Urbanisme et santépar ERIC Omar MOUSTAQIL Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020 |
VI.3.c- Lausanne : ville Métasanté, ville labélisée : ville activeContexte socio-urbain293 294 Située en Suisse, au bord du Lac Léman en plein coeur de l'Europe, la ville de Lausanne jouit d'une situation géographique favorable à sa connectivité avec le monde extérieur. D'excellentes connexions avec la France et l'Italie lui permettent d'enrichir et développer, depuis des siècles son identité et les activités qui y s'installent. L'enseignement supérieur est un domaine qui profite particulièrement de ce rayonnement international, de nombreuses écoles y étant implantées depuis longtemps. Elle est également un modèle référent dans le monde du sport avec une cinquantaine d'associations sportives internationales y siégeant. La plus emblématique est le Comité International Olympique qui donne à Lausanne le statut de « Capitale Olympique » depuis 1994. La ville de Lausanne est en pente, son dénivelé est de plus de 500 mètres, elle bénéficie donc d'une vue imprenable sur le Lac Léman et les Alpes. Sa topographie est extrêmement accidentée et pose des problèmes en matière d'urbanisation. En effet, l'urbanisation de la ville en contrebas des collines l'a inscrit dans un vaste territoire à multiples contraintes, sur lesquelles l'urbanisme a su produire un modèle à part entière. Depuis la fin XIXe siècle et l'expansion urbaine, la ville, dans le cadre de son développement, ne cesse de négocier avec une pente imposante et parfois paralysante. Cassant les fluctuations 293 Tiré de « Plan directeur communal- Ville de Lausanne- Version adoption Conseil communal Mars 2021 » (Ville de Lausanne, mars 2021) et du site officiel de la ville. 294 Bureau de la communication-Web & multimédia - webmaster@lausanne.ch, « Site officiel de l'administration communale de la Ville de Lausanne, capitale olympique », Site officiel de la Ville de Lausanne, consulté le 20 novembre 2021, https://www.lausanne.ch/lausanne.html. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 3 | 1 4 8 du relief pour mieux le dompter, l'urbanisme lausannois a comblé les dépressions, percé et creusé les versants, traçant même des ponts qui prolongent les courbes d'une colline à l'autre. Bâtie autour de trois collines, Lausanne constitue la plus grande ville du Canton de Vaud et 4e agglomération au niveau national, elle compte plus de 145 000 habitants. Elle jouit d'un environnement atypique, encadrée de montagnes et au pied de l'un des plus grands lacs d'Europe. Grâce à cette situation, c'est une ville d'une grande importance tant pour les Suisses que pour les pendulaires venant de France. Elle est constituée de plusieurs centralités et se développe vers l'ouest. Sa densité est de 3 369 habitants/km2. Plus l'on s'approche de l'hyper-centre de Lausanne, plus la densité de population est forte. Le centre de la ville de Lausanne est majoritairement minéralisé avec du béton, de l'asphalte et de la pierre, ce qui ne laisse que peu de place aux végétaux, favorisant ainsi les îlots de chaleur. Ceci affecte bien entendu le bien-être des habitants de la ville. Jusqu'à la fin des années 90, Lausanne a vu sa population baisser. Cette tendance a été inversée et aujourd'hui, la population lausannoise est en perpétuelle augmentation. La ville devient très rapidement la 4ème ville de Suisse avec la densité de sa population et son attractivité mais elle est confrontée à une forte pénurie de logements. 20% des habitants du canton de Vaud résident à Lausanne, 50% vivent dans l'agglomération de Lausanne. Pour faire face à cette forte croissance démographique, Lausanne s'est lancé le challenge de pouvoir accueillir 30 000 nouveaux habitants d'ici 2030, avec des logements et des équipements publics permettant d'avoir une très bonne qualité de vie295. Nous pouvons constater que l'accueil de nouveaux habitants venant de l'étranger renforce l'aspect cosmopolite de Lausanne. Aujourd'hui, 40% de la population n'est pas de nationalité suisse. Chez les jeunes, ce chiffre s'élève à 50% et conforte pour les années à venir l'identité multiculturelle de la ville296. 295 editeur, « Diagnostic des espaces publics du centre-ville de Lausanne », Rue de l'avenir (blog), 10 avril 2021, https://rue-avenir.ch/actualites/diagnostic-des-espaces-publics-du-centre-ville-de-lausanne/. 296 Bureau de la communication-Web & multimédia - webmaster@lausanne.ch, « Lausanne: la petite ville qui a tout le potentiel d'une grande », Site officiel de la Ville de Lausanne, consulté le 19 octobre 2021, https://www.lausanne.ch/officiel/administration/finances-et-mobilite/routes-et-mobilite/a-propos/projets/lausanne-la-petite-ville-potentiel-grande.html. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 4 | 1 4 8 VI.4- Comment la prise en compte de la santé par l'urbanisme peut orienter ses actions et projets ? Urbanisme favorable à la santé ou urbanisme préventionnel pour la santé ? Pour répondre correctement à cette problématique, il nous faut, premièrement, préciser notre objet d'étude. Lors de nos entretiens, et de notre étude, nous nous sommes confrontés à une difficulté. Si nous étudions les documents de planification urbaine (PLU(i), PADD, PDCom etc.), nous remarquons que la santé est en général intégrée dans ces derniers. En revanche, elle n'y est pas intégrée explicitement. Comme nous le verrons, Avignon est un exemple de ce cas. En effet, Avignon dispose d'une OAP « Mobilité Active »297 dans laquelle elle n'exprime pas directement les considérations autour de la santé de son action, laissant paraître une approche environnementaliste. Nous montrerons que la réalité est plus nuancée. Pourtant, les décisions d'urbanisme que prend la ville ont des conséquences sur l'évolution de la santé des populations. Ainsi, dans cette partie, nous justifierons concrètement la distinction entre un « urbanisme favorable à la santé » et une « démarche préventionnelle pour la santé ». Cette distinction s'avère importante. En effet, une « démarche préventionnelle » suppose des choix urbanistiques pris en conscience des déterminants de santé. Pour répondre à notre problématique principale, il ne s'agit donc pas d'étudier les conséquences de choix d'urbanisme sur la santé, mais bien d'étudier comment la prise en compte des déterminants de santé par l'urbanisme oriente ses actions et projets. A partir des entretiens et de l'étude des documents de planification selon la méthodologie précédemment expliquée, et de la comparaison entre nos trois villes, nous traiterons de plusieurs variables d'aménagement et analyserons comment leur traitement en fonction des déterminants de santé amène à modifier l'action des villes. 