les conflits successoraux et les modalités de leur résolution en Droit congolais( Télécharger le fichier original )par Pierre Kasongo Université de Likasi - Licence en Droit 2017 |
SECTION DEUXIEME : LES ORIGINES DES CONFLITS SUCCESSORAUX.Il est impérieux de connaître les origines des conflits successoraux afin de mieux les résoudre. C'est pourquoi, au cours de la présente section, il est question pour nous de voir non seulement la naissance des conflits successoraux, mais aussi les auteurs ainsi que les victimes. Et pour finir, nous donnerons également quelques conséquences liées aux conflits successoraux. §1. La naissance des conflits successorauxDe tous les temps, un décès n'est jamais une bonne nouvelle, surtout pour les africains et particulièrement les congolais, lorsqu'on perd quelqu'un qu'on aimait et pourtant des choses innombrables sont à faire. Cependant, Bien que toute la famille soit unie dans ce moment douloureux et de si grande tristesse, le règlement de la succession fait ressurgir bien souvent des rancoeurs entre les héritiers. Les conflits entre ces derniers peuvent être de toutes sortes. 1. La contestation du testament Parfois et même bien souvent d'ailleurs, il peut s'agir d'une remise en question de la volonté du défunt en attaquant le testament. Ce dernier est de fois source des contestations successorales alors qu'il est souvent considéré comme un acte pouvant les en empêcher. Certains héritiers, en effet, peuvent contester son existence ou son contenu tandis que d'autres, soutenir son existence ou son contenu. C'est en ce sens qu'il est fait obligation à la personne qui se prévaut d'un testament de prouver la validité ou la véracité et le contenu de celui-ci. 2. Le recel successoral Toujours parmi les faits qui peuvent donner naissance aux conflits successoraux, nous pouvons relever aussi le cas de recel successoral lorsque certains héritiers constatent que l'actif du patrimoine ne correspond pas vraiment à ce qu'avait le défunt. Mais, il faut dire que le code de la famille tel que modifié et complété à ces jours ne donne pas la définition du recel successoral , elle a été établie par les cours et tribunaux et précisément la Cour d'Appel de Paris qui l'a entendu comme tout acte, tout comportement ou procédé par lequel un héritier tente de s'approprier une part sur la succession supérieure à celle à laquelle il a droit, et ainsi rompt l'égalité dans le partage successoral.(4(*)1) 3. Les mésententes entre héritiers Bien plus encore on peut également relever la mésentente entre les héritiers qui au départ avaient décidé de conserver les biens de la famille en restant dans l'indivision, mais que la gestion de ces biens dévient difficile. Certains des héritiers voulant sortir de l'indivision, mais d'autres s'y opposent. 4.Le sentiment d'inégalité ou d'injustice Il convient de souligner, par ailleurs, que dans certaines familles il y a toujours eu « le préféré » ders parents. Cette situation d'inégalité dure parfois même après leur décès. Ce préféré peut avoir été avantagé tout au long de la vie des père et mère, alors que les nombreuses donations qu'il a reçues portent de manière indiscutable atteinte à la réserve successorale. D'où, par ce simple fait, d'autres héritiers voyant la réserve successorale entamée par ces donations énormes peuvent engager un combat contre leur frère. En dehors des faits relevés ci-dessus, le Professeur YAV KATSHUNG écrit que dans nos sociétés traditionnelles un grand principe dominait la matière des successions : « les biens de la famille restaient dans la famille, ils ne pouvaient pas être dépossédés par des étrangers ». Le décès d'une personne, poursuit l'auteur, ne suscitait pas beaucoup de conflits, car les individus n'avaient pas assez des biens. (4(*)2) A ce même sujet BOMPAKA NKEYI nous enseigne que l'introduction de l'économie moderne et de la scolarisation par le colonisateur créant des besoins nouveaux a entrainé des profondes transformations au niveau des structures familiales. Les mouvements de la population consécutifs à l'avènement de l'économie moderne ont favorisé la désertion de la campagne et l'apparition des centres urbains. Dans ces centres urbains, Léopoldville, Luluabourg, Elisabethville, etc, l'homme congolais a pu réunir certains biens, une certaine fortune (maison, vélo, radio, économie en banque....) ceci, souligne l'auteur a suscité la convoitise des membres de famille (héritiers traditionnels) restés au village. (4(*)3) C'est ainsi que Yav Katshung écrit encore que depuis l'accession de notre pays à l'indépendance jusqu'à ce jour on observe dans les milieux urbains plusieurs scènes de désolation lorsqu'une personne meurt. Les membres de la famille emportent tous lesbiens laissant le conjoint survivant et les enfants dans la misère totale. Les exemples sont légion et les auteurs sont partout (centre rural ou urbain) et confondus (universitaires dont les juristes, homme de la rue, les jeunes et vieux). (4(*)4) 5. Autres faits Il découle de nos observations que l'imposition des coutumes parfois contra legem, le non respect de l'ordre utile dans la catégorisation des héritiers ainsi que l'inadaptation de la loi sont là aussi d'autres faits pouvant donner lieu aux conflits successoraux. 