Avant la mise en place de l'OMS, d'autres organisations
mondiales étaient en charge des problématiques de la
santé. Tout d'abord, la Société des Nations Unies avait
mis en place un comité provisoire sur la santé. Il était
constitué par une autre organisation : l'Office International
d'Hygiène Publique (OIHP) établi en 1907. Cette organisation
s'est vue confier plusieurs missions qui seront par la suite reprises par l'OMS
: faciliter la collaboration internationale pour la lutte contre les maladies,
favoriser les échanges de connaissances et d'expériences entre
les différents pays étant membres de l'OMS163.
L'Organisation Panaméricaine de la Santé était la
troisième organisation, elle s'attelait à la santé aux
États-Unis. Cette dernière organisation va devenir plus tard le
bureau de l'OMS aux États-Unis.
163 Céline Paillette, « De l'Organisation
d'hygiène de la SDN à l'OMS: Mondialisation et
régionalisme européen dans le domaine de la santé,
1919-1954 », Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin
32, no 2 (2010): 193,
https://doi.org/10.3917/bipr.032.0193.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Face à l'évolution rapide des écopathies
et à l'urgence de préserver l'écosystème, une
transformation de la vision devient alors primordiale. Le système de
santé, doit être repensé en cherchant clairement ce qui
fait la santé et non pas ce qui soigne la santé. En effet, la
santé n'est pas seulement en rapport avec le biomédical et
l'environnement.
En continuité de la réflexion sur la
problématique sanitaire et sur la transition
épidémiologique164, l'OMS considère les MNT
comme une « épidémie » qu'il faut combattre. Selon le
rapport sur la situation des maladies non transmissibles (2014) publié
par l'OMS, une très grande partie des décès liés
aux MNT peuvent être évités. En 2012, parmi les 38 millions
de décès liés aux MNT, 16 millions (soit 42%) ont
été prématurés et évitables, contre 14,6
millions en 2000165.
L'OMS va donc pousser la recherche vers une nouvelle
révolution sanitaire plus globale et positive : globale
car cette approche s'intéresse à l'ensemble des facteurs
qui déterminent la santé. Ils peuvent être d'ordre
environnemental, social, économique ou biologique. Positive
car elle ne s'intéresse pas uniquement à maitriser et
à éradiquer les risques ou les pathologies, mais elle donne de
l'ampleur à la promotion de la santé.166
Ainsi, elle axe son orientation sur ce qui fait santé,
c'est-à-dire, que l'action doit être menée sur les facteurs
qui déterminent et qui font santé. La santé doit
être englobée avec la qualité de l'environnement dans
lequel vivent les populations. Afin qu'une population soit en bonne
santé, elle doit vivre dans un environnement sain. Peut-on alors
être dans un état de complet bien-être dans un monde malade
?167. En effet, le constat est fait à travers les
données statistiques à l'échelle mondiale, sur le
dysfonctionnement de l'ensemble des facteurs dont la santé des individus
a besoin pour se développer : une société
malade168, dont le volontarisme politique et volontairement absent,
ne peut pas offrir une meilleure santé à sa population.
Cette approche holistique de la santé
s'intéressant aux facteurs qui déterminent la santé est
apparue vers la moitié du XXe siècle et plus
précisément depuis que l'OMS, en 1946, a défini
164 Henri Picheral, « Géographie de la transition
épidémiologique », Annales de Géographie
98, no 546 (1989): 129-51,
https://doi.org/10.3406/geo.1989.20898.
165 OMS, « Maladies non transmissibles ».
166 Anne Roué Le Gall, « «Agir pour un
urbanisme favorable à la santé, concepts & outils » ;
Guide EHESP/DGS, ROUÉ-LE GALL Anne, LE GALL Judith, POTELON Jean-Luc et
CUZIN Ysaline, 2014. », Guide (EHESP, 2014).
167 Chantal Godin, « Jean Lebel, La santé: Une
approche écosystémique: Ottawa, Canada, CRDI, Un focus, 84 p.,
2003 », VertigO, 1 septembre 2005,
https://doi.org/10.4000/vertigo.4726.