297 OAP thématique -mobilité active- PLU en cours de révision Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 5 | 1 4 8 VI.5- De la densité à la « compacité qualitative » : quelle importance pour les déterminants de santé ? Depuis les années 90, la ville de Rennes sous l'impulsion de la réflexion de Jean-Yves Chapuis298 a développé le concept de « ville-archipel » en lien avec les communes environnantes. Cette réflexion amena à la création de « Rennes Métropole » en 2000 puis à l'élaboration du SCOT entre les communes collaborant. Derrière ce concept, il y a un constat : celui de la périurbanisation. Jean-Marie Halleux explique que celle-ci a été rendue possible par une mobilité facilitée grâce à l'utilisation de la voiture mais qu'elle résulte de l'aspiration résidentielle individuelle299. Les populations, principalement issues de la classe moyenne, aspirent à la nature, au jardin privé tout en pouvant se déplacer aisément vers les destinations choisies. Alain Bourdin explique dans la Métropole des individus300, que l'individu devient le centre du monde, où dans son monde propre, il doit faire des choix individuels pour le faire évoluer. En prenant en compte cette dimension, les pouvoirs publics et les urbanistes ne pourront proposer des évolutions qu'en s'y adaptant, c'est-à-dire, selon Bourdin, en produisant des offres attirantes ou du moins satisfaisantes pour la majorité de la population. Mais ces offres ne répondent aux besoins que des personnes qui attendent la généralisation de la mobilité active pour laisser leurs voitures et se déplacer par ce biais. Que peut-on instaurer pour rendre la mobilité active accessible et attractive pour tous ? En ce sens, la ville d'Avignon se base sur le modèle des villes des Pays-Bas, du Danemark entre autre. Elle met en avant tous les éléments facilitant les déplacements grâce à la mobilité active et fait tout pour restreindre l'utilisation de la voiture. Cette stratégie est approuvée par les urbanistes. Dans les pays nordiques, une grande place est accordée à la mobilité active au détriment de la mobilité passive. En effet, circuler dans ces villes en voiture est compliqué aussi bien d'un point de vue spatial que temporel. Les géographes, les sociologues, et les philosophent sont en accord sur ce constat. Le fonctionnement de la mobilité active dans les pays du Nord s'explique par le fait 298 Jean-Yves Chapuis a été directeur de l'école d'architecture et adjoint à la ville de Rennes. Il est vice-président de Rennes Métropole, délégué aux formes urbaines. Dernier ouvrage paru : Rennes, la ville archipel, éditions de l'Aube. 299 Jean-Marie Halleux, « Vers la ville compacte qualitative ? Gestion de la périurbanisation et actions publiques », Belgeo, no 1-2 (8 mars 2012), https://doi.org/10.4000/belgeo.7070. 300 Alain Bourdin, La métropole des individus, Monde en cours (La Tour d'Aigues: Aube, 2005). Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 6 | 1 4 8 que le parc automobile est trop important, créant un engorgement et embouteillages. D'autre part, les villes nordiques revoient leurs plans de circulation routière afin de rendre la circulation plus fluide et favorisant l'adoption de modes de déplacement alternatifs et durables. Il en résulte que pour réussir l'adoption de la mobilité active pour tous, deux démarches peuvent être mise en oeuvre : l'approche facilitatrice de la pratique de la mobilité active et l'approche dissuasive de la pratique de la mobilité passive (la voiture). (Cf. Figure 19 : extrait de l'OAP thématique mobilité active -Vers la fin du tout-voiture) Ainsi, depuis les années 2000, plusieurs courants d'urbanisme (urbanisme durable, New urbanism301 , etc.) ont cherché à s'adapter aux situations dans lesquelles les villes étaient, et à agir sur plusieurs variables d'aménagement afin de développer une ville plus durable. Dans ce cadre, les urbanistes ont développé les grands principes de la « compacité qualitative » qui conjuguent une politique spatiale et temporelle. Parmi, ces grands principes, le premier est la réduction de l'usage de l'automobile. En développant une offre de transports en commun et la possibilité d'employer les modes doux, il est ainsi possible de réimaginer les proximités spatiales. Rennes cherche à développer précisément la « ville-archipel » par la métropolisation. Elle veut recomposer l'espace urbain à partir des villes périphériques et des centralités secondaires existantes, en les densifiant, et en créant une connexité grâce à un réseau de transports en commun et de mobilités actives. Le second principe est de mettre en place des urbanisations résidentielles compactes et attractives, au sein de la trame bâtie existante et en extension autour des réseaux de transports en commun302. Cette résidentialisation prenant en compte les besoins sociaux d'espaces verts doit alors proposer une offre d'espaces verts publics. C'est ce que Rennes réalise à travers la métropole en réfléchissant à une urbanisation qui dépasse désormais la rupture urbaine/rurale, en profitant de l'urbanisation intra-rocade, mais également des ceintures vertes environnant la ville. Nous ne développerons pas plus sur l'idée de cette ville « éco-efficiente ». À diverses échelles, c'est ce que grand nombre de villes cherchent aujourd'hui à réaliser et nous développerons cette description pour Lausanne et Avignon. Ce qui nous intéresse est de repartir du constat initial qui mène à la conception d'une ville « compacte qualitative » et d'étudier comment la prise en compte récente des déterminants de santé (Rennes et Lausanne) ou leur non-prise 301 Reyburn, Stefan Reyburn, « L'urbanisme
favorable à la santé: une revue des connaissances actuelles
