goma conquise la veille, ce que ces derniers refusent car ils exigent avant tout retrait que le président de la RDC Joseph Kabila accepte de les rencontrer et de dialoguer afin de trouver une issue à cette guerre.

Ø Le 22 novembre 2012, la ville de Sake, à l'ouest de Goma, tombe sous le contrôle des Unités spéciales du Rwanda camouflées au sein du M23.

L'Institut de la Vallée du Rift par son projet Usalamaa publié une intéressante publication Du CNDP au M23 : Evolution d'un mouvement armé dans l'est du Congo ». Dans cette publication Jason Stearns évoque le contrôle du Rwanda et donc sa participation aux rebellions dans l'Est de la RDC.

Le soutien du Rwanda envers le CNDP a commencé tôt, des pressions étant exercées sur Nkunda pour qu'il ne rejoigne pas l'armée nationale en 2003, mais il n'est pas resté constant. Pendant une grande partie de l'histoire du CNDP, l'influence du Rwanda s'est limitée à des conseils, un soutien matériel mineur et une aide au recrutement de politiciens et de militaires. Ce n'est qu'après l'escalade militaire de 2008 que Kigali a déployé des unités entières de l'autre côté de la frontière pour attaquer le camp militaire de Rumangabo et appuyer l'avancée du CNDP vers Goma -et, même à l'époque, il ne s'agissait que de quelques centaines d'hommes. Lorsque le CNDP devint M23, cependant, l'ampleur et l'intensité du soutien augmentèrent considérablement, une des raisons principales en étant les difficultés que traversait la nouvelle rébellion à son tout début.

Rares sont les personnes qui ont tenté de comprendre les motivations du Rwanda -de poser la question qu'a adressée Kigali en réponse à un rapport de l'ONU particulièrement accablant :

Qu'est-ce que le Rwanda chercherait à obtenir à travers le M23 qu'il ne pourrait pas obtenir par d'autres moyens ? Dans quel but ultime le Rwanda soutiendrait-il une mutinerie en RDC ? Quelle serait l'utilité stratégique d'une implication active dans la déstabilisation du gouvernement central de la RDC ?47

Il est difficile de répondre à ces questions, car elles nécessitent de comprendre les processus décisionnels internes du FPR. Il est toutefois probable que de purs intérêts économiques jouent un rôle moins important qu'il n'a souvent été suggéré, et qu'au contraire, l'intervention rwandaise ait été motivée par un écheveau complexe de motivations politiques et économiques, fermement ancrées dans une culture du contrôle axée sur la sécurité.

46 La Cour pénale internationale a lancé vendredi 13 Juillet 2012 des mandats d'arrêt contre les deux principaux responsables des violences dans les Kivu (est de la République démocratique du Congo), le général mutin Bosco Ntaganda et le commandant suprême des rebelles des FDLR Sylvestre Mudacumura.

47 J. STEARNS, Op. Cit., p.64.Citant «Rwanda's Response to the Allegations Contained in the Addendum to the UN Group of Experts Interim Report», http://www.gov.rw/.

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Lors des entretiens réalisés pendant plusieurs mois de 2012 avec des officiers des FRD et de l'ex-CNDP, ainsi que d'autres agents affiliés à la rébellion, divers avis ont été exprimés sur la raison pour laquelle le Rwanda a besoin d'une telle sphère d'influence. Même les personnes censées être au coeur de la rébellion n'étaient pas du même avis sur les raisons ayant poussé le Rwanda a apporté un soutien. D'après un ancien garde du corps de Nkunda, «le Rwanda pense que cette zone est à lui -peut-être pas en tant que terre lui appartenant, mais que zone sur laquelle il a son mot à dire». «Il considère qu'elle fait partie de sa sphère d'influence», a déclaré un chercheur qui avait interrogé des dizaines de dirigeants du FPR, «c'est un ensemble d'intérêts groupés, ce n'est pas un facteur isolé».48

De ce qui précède, il y a lieu que nous puissions affirmer que le M23 recevait le soutien extérieur, un soutien de la part du Rwanda qui avait un contrôle effectif sur les rebellions du CNDP et du M23 qui a été très visible.

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