168 Pierre Guillaume, « Une société à
soigner: Hygiène et salubrité publique en France au XIXe
siècle: Gérard Jorland , Paris, Bibliothèque des
histoires, Gallimard, 2010, 361 p., 27 €, ISBN : 978-2-07-012615-6 »,
Revue d'histoire de la protection sociale 3,
no 1 (2010): 140,
https://doi.org/10.3917/rhps.003.0140.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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la santé comme « un état de
complet bien-être physique, mental et social et [qui] ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité»169. Projetée au rang
des droits de l'Homme, elle devient pour l'OMS une «condition
fondamentale de la paix dans le monde»170.
En dépit de ce nouveau paradigme, les recherches
scientifiques sont restées longtemps, jusqu'aux années 1970,
cantonnées dans le giron de l'approche biomédicale. Elles
étaient principalement concentrées sur la
pathogénèse (Diagnostics et recherches sur les causes des
maladies).
Cette approche globale et positive de la santé a
déjà fait l'objet d'une étude et d'un rapport
précisant, pour la première fois, l'influence d'un ensemble de
facteurs interagissant ensemble sur la santé. En 1974, Marc LALONDE,
alors Ministre de la Santé du Canada, présente dans son rapport
sur les quatre influences principales sur la santé : la biologie
humaine, l'environnement, les soins de santé et les modes de vies qu'il
faut bien prendre en compte pour parler santé.171
169 OMS, « La Constitution a été
adoptée par la Conférence internationale de la Santé,
tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les
représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes
off. Org. mond. Santé, 2, 100) et
est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements adoptés
par la Vingt-Sixième, la Vingt-Neu_vième, la
Trente-Neuvième et la Cinquante et Unième Assemblée
mondiale de la Santé (résolutions WHA26.37, WHA29.38, WHA39.6 et
WHA51.23) sont entrés en vigueur le 3 février 1977, le 20 janvier
1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement; ils sont
incorporés au présent texte », 22 juillet 1946.
170 OMS, « La Constitution a été
adoptée par la Conférence internationale de la Santé,
tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les
représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes
off. Org. mond. Santé, 2, 100) et
est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements adoptés
par la Vingt-Sixième, la Vingt-Neu_vième, la
Trente-Neuvième et la Cinquante et Unième Assemblée
mondiale de la Santé (résolutions WHA26.37, WHA29.38, WHA39.6 et
WHA51.23) sont entrés en vigueur le 3 février 1977, le 20 janvier
1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement; ils sont
incorporés au présent texte ».
171 Godin, « Jean Lebel, La santé ». art.
déjà cité
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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Ces facteurs (les déterminants de la santé) se
définissent comme des éléments qui influencent
l'état de santé et du bien-être des individus, de
façon isolée ou en interaction avec d'autres facteurs.
Ces déterminants de santé peuvent être :
- Individuels : âge, sexe, patrimoine
génétique, comportement.
- Socio-économiques : accès au logement,
à l'emploi, à la culture, à l'éducation, relations
humaines, vie sociale, accès aux services et produits de
consommation.
- Environnementaux : qualité de l'air, de l'eau, de
l'environnement (Bâti et non bâti)
- Politiques (urbaines, habitat, transport, emploi, soins
primaires172
Après les travaux de Lalonde, en 1978, la
déclaration d'Alma-Ata relative aux soins de santé primaire est
venue à son tour renforcer cette approche holistique en alertant les
gouvernements sur l'urgence de la mise en oeuvre d'une action à
l'échelle mondiale afin de préserver la santé des
habitants du monde173. Ensuite la charte d'Ottawa, pour la promotion
de la santé, en 1986 a conforté cette conception de la
santé en prenant comme base les principes de la déclaration
d'Alma-Ata, les aspirations de l'OMS par rapport à sa stratégie
de la Santé pour tous ainsi que le changement
de paradigme sur l'action intersectorielle et
interdisciplinaire pour la santé174. Sa
vision de la promotion de la santé réside dans le fait que chaque
individu peut davantage maitriser et améliorer sa santé.