sur 302 Halleux, « Vers la ville compacte qualitative ? » Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 7 | 1 4 8 en compte explicite, actuelle303, conduit l'urbanisme à modifier son action. En se concentrant sur l'exemple de la mobilité active, nous allons tout d'abord réfléchir aux réseaux de mobilité. Nous nous concentrerons ensuite sur la question de la densité et du polycentrisme à travers une comparaison entre l'éco-quartier de Beauregard à Rennes, le futur éco-quartier des Plaines-du-Loup à Lausanne, et le quartier Joly-Jean ainsi que par une étude du Plan Faubourg de la ville Avignon. VI.6- L'intégration de la santé dans la politique urbaine : Analyse interne de la prise en compte des déterminants de santé. Selon une étude sur les politiques urbaines de Rennes, Avignon et Lausanne, nous faisons le constat que Rennes prend en compte les déterminants de santé à travers divers documents de planification. Même si la ville est membre du réseau français ville-santé depuis 1987, elle a initié une politique urbaine intégrant la santé au début des années 2007/2010, par deux projets faisant l'objet d'une Évaluation d'Impact sur la Santé (EIS) : la crèche Colette et la Halte ferroviaire proche de l'Hôpital dans le quartier Pontchaillou. Le premier projet s'inscrit dans une démarche rétrospective et le second dans une démarche prospective. À partir de ces deux expériences, la ville et la métropole de Rennes ont commencé un travail réflexif afin d'intégrer la santé dans les politiques urbaines comme l'a bien expliqué Fréderic AUFFRAY lors de notre entretien sur Rennes. « Ces deux projets ont impulsé une réflexion sur cette thématique, un comité interdisciplinaire (EHESP, Ville de Rennes, Université Rennes 2 etc.) a été créé afin de mener une réflexion sur l'intégration, d'abord, de la santé dans la politique urbaine puis dans tous les services. Le service santé-environnement était l'instigateur du projet de promotion d'un environnement urbain favorable à la santé en sollicitant le service d'urbanisme. Dans un premier temps, il a été important de mener une analyse réflexive sur l'organisation du projet, les questions soulevées étaient d'abord d'ordre organisationnel afin d'éviter le travail en silo: qu'est ce qui lie les services ? quelles sont les connexions et sur quel thème pourront travailler en mode projet ? » 304 303Nous nuançons car dans le NPNRU, la santé est explicitement prise en compte avec un « plan marche » (cf.NPNRU, Convention) 304 Lors de l'entretien avec M. Frédéric AUFFRAY, qui nous a expliqué la genèse de l'intégration de la santé dans les politiques urbaines. Notamment dans la planification. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 8 | 1 4 8 Un travail d'acculturation a commencé à se déployer dans les services, notamment dans celui de l'urbanisme, tâche qui n'était pas très facile à réaliser car 305 : « Les agents du service urbanisme étaient réticents à l'idée d'intégrer la santé dans la planification. Ils avaient besoin d'être acculturés et convaincus de ce nouveau concept. Pourtant cela va de soi, lorsque nous évoquons l'activité physique automatiquement, nous évoquons la santé et de la même manière, l'alimentation, la nature en ville, la lutte contre la pollution, contre les ilots de chaleur, la gestion de l'eau etc. ». Dans une démarche interdisciplinaire, Rennes a commencé par l'installation des échanges avec l'université et les étudiants, notamment l'EHESP et le CHUR (centre hospitalier universitaire de Rennes).306 De ce fait, Rennes a inclus la notion d'urbanisme favorable à la santé dans son tout premier Contrat Local de Santé (CLS) 2013/2015, à son deuxième PLS et à son EIS307. Il est à noter que le fait que la majorité des élus de la ville soient déjà acculturés sur ce thème a facilité son intégration dans la politique urbaine. Sur le plan méthodologique, une EIS a été élaborée pour la réalisation du PLUi. Celle-ci a sorti au grand jour la problématique de l'obésité et des problèmes dentaires chez les enfants. La ville de Rennes, souhaitant aller plus loin dans le développement de cette thématique et dans l'acculturation de l'ensemble des agents de la ville et de la métropole, a mis en place des mesures importantes pour la maitrise de cette thématique qui reste complexe. Elle créé donc des référents santé dans chaque service pour faciliter la communication et le travail des services en synergie, organise des conférences internes, présente des études, met en place des rencontres avec l'EHESP afin de les doter d'outils et de méthodologie. La ville s'est également inscrite en partenariat avec l'EHESP, dans une démarche internationale, Complex Urban Systems for Sustainability and Health (CUSSH)308, qui a pour objectif de transformer les engagements environnementaux et sanitaires en action urgente. Il est à noter qu'un tel projet ne peut se réaliser qu'avec une implication et une forte volonté politique. À ce titre, M. F. AUFFRAY lance un projet de haute importance : la création d'une instance urbanisme santé, composée d'élus et de techniciens, coprésidée par la ville et la métropole. Cette instance s'inscrit non seulement dans une démarche réflexive visant à intégrer la santé dans toutes les politiques publiques mais 305 Entretien avec M. AUFFRAY 306 Idem 307« CLS Rennes_2013-15_.pdf », https://www.bretagne.ars.sante.fr/sites/default/files/2016-12/CLS%20Rennes_2013-15_.pdf. (AXE 6 : « Promouvoir un environnement urbain favorable à la santé » Objectif 17 et action 34, p57. 308 CUSSH, « Rennes -- Complex Urban Systems for Sustainability and Health (CUSSH) », CUSSH, consulté le 17 novembre 2021, https://projectcussh.org/fr/cities/rennes/. également pour prévenir et mettre en place des mesures qui sont à même de faire face à des crises épidémiques comme la Covid-19. En effet, la Covid-19 a bouleversé le fonctionnement décisionnel et organisationnel de la ville et connait l'émergence et la pratique d'un urbanisme tactique qui est toujours d'actualité au regard de l'avancement de l'épidémie. À ce jour la ville n'a pas assez de recul sur les décisions prises pour y faire face. Quant à Lausanne, elle a intégré la santé dans le Plan Directeur Communal (PDcom de mars 2021). À l'origine, ce sont les conseillers municipaux (Vert) qui ont formulé dans des postulats (Cf. Annexe 3) en invitant la municipalité à étudier la question de la santé en ville. Trois questions ont été envoyées à la municipalité à différentes temporalités, ainsi « Mme Natacha Litzistorf a envoyé le postulat « La santé des populations, c'est aussi l'affaire des Villes I », déposé le 19 janvier 2010 et renvoyé à la Municipalité pour étude et rapport le 15 février 2011, le postulat de Mme Sophie Michaud Gigon et de M. Valéry Beaud intitulé « Doter le