Chapitre 2 : Les responsabilités de l'employeur
et du salarié en matière de santé et
sécurité au travail
D'un côté, la loi met à la charge de
l'employeur une obligation générale de sécurité
visant la protection des salariés. Cette obligation patronale de
sécurité est mentionnée dans l'alinéa 1er de
l'article 231-2 du code du travail guinéen que« Pour
protéger la vie et la santé des salariés, l'employeur est
tenu de prendre toutes les mesures utiles qui sont adoptées aux
conditions d'exploitation de l'entreprise. Il doit notamment aménager
des installations et régler la marche du travail de manière
à préserver le mieux possible les salariés des accidents
et des maladies... ».
La responsabilité de l'employeur (Section 1) est
engagée en cas de violation de ces obligations. De l'autre, le
législateur reconnaît également au salarié une
obligation générale de sécurité. Il doit s'occuper
de sa propre santé et celle des personnes qu'ils rencontrent dans le
cadre de son activité professionnelle à savoir ses
collègues, les clients, les usagers...Le travailleur doit agir
conformément à sa formation, dans le cadre des injonctions du
patron et selon ses possibilités, ce qui indique que la
responsabilité du salarié peut être engagée (Section
2).
15CA Douai, 27 février 2004, numéro
?.
12
Section 1 :La responsabilité de l'employeuren
matière desanté et de sécurité au travail
Avec l'évolution de la législation en
santé et en sécurité au travail en ce sens que
l'obligation de sécurité au travail est devenue l'obligation
générale de sécurité, il est exigé à
l'employeur de répondre de tous les accidents et maladies survenus dans
son établissement ou liés à l'activité
professionnelle. Le code pénal, le code civil et le code du travail ont
prévu plusieurs règles dont l'inobservation entraîne la
responsabilité civile (Paragraphe 1) et la responsabilité
pénale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La responsabilité civile de
l'employeur en santé et sécurité au travail
L'article 1098 du code civil guinéen dispose que
:« En vertu de ce qui précède, tout fait quelconque de
l'homme, délits ou quasi-délits, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer » et le premier alinéa de l'article 1099 va
plus loin en disposant qu'« On n'est responsable non seulement du
dommage causé par son propre fait, sa négligence ou son
imprudence, mais aussi de celui causé par le fait des personnes dont on
doit répondre ». A la lecture de ces articles, on se rend
compte que la responsabilité civile de l'employeur est engagée
dès lors que les personnes qu'il emploie commettent un dommage à
autrui ou lorsque le dommage est causé à autrui de son propre
fait.La notion de faute inexcusable est éclaircie par une jurisprudence
française dite Amiante : « En vertu du
contrat de travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une
obligation de sécurité de résultat. Le manquement à
cette obligation prend le caractère d'une faute inexcusable dès
lors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel
était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures
de prévention ou de protection nécessaire pour l'en
préserver »16.L'obligation de
sécurité étant une obligation de résultat pour
l'employeur, il doit mettre tout en oeuvre pour la protection effective de la
santé et la sécurité des travailleurs. La jurisprudence va
plus loin en disant que l'absence de dommage ne suffit pour que l'employeur
atteigne son obligation de résultat, il s'expose à des sanctions
si ses actes posés ou ses omissions exposent le salarié à
un risque. La preuve de la faute inexcusable doit être fournie par le
salarié, ce dernier doit prouver le manquement de l'employeur à
une de ses obligations. De façon exceptionnelle, elle peut-être
présumée selon l'article L 4131-4du code de travail
français qui dispose que « Le bénéfice de la
faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L 452-1 du
code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les
travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle alors qu'eux-
16 Cass. Soc. 28 février 2002, n°
99-17.201 P
13
mêmes ou un représentant du personnel au
comité social et économique avaient signalé à
l'employeur le risque qui s'est matérialisé » et
l'article L 4154-3« La faute inexcusable de l'employeur prévue
à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale est
présumée établie pour les salariés titulaires d'un
contrat de travail à durée déterminée, les
salariés temporaires et les stagiaires en entreprises victimes d'un
accident de travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés
à des postes de travail présentant des risques particuliers pour
leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas
bénéficié de la formation à la
sécurité renforcée prévue par l'article L 4154-2
». Pour que le qualificatif faute inexcusable soit retenu, il faut la
réunion de six critères : le caractère volontaire de
l'acte ou de l'omission, la gravité exceptionnelle de la faute, la
conscience du danger, l'absence de toute cause justificative, l'absence
d'intention de provoquer le dommage.
Bien que pas prévu dans la législation
guinéenne, le harcèlement moral peut-être un fondement
d'exonération de la responsabilité de l'employeur si celui-ci
prouve que dès la connaissance des faits constitutifs
d'harcèlement moral, il a agi immédiatement et de façon
réactive ; Il doit prouver aussi qu'il a mis en place toutes les mesures
nécessaires pour éviter la survenance des faits constitutifs de
harcèlement moral. Un arrêt de la cour de cassation opère
une évolution dans la jurisprudence : « Vu les articles L.
1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; Attendu que l'employeur ne
méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre
les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et
protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment
en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir
pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.
4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de
faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les
mesures immédiates propres à le faire cesser ...
»17. Cet attendu de principe vient en en contresensdu fameux
arrêt AIR France18.
En raison de la gravité de l'infraction commise par
l'employeur, sa responsabilité pénale peut-être
engagée.
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