5.1. L'imposition de la coutume Bien que le législateur congolais du code de la famille accorde une importance à la coutume dans certaines matières, elle ne peut cependant intervenir dans le règlement d'une succession, car il s'agit d'une matière complexe, technique, affective et surtout que le droit des successions tend à garantir à la fois la solidarité entre les générations et le maintien des biens ou de leur valeur au sein de la famille Malheureusement, l'on constate avec amertume l'imposition des coutumes dans l'organisation des nombreuses successions. Ces coutumes qui, parfois contra legem, sont imposées aux héritiers légaux ou testamentaires alors qu'en réalité ces derniers n'en sont en rien tenu au regard de leur vocation successorale. C'est ainsi qu'on assiste au recours de certains principes coutumiers tels que celui nous donné par Yav Katshung : « Prenez tout, nous nous rentrons au village et on verra ». L'auteur s'exclame même en s'interrogeant combien de fois ne lisons-nous pas ou n'entendons-nous pas ces bouts de phrases dans nos cités, au décès d'une personne ou après son décès ! Et il y répond en poursuivant que maintes fois, répondrions-nous. Cela, conclut-il, renseigne le degré des conflits se rapportant aux biens laissés par le mort ou pour mieux dire le de cujus.(4(*)5)La coutume constitue ainsi un facteur non négligeable dans la naissance des conflits successoraux et à ce jour, il n'est même pas à démonter que dans nos familles certains membres et généralement ceux qui viennent du village s'en prévalent au plus grand mépris même des règles établies par le droit de succession. Il est important de souligner qu'en République démocratique du Congo, il n'existe pas encore de régime successoral régi par la coutume contrairement dans d'autres pays où on trouve parfois de régime successoral faisant l'objet des dispositions législatives fragmentaires qui, sans pourtant exposer le droit successoral dans son ensemble se bornent simplement à régler les questions ou à introduire sur certains points des innovations. 5.2. La catégorisation des héritiers par le code de la famille Comme nous l'avons dit dans le premier chapitre de notre travail, le législateur congolais du code de la famille a tenu à organiser de manière harmonieuse l'ordre utile suivant lequel les héritiers doivent venir à une succession sans testament dite succession ab intestat et ce, en catégorisant les héritiers selon qu'ils sont de la première catégorie, deuxième catégories, etc. Cependant, le non respect par les héritiers de l'ordre auquel ils sont tenus d'après leur catégorisation peut également être à la base des conflits successoraux. C'est le cas notamment d'un frère du défunt qui, en la présence des enfants de ce dernier qui sont héritiers de la première catégorie, voudrait avoir part aux trois quarts (3/4) qui constituent la réserve successorale. Il est donc important que chaque héritier au regard de la catégorie à laquelle il appartient puisse respecter l'ordre établi par les dispositions de l'article 758 du code de la famille dans le seul but d'éviter les conflits successoraux. 5.3. L'inadaptation de la loi Dans son exposé des motifs de la récente modification de 2016, le législateur congolais du code de la famille affirme de nouveau que plus de deux décennies après son application, le code de la famille révèle cependant plusieurs faiblesses. Ces faiblesses sont non seulement liées au droit de la personne mais aussi en ce qui concerne les successions. Pourtant, comme nous pouvons encore lire dans l'exposé des motifs du susdit code, la reforme opérée jadis avait principalement le mérite de concilier les éléments du droit moderne et ceux du droit traditionnel pour mieux refléter les aspirations légitimes d'un peuple en pleine mutation notamment dans le domaine du droit des successions etc. Il apparait ainsi que la loi est quelque peu inadaptée par rapport aux réalités actuelles et même partant de ce qu'elle-même prévoit. C'est ainsi que KABEYA BADIAMBUJI William, abondant dans le même sens que nous dans son mémoire d'étude approfondie en droit, note que le législateur donne l'impression de ne pas vouloir aller avec sa logique égalitaire notamment , car en reconnaissant par exemple une double vocation héréditaire à un enfant adoptif contrairement à l'enfant biologique non adopté qui n'en a qu'une seule, faisant ainsi lui-même une discrimination entre enfants , discrimination liée aux circonstances dans lesquelles leurs filiations ont été établies. L'auteur argüe que le cas est pourtant identique lorsque le législateur prévoit qu'un enfant né hors mariage et non affiliée du vivant du de cujus ainsi que l'enfant qui ne peut réclamer avec succès sa paternité contre un père ne sont héritiers que de leur mère. (4(*)6) * (41) Cour d'Appel /Paris du 21 décembre 1987, Arrêt sur les conditions du recel successoral et de l'action contre l'héritier receleur, inédit. * (42) YAV KATSHUNG, « La vocation successorale des héritiers traditionnels dans code de la famille : Solution ou provocation ? » in justitia, Volume IV, Numéro 2, P.U.L., Lubumbashi, juillet 2001, p-p13-23. * (43) BOMPAKA NKEYI, « Le problème des successions au Zaïre, état de la question et examen du projet de loi relatif au code de la famille », in Lettre de l'IRES N°9, Kinshasa, UNIKIN,1986,p-p10-20 * (44) YAV KATSHUNG, op.cit, p.65 * (45 ) YAV KATSHUNG, op.cit, p.66 * (46) KABEYA BADIAMBUJI, Problématique de l'égalité entre héritiers réservataires en Droit Congolais. Cas de la ville de Mbuji-Mayi, inédit, Mémoire de DEA, UNIMBU, 2012-2013. |
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