Nord-Ouest lausannois d'un parcours santé (type piste vita)», déposé le 27 novembre 2012 et renvoyé à la Municipalité pour étude et rapport le 4 février 2014, ainsi que le postulat de Mme Sophie Michaud Gigon et consorts intitulé « Agir sur l'environnement construit pour la santé de toutes et tous », déposé le 22 septembre 2015 et renvoyé à la Municipalité pour étude et rapport le 27 octobre 2015 ».309 Dans un rapport-préavis (Cf. Annexe 3), la municipalité formule sa réponse favorable à ces trois postulats et signale qu'ils s'inscrivent parfaitement dans la politique de promotion de la santé que la municipalité envisage de mettre en place et notamment dans l'opportunité offerte par l'urbanisation des Plaines-du-Loup (Ecoquartier). En effet, sa philosophie est construite à partir du projet Métasanté, que nous développerons dans la dernière partie. La municipalité souhaite donc s'appuyer sur trois outils pour réussir cette démarche : Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 0 9 | 1 4 8 309 Cf. annexe n°3 : Rapport-préavis de la ville de Lausanne
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Afin d'appliquer cette vision, la ville veut faire appel au meilleur des trois moyens mis à sa disposition, c'est-à-dire :311 310 Idem (rapport préavis de la ville) 311 Idem (rapport préavis de la ville)
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A ces aménagements, s'ajoutent des recommandations sur la largeur des voies, mais également des recommandations sur les façades des bâtiments qui doivent être dynamiques et attractives. Il existe donc une réflexion autour de la contrainte et de l'attractivité pour inciter à la mobilité active. Avignon intègre dans sa réflexion plusieurs points de l'analyse du projet ISadOrA comme la continuité des modes actifs, la sécurité, l'accessibilité simplifiée aux services mais également l'attractivité. En revanche, sur ce dernier point, il est intéressant de noter que l'attractivité est majoritairement traduite par une action sur l'aménagement paysager. Nous pensons qu'il serait intéressant de prendre en compte les déterminants de santé et donc d'axer également l'attractivité sur des éléments d'aménagements tels que ceux cités précédemment pour les loisirs, le sport, ou encore d'autres facilitant la mobilité active. Sans prétendre qu'Avignon ne prévoit pas ces types d'équipements, nous notons que dans leur document de planification (OAP Mobilité active), ces aménagements ne sont pas prévus en principe. Il nous semble que cela démontre bien que lorsque l'on ne prend pas en compte explicitement les déterminants de santé, les possibilités de l'action de l'urbanisme s'en trouvent donc réduites au prisme environnemental. Par ailleurs, l'absence en principe de ces équipements, limite également leur potentiel mise en place dans la ville et donc l'effet sur la santé. Un fait actuel intéressant à noter est le dépassement de la rupture rurale et urbaine. Sur Rennes, la ville-Archipel, a pour objectif de dépasser cela327, sans la dépasser entièrement encore. La ville-Archipel, dans sa structure, se veut une ville aérée et connectée permettant l'accès facile aux différents services et espaces publics ainsi que privés. Néanmoins elle présente des contraintes pour les communes excentrées, notamment sur l'accès au centre de Rennes. En effet, elle ne propose pas d'offre de mobilité à même de désengorger la rocade qui présente une problématique à la fois environnementale et sanitaire (pollution et sédentarité). Ainsi, Jean-Yves Chapuis préconise aux entreprises de retravailler et de décaler les horaires de travail, de développer le télétravail qui permettra de diminuer la part modale de déplacement individuel motorisé. La Rocade rennaise, selon nous, marque donc encore une rupture urbaine importante, bien que des perméabilités ait été créées. C'est un défi actuel 326 Idem, 327 Jean-Yves Chapuis et Jean Viard, Rennes, la ville archipel, Bibliothèque des territoires (La Tour-d'Aigues: Ed. de l'Aube, 2013). et futur pour la métropole rennaise. La ville-Archipel ne peut fonctionner qu'avec l'intégration de la mobilité douce à sa conception. Malgré tout, si nous étudions la géographie rennaise et les applications concrètes de la ville-Archipel, aujourd'hui, nous pouvons grossièrement indiquer que la ville entre en campagne (par le mouvement de périurbanisation du XXème siècle puis par la densification) et que la campagne entre en ville (par l'aménagement mais aussi par la réduction des frontières). Rennes profite de ce fait en voulant développer le Réseau Express Vélo (REV). Ce fait, du point de vue de la mobilité active devient intéressant à étudier. En effet, nous avons noté qu'aujourd'hui les modes actifs sont employés majoritairement en raison de la proximité des services créée par la naissance de nouvelles centralités (ce que nous étudierons plus loin). Nous constatons donc, que pour certaines villes, les populations pour du trajet court, marchent ou prennent le vélo. En revanche, pour du trajet moyen, la part modale des modes actifs chute. Le point étudié précédemment sur l'aménagement des voies pour les modes actifs est une première réponse. Elle ne répond que partiellement à la problématique d'incitation à la marche ou au vélo. De ce fait, il faut profiter de réduction de la fracture entre la campagne et la ville pour passer d'une mobilité active uniquement de court trajet à une également de moyen trajet. De plus, Rennes dispose d'un bureau des temps, celui-ci tient des cartes qui montrent globalement les disparités des éloignements tout mode de transport confondu y compris piétons et vélo. Il cherche à répondre aux questions relatives à la temporalité de la ville et de la métropole : Comment faire une ville de proximité ? Comment les communes limitrophes peuvent accéder aux services et équipements de la ville centre ? Comment organiser la ville archipel autour des bus, métro, et mode actif ? etc.328 Outre l'exemple du REV rennais et sa gestion de la temporalité, il est intéressant d'étudier de nouveau l'OAP avignonnaise (figure n°26). Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 2 | 1 4 8 328 Entretien avec Frédéric AUFFRAY, Directeur responsable de la planification, maitre de conférence à l'université Rennes 2. