La présomption d'innocence et la pratique judiciaire congolaisepar Giresse Emery Kasaka Ngemi Université Révérend Kim - Licence 2017 |
2. LimitesAucune liberté ne saurait être sans limites, dit-on, car pour Jean-Jacques Rousseau, aucune liberté ne saurait être générale et absolue, elle doit s'arrêter où commence celle des autres41(*). La liberté individuelle comme corollaire de la présomption d'innocence ne fait pas exception à cette règle. En effet, bien que bénéficiant de la présomption d'innocence, pour les nécessités d'instruction, l'individu poursuivi peut être arrêté, détenu, etc. ces mesures restrictives de liberté constituent une exception au principe de la présomption d'innocence. A présent, il importe d'analyser le fondement de la présomption d'innocence. B. FondementLa présomption d'innocence est un principe qui a comme fondement juridique (1) et philosophique (2). 1. Fondement juridiqueCe principe est consacré tant dans les instruments juridiques internationaux (a) que nationaux (b). a. Les instruments juridiques internationauxLa présomption d'innocence est prévue dans la Déclaration Universelle de Droits de l'homme du 10 décembre 1948, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) le 10 décembre qui stipule dans son article 11 : « toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées42(*)». Ce principe de la présomption d'innocence n'avait d'autre but, selon eux, que d'assurer la sûreté du citoyen face aux mesures arbitraires que la justice de l'ancien régime pouvait appliquer et à la possibilité que le Roi, source de toute justice, avait de reprendre à tout moment la délégation qu'il avait consentie aux juges, c'est-à-dire de retenir le cours de la justice pour juger personnellement de l'affaire. Il s'agissait de faire en sorte que le pouvoir judiciaire assure réellement la protection juridique de celui qui était accusé, ou plus précisément que celui-ci ne soit soumis, alors que les poursuites étaient engagées, à des mesures portant atteinte à sa liberté43(*). Il n'était nullement envisagé alors de modifier les règles posées par le droit savant depuis le Moyen-âge, et qui organisaient la preuve pénale. C'est donc sur le terrain particulier de la défense d'une liberté proclamée solennellement, que la présomption d'innocence s'installe, sans pour autant faire l'objet d'une déclinaison procédurale dans les dispositions législatives prises à l'époque révolutionnaire et lors de la rédaction des codes napoléoniens44(*). Il s'ensuit que, le Pacte International sur les Droits Civils et politique adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 (PIDCP) dans son article 14-2 dispose : « toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ai été également établie45(*)». Et la Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 (CIDE) relative aux droits de l'enfant pose ce principe à l'article 40-2 en ces termes : « tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit d'être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie46(*)». Toujours dans le but de promouvoir le droit à la présomption d'innocence et garantir le respect de la personne humaine, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples verra le jour. En effet, le continent africain, à l'instar de l'Europe avec la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée en 1950 et de l'Amérique avec la Convention interaméricaine des droits de l'homme signée en 1969, n'est pas resté indifférent. Il adopte, en juin 1981, une Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, appelée aussi « Charte de Banjul », qui entre en vigueur en octobre 198647(*), fixe et renforce de manière précise et pendant ses moments durs des pouvoirs autoritaires, les droits de l'homme et les libertés fondamentales en Afrique, Charte à laquelle tous les Etats membres de l'ex-Organisation de l'Unité Africaine, actuelle Union Africaine, ont adhéré, en s'engageant de respecter ses termes et d'adopter des dispositions légales nationales pour la sauvegarde et la protection des droits de l'homme48(*). Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le préambule de la Charte pour s'en rendre compte : «[...] Reconnaissant que d'une part, les droits fondamentaux de l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne humaine, ce qui justifie leur protection internationale et que d'autre part, la réalité et le respect des droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l'homme49(*)». D'évidence, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (au Kenya) lors de la 18ème Conférence de l'OUA et entrée en vigueur le 21 octobre 1986 sa ratification par 25 Etats dont 49 des 52 membres de l'OUA de l'époque, la Charte pose le principe de la présomption d'innocence l'article 7 al.1-b, quand elle dispose : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue [...] ce droit comprend [...] le droit à la présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente50(*)». La Charte Africaine de des Droits et du bien-être de l'enfant pose ce principe à l'article 17-2 (c-i) en ces termes : «... tout enfant accusé d'avoir enfreint la loi pénale [...] soit présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été dûment reconnu coupable51(*)».
Enfin, le Traité de Rome portant Statut de la Cour Pénale Internationale pose le principe de la présomption d'innocence dans l'article 66-1 en ces termes : « toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour conformément au droit applicable52(*)». Quid de la légalité de la présomption d'innocence en droit positif congolais ? * 41 ROUSSEAU J-J., Du contrat social, « De l'état civil », Paris, éd. Politique, 1977 p188. * 42Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, http://www.un.org/fr/documents/udhr/index.shtml., consulté le 10 mai 2018, à 13 heures. * 43 FEROT P., Op. cit, p9. * 44 Idem. * 45 Pacte International sur les Droits civils et politiques adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966. http://www.admin.ch/ch/f/rs/c0_103_2.html. * 46Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989. * 47KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO P-F., Du système congolais de promotion et de protection des droits de l'homme : contribution pour une mise en oeuvre du mécanisme institutionnel spécialisé, Mémoire de DEA, UNILU, 2011, p9. * 48 Un mécanisme de contrôle a été mis en place par la Charte, la création de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, suivie par la suite de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. * 49KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO P-F., Op. cit, p9. * 50 Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18ème Conférence de l'OUA et entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification de la Charte par 25 Etats dont 49 des 52 membres de l'OUA l'ont ratifié. http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/instr_81.htm., consulté le 10 mai 2018 à 13 heures. * 51Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant, Adoptée par la Vingt-Sixième Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA, Addis Abéba, Ethiopie, Juillet 1990. * 52 Le texte du Statut de Rome est celui du document distribué sous la cote A/CONF.183/9, en date du 17 juillet 1998, et amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002. |
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