L'individu doit donc « pouvoir identifier et réaliser
ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou s'y
adapter ».175 La santé est donc plus qu'un
état. Elle est observée comme une ressource que l'individu peut
employer quotidiennement dans sa vie et non comme une finalité totale
à atteindre dans la vie176. C'est une conception positive
dont l'ambition est le bien-être complet de l'individu. Elle
présente cette ambition en proposant la promotion de la santé
selon 5 axes :
· « Élaborer des politiques
favorables à la santé
172 Roué Le Gall, « «Agir pour un urbanisme
favorable à la santé, concepts & outils » ; Guide
EHESP/DGS, ROUÉ-LE GALL Anne, LE GALL Judith, POTELON Jean-Luc et CUZIN
Ysaline, 2014. »
173 « Déclaration d'Alma-Ata », s. d., 3.
174 Éric Breton, « La Charte d'Ottawa : 30 ans sans
plan d'action ? », Santé Publique 28,
no 6 (2016): 721,
https://doi.org/10.3917/spub.166.0721.
175Idem, art. déjà cité 176
Idem, art. déjà cité
·
Créer des environnements favorables
;
· Renforcer l'action communautaire
;
· Acquérir des aptitudes individuelles
;
· Élargir le mandat des services de
santé au-delà de l'offre de services cliniques et curatifs, dans
le sens de la promotion de la
santé».177
Cette stratégie de promotion de la santé se
veut ambitieuse et dépassant le cadre de l'organisation des soins et de
la recherche sur les risques, tout en inscrivant cette conception de la
santé au coeur de toute action publique178 (Healt
in the all policy)179. Elle
remet donc la santé des populations comme une ressource dépendant
des conditions de vie et de l'implication des décideurs politiques.
Eric Breton, constate que malgré l'engouement que la
charte d'Ottawa a suscité, le mouvement de promotion de la santé
désespère toujours à institutionnaliser sa vision de la
santé publique. Ce constat est tiré de son analyse de
l'évolution du concept en France. Selon lui, il existe peu de
référence à la promotion de la santé comme l'entend
la charte d'Ottawa. Il donne l'exemple de l'absence de la promotion de la
santé de l'organigramme du ministère de la
santé180. En effet, la promotion de la santé, en
France réside uniquement dans l'éducation.
Il fallut attendre 20 ans plus tard après l'analyse de
LALONDE, plus précisément en 1990, que la recherche ait pu
avancer pour passer de la pathogénèse à la
salutogénèse181. Elle s'intéresse plus
précisément à ce qui fait santé, c'est à
dire à l'ensemble des facteurs qui déterminent et qui renforcent
l'état de santé. Ce changement de paradigme s'explique par
l'évolution des maladies chroniques, la hausse des coûts des
soins, la précarité sanitaire relative aux
inégalités sociales de santé qui ne cesse d'augmenter,
l'incapacité du biomédical à éradiquer certaines
pathologies chroniques et la forte conscientisation sur l'importance et
l'ampleur des facteurs déterminants la santé. En effet, cette
approche globale et positive de la santé vient s'inscrire
177 Idem, art. déjà cité
178 Sébastien Guigner, « De « la santé
dans toutes les politiques » à « toutes les politiques dans la
santé » : le régime de visibilité de la prise en
compte de la santé dans les politiques de l'Union européenne:
Commentaire », Sciences sociales et santé
34, no 2 (2016): 71,
https://doi.org/10.3917/sss.342.0071.
179 « WOH-Health in All Policies (HiAP) Framework for
Country Action January 2014 », s. d.
180 Breton, « La Charte d'Ottawa ».
181 Hugh Barton & Catherine Tsourou, « URBANISME ET
SANTE Un guide de l'OMS pour un urbanisme centré sur les habitants
» (OMS, 2000).
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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dans une démarche pour rompre avec l'approche
biomédicale qui s'intéresse à la santé uniquement
via le prisme médicamenteux et pathologique, selon lequel la
santé et son traitement appartiennent au corps médical.