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 3 | 1 4 8 Figure n° 26 : Les grands principes du maillage des modes actifs (OAP) Source : OAP- Ville d'Avignon -mars 2021 Sur cette carte, concernant le vélo (mais cela peut s'appliquer à la marche), nous notons, à ce stade, deux faits. Si nous négligeons pour l'instant, le maillage avec le centre-ville comme point attracteur (ce que nous traiterons ensuite), nous remarquons que la ville compte mettre en place une vélo-route suivant la trame bleue, ainsi que des boucles locales autour de son patrimoine naturel. Plus précisément, la Ceinture Verte avignonnaise, espace agricole, et l'Île de la Barthelasse, peu urbanisée, constituent des espaces « de campagne » au sein de la ville. Avec la vélo-route, la ville rend aisément accessible ces espaces à n'importe quel avignonnais. De plus, elle s'appuie sur l'île de la Barthelasse, Montfavet (avec son aspect village), pour inciter la population au moyen trajet, en mode actif. Elle fait donc de ses trames verte et bleue des attracteurs pour inciter à marcher et à faire du vélo. Il serait intéressant de réfléchir à des aménagements de santé précédemment cités, tout en préservant l'ambiance de l'espace, pour en faire des « centralités d'activités physiques et touristiques » accessibles uniquement en mode doux lorsque possible. Par exemple, cela nous semble réalisable pour l'Ile de la Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 4 | 1 4 8 Barthelasse qui pourrait être accessible uniquement en mode doux (sauf pour les riverains), en profitant de la vélo-route y passant mais également de la navette fluviale et du bus arrivant à l'Ile Piot (liée à la Barthelasse). La Barthelasse deviendrait ainsi un parc urbain dédié à l'activité physique et au tourisme vert. La requalification de la trame viaire pour les modes doux ne redéfinit pas seulement l'espace urbain mais également sa temporalité. En effet, Rennes, Lausanne comme Avignon, travaillent sur un double axe pour la mobilité active : l'attractivité et la contrainte à l'usage du véhicule motorisé. Comme nous l'avons vu, le développement des voies de partage et des voies spécifiques au mode doux contraint déjà l'utilisation de la voiture. Elles travaillent également à des limitations spécifiques y compris sur les voies routières en réfléchissant par exemple à des sens de circulation, ou à l'abaissement des limites de vitesse. Ainsi, la temporalité est redéfinie, au sens où, ce qui était accessible en un certain temps dans un certain mode ne l'est plus ou le devient. Par exemple, Avignon, avec ce projet de maillage, peut rendre accessible le centre-ville en vélo, en moins d'un quart d'heure, pour des habitants de la troisième couronne derrière la Rocade. Aujourd'hui, cela est difficilement réalisable car ne serait-ce que pour traverser la Rocade, il faut un certain temps. La création d'une continuité en mode actif à travers la Rocade permettrait donc de réduire le temps de traversée modifiant ainsi le temps d'accès au centre-ville. Réciproquement, la création de continuité en mode actif à travers la Rocade, augmente le temps de traversée en voiture. La temporalité ainsi modifiée par la contrainte à l'usage du véhicule individuel est un véritable facteur d'adoption de la mobilité active. Elle devient donc un facteur d'aménagement sur lequel nous pouvons agir en réfléchissant aux déterminants de santé. La contrainte sur l'usage du véhicule personnel motorisé, implique nécessairement une offre alternative. Cette offre alternative est une offre en mode doux, c'est-à-dire, en transport en commun ou en mode actif. Jusqu'à présent, les villes ont souvent présenté et appliqué cette alternative en proposant des transports en commun et en incitant à la mobilité active (zones de rencontre ou encore vélos libre-service) sans réfléchir à l'adéquation entre les deux. En effet, d'un point de vue environnementaliste, il n'est pas nécessaire d'y réfléchir puisque l'objectif est de développer la part modale des modes doux pour réduire la pollution (atmosphérique, sonore, visuelle etc.). En revanche, d'un point réflexif sanitaire, il faut réfléchir qualitativement à l'adéquation entre les transports en commun et les modes actifs (voirie, aménagements, attracteurs), et quantitativement à la part modale de chaque mode Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 5 | 1 4 8 en fonction des objectifs de trajet, et de la distance. Par exemple, Avignon dispose d'un parking relais, le parking des Italiens, se situant en moyenne, à pied, à moins de 10 minutes de l'entrée des remparts (Porte Saint-Lazare), et à moins de 20 minutes du centre-ville (Place Pie). Ce parking dispose d'une navette le reliant au centre-ville avec une fréquence de 5 à 12 minutes. D'un point de vue environnementaliste, cela est suffisant puisque le parking relais avec la navette permettent effectivement d'atteindre les objectifs environnementaux. En revanche, avec une approche positive et globale de la santé, l'objectif serait d'augmenter la part modale active entre le parking et le centre-ville. Aujourd'hui, les usagers du parking ont tendance à utiliser le bus puisqu'il est fréquent et que l'aménagement n'incite pas à la mobilité active (trottoirs réduits, voies vélo, Avenue de la synagogue, dangereuses). Si nous prenons en compte, les déterminants de santé, alors Avignon aménagerait les deux avenues reliant le parking au centre-ville, de telle sorte à faciliter les modes actifs et à les rendre attrayantes. De plus, elle réduirait la fréquence des navettes, sans les supprimer, de telle sorte à contraindre à la mobilité active, puisque les usagers d'un point de vue temporel y verraient un avantage. Enfin, ces aménagements spatiaux et temporels seraient accompagnés d'une campagne de promotion de la mobilité active comme facteur de santé, combattant la sédentarité (panneaux publicitaires, flyers de la ville etc.). Lausanne intègre la mobilité active dans son PDcom par deux chapitres : piétons et vélos. Ci-dessous, nous disposons deux cartes, provenant du Programme d'actions du PDcom (équivalent des OAP en France). Ces deux cartes (Figure n°27 et 28) montrent l'existence d'itinéraires piétons et vélos couvrant la quasi-entièreté de la ville. Les liaisons, connexions et perméabilités manquantes sont prévues dans le dernier PDcom. Lausanne dans le développement de sa « trame viaire active » a dû prendre en compte la topographie particulière de la ville. En effet, du lac vers le Nord, Lausanne doit composer avec des dénivelés plus ou moins importants. