La présomption d'innocence et la pratique judiciaire congolaisepar Giresse Emery Kasaka Ngemi Université Révérend Kim - Licence 2017 |
B. In dubio proreoLa présomption d'innocence donne au prévenu l'avantage initial du droit au silence137(*) et l'avantage ultime - après la présentation de la preuve du ministère public et de toute autre preuve pour le compte du prévenu- de tout doute raisonnable138(*). Ainsi, le doute duquel nous exposons est celui qui profite au prévenu concernant les faits faisant l'objet de la poursuite. Car, en droit, les faits sont rois139(*), parce qu'une juridiction répressive est appelée à proclamer la vérité légale au sujet des faits de la cause140(*) et, elle ne peut se fonder que sur des preuves141(*). Subséquemment, le Professeur Nyabirungu rapporte l'arrêt de la Cour de cassation belge du 23 décembre 1968 dans lequel elle précise que « le doute qui doit profiter au prévenu est le doute qui porte sur la culpabilité de celui-ci concernant les faits faisant l'objet de la poursuite, mais non un prétendu doute portant sur l'application d'une disposition légale142(*)». Toutefois, Stephani Georges, Levasseur Georges et Bouloc Bernard pensent qu'un individu poursuivi n'a pas à prouver qu'il est innocent et si la preuve de sa culpabilité, faite par le Ministère Public ou la partie civile est insuffisante et qu'il subsiste en doute, il doit être acquitté ou relaxé. Etant donné que ce doute lui en profite143(*). A cet effet, le doute que n'a pas dissipé le Ministère Public profitera au prévenu. De même, ce dernier au cours du procès peut rester silencieux, parce que ce principe est le corollaire de celui de la présomption d'innocence que prône l'article 17 in fine de la Constitution du 18 février 2006. La charge de la preuve ainsi que des tous les éléments constitutifs de l'infraction incombe entièrement au Ministère Public. Ce principe - actori incumbit probatio - est de bon sens et répond à l'existence de sécurité des citoyens. Si l'accusation ne peut apporter la preuve de la culpabilité du prévenu, celui-ci sera immédiatement libéré de toute charge. §2 : Bénéficiaire de la présomption d'innocenceQui peut-on considérer comme présumé innocent : Est-ce un récidiviste (A) ou un délinquant primaire ? (B). A. Les délinquants primairesEn droit, le délinquant primaire désigne une personne qui commet pour sa première fois une infraction144(*). Aussi, le délinquant primaire est celui qui n'a pas d'antécédent judiciaire, c'est-à-dire celui dont le casier judiciaire est vierge145(*). A cette délinquance se trouve toutes les infractions commises par un délinquant primaire. De ce fait, on se demande : est-ce que l'on peut considérer seul le délinquant primaire comme présumé innocent ? A cette question, c'est la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour qui nous répond, dans l'article 17 in fine, en ces termes : « [...] toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif146(*)». Donc, les délinquants dont question dans l'article 17 in fine de la constitution, sans distinction de leur qualité de délinquants primaires ou récidivistes, bénéficient de la présomption d'innocence. D'où l'adage « ubi lex non distinguit, non distinguere debemus : là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas distinguer ». Par conséquent, même un récidiviste doit bénéficier de la présomption d'innocence, en vertu de la loi (B). * 137 Ce point de vue a été épilogué en 1908 par ENRICO FERRI dans « les criminels dans l'art et la littérature » qui pense que, « pour faciliter un crime et fuir sa punition, deux motifs d'une grande importance, le délinquant a un intérêt suprême à se taire- ce qui est exact pour la psychologie normale et ne l'est pas, tant s'en faut, pour la psychologie criminelle». ENRICO FERRI, Les criminels dans l'art et la littérature, Félix Alcan, Editeur, Paris, 1908, p40. * 138 NGOY ILUNGA WA NSENGA Th., Op. cit, p243. * 139 NGOY ILUNGA WA NSENGA Th., notes de plaidoirie, Op. cit, p8. * 140 RUBBENS A., Le droit judiciaire congolais, Kinshasa, Bruxelles, tome I, Le pouvoir et l'organisation judiciaire, éd Université Lovanium et Maison F. Larcier, 1970, p86. * 141 PRADEL J., Op. cit, p322. * 142 NYABIRUNGU mwene SONGA, Op. cit, p89. * 143 MANANJARIA A., Op. cit, p14. * 144 Microsoft® Encarta® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft Corporation. * 145 BABU YENGA Y., Op. cit, p241. * 146 Constitution de la République Démocratique du Congo, 52ème année, 1er février 2011, Journal Officiel - n°spécial. |
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