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 6 | 1 4 8 Figure n° 27 : Programme d'action thématique- Mobilité- Vélos Source : PDcom- Programme action - Ville de Lausanne mars 2021 Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 7 | 1 4 8 Figure n°28 : Programme d'action thématique- Mobilité- Piétons Source : PDcom- Programme action - Ville de Lausanne mars 2021 Pour le vélo qui représentait en 2015, 2% des modes utilisés, l'objectif est de 15% en 2030329 Lausanne, prenant en compte des nécessités de combat contre la sédentarité, souhaite, malgré la topographie, encourager le mode actif qu'est le vélo. Ainsi, la ville mise sur le « Bike and Ride»330, c'est-à-dire une offre combinée de transports en commun, de mise à disposition de vélos libre-service et de stationnements pour vélo, permettant d'utiliser le vélo sur un faible dénivelé ou un dénivelé négatif et lorsque le dénivelé est positif et important, prendre un transport en commun.331 Il est alors intéressant de voir que la ville qui pourrait se limiter 329 Bureau de la communication-Web & multimédia - webmaster@lausanne.ch, « Observatoire de la mobilité », Site officiel de la Ville de Lausanne, consulté le 17 novembre 2021, https://www.lausanne.ch/vie-pratique/mobilite/mobilite-douce-et-trafic/observatoire-mobilite.html. 330 Bureau de la communication-Web & multimédia - webmaster@lausanne.ch, « Stationnement pour vélos », Site officiel de la Ville de Lausanne, consulté le 21 novembre 2021, https://www.lausanne.ch/vie-pratique/mobilite/mobilite-douce-et-trafic/a-velo/stationnement-velos.html. 331 Bureau de la communication-Web & multimédia - webmaster@lausanne.ch, « Stationnement pour vélos », Site officiel de la Ville de Lausanne, consulté le 17 novembre 2021, https://www.lausanne.ch/vie-pratique/mobilite/mobilite-douce-et-trafic/a-velo/stationnement-velos.html. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 8 | 1 4 8 aux transports en commun pour faciliter les déplacements, dans une approche environnementaliste, souhaite ne pas se réduire à cela, et développer l'approche santé. De plus, la topographie peut représenter, certes, une contrainte à la mobilité active, mais également être un avantage. En effet, si nous prenons des trajets courts, l'effort produit sur un dénivelé positif sera plus important que sur un dénivelé nul. Ainsi, marcher 15 minutes à Avignon, ne représentera pas 15 minutes de marche à Lausanne (rue en pente). La ville peut donc d'un point de vue santé aussi adapter son offre, en encourageant fortement la mobilité active sur des courts trajets et en adaptant sur des trajets moyens. Cependant, toutes les démarches que nous avons présentées, rencontrent certaines limites, notamment pour la gestion des flux des villes voisines de la métropole de Rennes et de l'agglomération d'Avignon. Si nous reprenons l'exemple d'Avignon, une des applications de ce que nous avons présentée est le Plan Faubourg332 Figure n° 29 : Desserte par boucles au sein du Faubourg- Avignon Source : Plan Faubourg- la Ville d' Avignon- September 2021 332 Plan Faubourg- esprit village- ville d'Avignon Source : Plan Faubourg- la Ville d' Avignon- September 2021 Figure n° 29 : Sens de circulation Faubourg- Septembre 2021 Le Plan Faubourg prévoit entre le Boulevard Saint-Roch et la Rocade ainsi qu'entre Route de Marseille et le Boulevard Eisenhower, un apaisement, par des zones de rencontre, zones 30, des sens uniques, ainsi qu'un maillage et des aménagements pour la mobilité active. Or, l'application du Plan Faubourg va certes fonctionner dans la zone concernée, mais la contrainte sur la voiture va créer de nouvelles problématiques. En effet, la contrainte sur la voiture au sein d'Avignon, combinée à la mobilité pendulaire des habitants de l'agglomération, traversant la ville pourra créer des congestions plus importantes. Ainsi, l'application de ces plans doit nécessairement intégrer une vision géographique plus globale intégrant les communes du Grand Avignon. L'esprit développé, notamment dans le Plan Faubourg doit s'étendre aux plans de l'agglomération voire même à l'aire urbaine, comme le fait aujourd'hui Rennes dans le cadre de la métropole. Sans discuter précisément de ce qui pourrait être aménagé, le Grand Avignon doit répondre à cette problématique. La réponse à cette problématique dépendra du point de vue adopté. En effet, comme certaines villes l'ont fait, il est possible d'étudier des déviations, mais également d'étudier comment adapter les déplacements des populations au sein de l'agglomération et du territoire. À partir d'ici, le Grand Avignon aura le choix entre une offre de transports en commun, ou une réflexion intégrant les déterminants de santé et proposant donc un maillage, une offre modale, qui Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 2 9 | 1 4 8 Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 0 | 1 4 8 combinent transports en commun et modes actifs. Concrètement, à partir d'une EIS, le Grand Avignon peut étudier une offre globale par la mise en place de transports en commun (BHNS, voies bus etc.) conjointement à la mise en place de voies pour les modes actifs, comme le REV à Rennes en fonction des nécessités, de la distance des communes, et de la topographie. Aujourd'hui le Grand Avignon porte le projet NPNRU (Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain). Trois grands quartiers d'Avignon, s'étalant sur 2 km sont concernés par ce programme. Cependant, au regard de la convention pluriannuelle, on constate que peu de place est accordée à la problématique de la santé en ville. En effet, le NPNRU du Grand Avignon consacre seulement un article très succinct à ce sujet (« L'urbanisme favorable à la santé »), qui prévoit un plan Marche sur un périmètre très réduit. En outre, le Grand Avignon intègre cet article dans son Plan Intercommunal de Santé Publique 2020-2022 (PLS). Ce PLS n'est qu'un simple Atelier Santé Ville (ASV) qui comporte des données sans pour autant proposer un plan d'action pouvant favoriser la santé dans l'agglomération. En parallèle du NPNRU, nous avons vu qu'Avignon mettait en oeuvre un Plan Faubourg visant à réduire le « tout-voiture ». Sa philosophie est une bénédiction pour la santé publique. Il est clair que le NPNRU serait une aubaine pour intégrer la santé en ville de manière plus globale. En effet, le Grand Avignon pourrait s'appuyer sur les plans d'action du Plan Faubourg d'Avignon en les intégrant à son NPNRU et à son Plan Intercommunal de Santé Publique pour généraliser cette problématique à toute l'agglomération avignonnaise. De cette manière, le Plan Faubourg serait soutenu par le NPNRU, ce qui lui permettrait d'être appliqué de manière efficiente. Dans cette optique, avec cette stratégie de renouvellement urbain, le Grand Avignon profitera de mettre une nouvelle stratégie de mobilité urbaine qui est à même d'accompagner la réussite du Plan Faubourg et du NPNRU. Plus généralement, l'application globale de la mobilité engendre une réflexion au niveau de l'agglomération et de la métropole. Cette stratégie ne sera pas totalement efficace si une EIS n'est pas réalisée. En effet, elle permettra de diriger les différents changements vers un urbanisme de prévention pour la santé et vers le sentiment que les habitants s'approprient leur espace, c'est le « droit à l'espace »333. Ce droit à l'espace ne peut s'exercer qu'à partir 333 Thierry Paquot, « Redécouvrir Henri Lefebvre », Rue Descartes 63, no 1 (2009): 8, https://doi.org/10.3917/rdes.063.0008. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 1 | 1 4 8 d'une connaissance considérable du territoire qui se traduira par une réponse à «l'exigence de beauté urbaine, de confort urbain, de bien-être environnemental»334. Nous avons développé plusieurs arguments d'un point de vue d'organisation générale de la ville. Il est désormais intéressant d'étudier la démarche des trois villes à des époques différentes, au travers d'une étude comparative de la conception de trois écoquartiers : Beauregard (Rennes), Plaines-du-Loup (Lausanne) et Joly-Jean (Avignon). La conception et construction du quartier Beauregard (Cf. figure n° 30) a commencé dans les années 90 avec une volonté de préserver l'esprit de la trame agricole alors existante. Pour étudier ce quartier, nous nous appuyons sur une étude menée par Audiar en 2014, qui se fonde sur des témoignages d'habitants335. Nous sommes particulièrement intéressés par l'aspect mobilité détaillée dans l'étude. Nous notons que les habitants marchent globalement dans leur quartier de l'Est à l'Ouest, notamment pour les loisirs. En revanche, les habitants témoignent des difficultés à se déplacer à pied pour sortir du quartier, mais également à l'intérieur, sur certaines voies, en raison de leur discontinuité pour les modes actifs. Les déplacements à vélo sont peu usités. Le manque d'éclairage de certaines rues pour marcher, crée des conflits entre vélos et piétons et diminuent le sentiment de sécurité. Également, le rapport soulève une remarque qui indique une discontinuité de la piste cyclable, « [...]où il faut s'arrêter tous les 100 »336. Enfin, dans certains îlots, un certain nombre de vols dissuadent les habitants de disposer d'un vélo et d'en faire. Pour les enfants, les parents ne laissent que très rarement leurs enfants aller à l'école ou sortir seuls. Le Pédibus est lui globalement inconnu par les habitants malgré son développement. Nous notons enfin une circulation automobile existante et potentiellement dangereuse au sein du quartier. En résumé, le quartier évoluera certainement dans le temps, intégrant les nouveaux objectifs de Rennes autour de la santé. 334Idem 335 « synthese_beauregard_web.pdf », consulté le 17 novembre 2021, https://www.audiar.org/sites/default/files/documents/editeur/etudes/synthese_beauregard_web.pdf. 336 Témoignage d'un habitat de Beauregard- Rapport Audiar- Beauregard, Regards d'habitants. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 2 | 1 4 8 Figure n°30 : Quartier Beauregard Source : Deux nouvelles cartes à Rennes - deux degrés ( deuxdegres.net) À Avignon, la conception de la ZAC Joly Jean (Cf. figure n°31) a débuté en 2009 avec un écoquartier ne correspondant pas au principe d'un écoquartier, créant un conflit avec le voisinage. En 2014, la municipalité actuelle a donné une nouvelle orientation à ce quartier, intégrant les principes d'écoquartier, notamment les bâtiments à bas étages, la nature dans le quartier et la mobilité active. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 3 | 1 4 8 Figure n°31 : Carte espace vert et axe mode actif centraux Source : Avignon - Joly Jean - Citadis (Citadis Aménageur) Le quartier est, comme montré sur la carte, structuré autour d'un axe fort de déplacements en mode actif, intégrant la nature et divers éléments d'attractivité. Parmi ces éléments d'attractivité, nous retrouvons plusieurs jeux d'eau (l'eau étant le thème central du quartier), mais également un théâtre de plein air, par exemple, ainsi qu'une trame verte, existante, traversant le quartier. Parallèlement à ce projet Enfin, le quartier en construction Plaines-du-Loup (Cf. figure n°32) intègre dans son programme un atelier Métasanté, équivalent d'une EIS. À partir de cet atelier, les déterminants de santé ont été pris en compte dans la conception même du quartier. Ainsi, dans la carte ci-dessous, nous observons que le quartier est structuré autour d'un axe de mobilité active avec des centralités équidistantes. L'atelier Métasanté intègre une vision particulière de cet axe à travers les « rues actives ». Concrètement, les rues actives disposeront d'un certain nombre d'éléments attracteurs motivant l'intérêt et répondant aux besoins de tous les âges. Ainsi, le long de ces rues, nous trouverons des équipements de loisirs, d'activité physique, des points d'eau, des points de jardinage etc. Les centralités du quartier seront des parcs avec de tels aménagements mais également la rue du marché au centre des Plaines-du-Loup incitant également à la mobilité active. L'aménagement paysager permettra également la motivation à la pratique de l'activité physique. Notons également que le quartier disposera de connexions avec d'autres en mobilité active et en transports en commun. Les Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 4 | 1 4 8 stationnements seront centralisés en extrémité du quartier pour réduire au maximum la voiture au sein de celui-ci. Un certain nombre de garderies, d'équipements pour les enfants seront disposés dans tout le quartier, les incitant également à se déplacer à pied. Enfin, suivant l'exemple de New-York, le quartier cherche à favoriser la marche, donc l'utilisation des escaliers jusque dans les bâtiments. Figure n°32 : Carte de synthèse de l'atelier Métasanté- Ecoquartier Plaines du loup Source : Ville de Lausane-Projet Métamorphose- realisation Urbaplan 2015 Nous voyons donc que les différences entre ces quartiers dépendent directement du point de vue initialement choisi pour leur conception. Ainsi, Beauregard, à l'époque, mettant au centre la préservation de la trame agricole, ne s'est peu soucié de la mobilité active et des conséquences sur la santé. Joly Jean constitue une transition entre Beauregard et Plaines-du-Loup où la mobilité active est prise sous le prisme de l'environnement pour un quartier sans voiture. Enfin, Lausanne intègre directement la santé dans la conception des Plaines-du-Loup où dans l'organisation du quartier (centralités, trame viaire interne, desserte, parkings), la construction des bâtiments, la mise à disposition des services, et une attractivité pensée, cherche à faire bouger les futurs habitants. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 5 | 1 4 8 Nous avons donc vu, à travers la mobilité active, qu'en prenant en compte les déterminants de santé, l'urbanisme acquiert une démarche préventionnelle, et développe ses possibilités d'action. VI.8- Comment l'intégration de la santé dans les documents d'urbanisme peut permettre de recréer le lien entre médecine et urbanisme ? Nous nous posons enfin la question de comment intégrer explicitement la santé dans les documents de planification afin que l'urbanisme puisse avoir une démarche préventionnelle pour la santé limitant le tout médical. Nous constatons à Rennes que le PADD fournit, aujourd'hui, une orientation trop générale en principes. De même, le PLS donne des orientations et des initiatives très générales, et pouvant être difficilement appliquées dans l'aménagement. Autrement dit, la non-intégration explicite et concrète des déterminants de santé marque sur ce sujet une « rupture entre urbanisme de planification et urbanisme opérationnel ». À Lausanne, Métasanté intégré dans le projet Métamorphose est un projet intégrant des principes généraux posés par l'OMS mais également et surtout l'équivalent d'une EIS. Cet équivalent marque des principes mais agit également dans une opération concrète dont on voit les effets avec la conception du projet Plaines du Loup. À partir de Métasanté et de la volonté d'un atelier Métasanté dans la conception des Plaines-du-Loup, la ville a intégré la santé dans le PDcom. Elle rétablit sur la santé le lien entre urbanisme de planification en planifiant la santé avec des objectifs concrets (même partiellement aujourd'hui) et urbanisme opérationnel en appliquant dans divers projets dont le projet phare : les Plaines-du-Loup. Notons que Métasanté a été motivé suite à la démarche du Dr.Cornuz, directeur de la polyclinique Unisanté de Lausanne auprès de la municipalité. Le projet Métasanté regroupe ainsi des spécialistes de l'urbanisme, de l'architecture, des géographes, des sociologues et surtout des médecins et des spécialistes de la santé. Nous affirmons que c'est la collaboration retrouvée entre médecine et urbanisme qui permet aujourd'hui de telles avancées. À Rennes, une telle démarche de collaboration et d'interdisciplinarité est en cours et en construction. En effet, la ville et la métropole de Rennes, fait de plus en plus appel à l'EHESP dont la collaboration étroite a permis l'émergence du projet ISadOrA, véritable guide théorique et schéma directeur de ce que l'urbanisme de planification doit intégrer pour la santé. Il s'agit d'un Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 6 | 1 4 8 projet qui permettrait également comme à Lausanne, sur la santé, de retrouver le lien entre les deux disciplines (médecine et urbanisme). Ici aussi, c'est la coopération interdisciplinaire qui doit permettre de retrouver ce lien. Également, dans un objectif d'intégrer rapidement dans les révisions futures des documents de planification, Rennes fait partie du projet CUSSH337 (Complex Urban Systems for Sustainability and Health). Un projet de recherche scientifique qui tend à alimenter les décideurs d'informations solides et des connaissances scientifique afin de les aider dans leur choix en matière d'aménagement favorable à la santé338. De notre point de vue, il est extrêmement important de matérialiser de nouveau les liens entre urbanisme et médecine afin que l'urbanisme ait une démarche préventionnelle. Pour cela, il faut que l'État réglemente l'intégration de la santé dans les documents de planification, au même titre que le développement durable. Une telle réglementation pourrait agir à plusieurs échelons en s'appuyant sur différents types d'EIS. Au niveau du territoire, le SCOT devrait s'appuyer sur une évaluation (regroupée) d'impact sur la santé et sur l'environnement (EISE) de planification pour établir ses objectifs. Ainsi, dans le SCOT, il devrait y avoir des objectifs et une orientation qualitatifs et quantitatifs de santé et d'environnement, en plus de ce qu'il prévoit déjà aujourd'hui. Chaque commune, relevant du SCOT, pour appliquer ces objectifs généraux dans le cadre de leur ville, devrait alors établir une EISE de planification au niveau de la ville pour établir un PLU(i)SE intégrant donc les objectifs de santé et d'environnement dans toutes les variables d'aménagement (logements, trame viaire, transports etc.). Enfin, sur chaque projet d'aménagement, une EISE d'aménagement, devrait être réalisée sur le périmètre du projet en collaboration étroite avec des médecins. Chaque EISE comporterait une analyse du projet, mais également une projection ou un retour sur les conséquences. Ce sont ces EISE qui permettraient de retrouver le cadre commun entre urbanisme et médecine. Pour réaliser tout cela, l'État doit codifier ces étapes et la nature de ces nouveaux documents dans le Code de l'urbanisme afin qu'il puisse commencer à prendre en compte ces facteurs partout et qu'ils soient inscrits dans les prochaines années, dans les documents. 337 CUSSH, « Rennes -- Complex Urban Systems for Sustainability and Health (CUSSH) », CUSSH, consulté le 17 novembre 2021, https://projectcussh.org/fr/cities/rennes/. 338 CUSSH, « Nos villes -- Complex Urban Systems for Sustainability and Health (CUSSH) », CUSSH, consulté le 21 novembre 2021, https://projectcussh.org/fr/cities/. Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 1 3 7 | 1 4 8 |
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