Selon l'OMS l'activité physique se définit
comme : « tout mouvement corporel produit par les muscles
squelettiques qui requiert une dépense d'énergie
»264. Il s'agit de tous les mouvements du corps
que l'on réalise par tout : dans le cadre des loisirs, sur le lieu de
travail ou pour notre mobilité pour aller d'un lieu à l'autre.
L'activité physique revêt donc un large éventail de choix,
le sport n'en constituant qu'une partie. La marche, le vélo, la
trottinette, le skatebord, les rollers (la mobilité active), la
détente active (jardiner, flâner, bricoler etc.) et le jeu
constituent des méthodes primaires et à la portées de tous
de pratiquer une activité physique265.
Nous avons vu l'impact négatif de la
sédentarité sur la santé. En effet, l'inactivité
physique est source de nombreuses complications, évitables, pour la
santé de l'individu. En revanche l'activité physique peut
diminuer considérablement la mortalité précoce. Ainsi, un
mode de vie incluant, au minimum, 15 à 20 minutes d'activité
physique quotidienne réduit la mortalité de 14%
indifféremment de l'âge et du genre266. On constate
donc que la pratique d'une activité physique avec une intensité
moyenne ou soutenue permet d'améliorer considérablement la
santé des individus267. Parmi les facteurs réduisant
mécaniquement le risque de tomber malade, il y a la marche pendant vingt
minutes par jour. Dix minutes d'activités intenses réduisent
quasiment à néant les risques liés à la
sédentarité268.
Selon une expertise de l'Institut National de la Santé
et de la Recherche Médicale (INSERM) publiée en 2008,
d'après une étude réalisée sur 5 000 individus et
suivis pendant 5 ans minimum, on constate que les risques de
décès sont considérablement réduits chez les
personnes pratiquant une activité physique régulière par
rapport aux personnes peu voire non actives physiquement. Ce résultat
est valable chez tous les individus quels que soient l'âge et
l'étiologie des maladies ou du décès. La réduction
de la mortalité varie entre 2% et 58% selon
264 « Activité physique ». art
déjà cité
265 Idem, art déjà cité
266 Chi Pang Wen et al., « Minimum Amount of Physical
Activity for Reduced Mortality and Extended Life Expectancy: A Prospective
Cohort Study », The Lancet 378, no
9798 (1 octobre 2011): 1244-53,
https://doi.org/10.1016/S0140-6736(11)60749-6.
267 Organisation mondiale de la Santé, Lignes
directrices de l'OMS sur l'activité physique et la
sédentarité : en un coup d'oeil (Genève:
Organisation mondiale de la Santé, 2020),
https://apps.who.int/iris/handle/10665/337003.
268 BOINO, Ville et santé: Portée et limites
d'une construction objectivée des problèmes publics-M1 Urbanisme
et aménagement -Dynamiques urbaines- 2020- Institut d'Urbanisme de Lyon
(IUL) Université Lyon 2- 75 pages.
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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le niveau d'activité physique
pratiqué269.
Il est donc scientifiquement prouvé que
l'activité physique impacte positivement la santé des individus.
Elle apporte donc des bienfaits dont le corps, dans sa globalité, a
besoin. Ainsi pour les personnes âgées, elle ralentit et /ou
arrête certains processus délétères relatifs au
vieillissement. De plus, elle favorise le maintien de la bonne santé
tout au long de la vie et de la prise d'âge. En maintenant le bon
fonctionnement de la masse musculaire, elle permet également de diminuer
les chutes et donc les risques de fractures du col du fémur, ce qui
freine l'échéance de la dépendance. Enfin, la santé
mentale est également influencée par la pratique d'une
activité physique. En effet, l'activité sportive permet
d'atteindre un bien-être mental car elle aide à réduire le
stress, elle fait prendre conscience de son corps, elle participe à la
vie sociale, elle améliore la capacité intellectuelle et
cognitive, l'estime de soi et permet de contrôler ses émotions et
la dépression270.
En France depuis 2017, le décret n° 2016-1990 du
30 décembre 2016 permet de prescrire la pratique d'une activité
physique adaptée (APA), uniquement, aux patients atteints d'une
affection de longue durée271. En effet, l'APA s'inscrit :
« en prévention secondaire et tertiaire des maladies
chroniques. La recherche scientifique a dénombré dix maladies
chroniques pour lesquelles l'APA est considéré comme un
traitement nécessaire : le diabète de type II,
l'obésité, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO),
l'asthme, le cancer, les syndromes coronaires aigus, l'insuffisance cardiaque,
les accidents vasculaires cérébraux, les maladies
ostéoarticulaires, la dépression et la schizophrénie
»272.
Cette volonté politique de reconnaitre
l'activité physique comme un traitement non médicamenteux,
correspond globalement à la démarche de la promotion de la
santé. Mais cette volonté politique s'inscrit dans une approche
curative. Peut-on alors lui donner une orientation préventionnelle en
l'élargissant à l'ensemble de la population ? Si cette mesure,
pour des raisons économiques, ne peut être élargie à
l'ensemble de la population, elle mérite au moins une analyse des
coûts et bénéfices. En effet l'activité physique
n'impacte pas uniquement la santé mais également
l'économie et notamment celle de la santé. Une activité
sportive pratiquée régulièrement aide également
à l'amélioration de l'efficacité économique
269 « Activité physique -Contexte et effet sur la
santé- Expertise collective- Inserm- Institut national de la
santé et de la recherche médicale- @édition Inserm, 2008
», s. d.
270 Emmanuel Poirel, « Bienfaits psychologiques de
l'activité physique pour la santé mentale optimale »,
Santé mentale au Québec 42,
no 1 (2017): 147,
https://doi.org/10.7202/1040248ar.
271 « Décret n° 2016-1990 du 30 décembre
2016 relatif aux conditions de dispensation de l'activité physique
adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients
atteints d'une affection de longue durée », 2016-1990 §
(2016).
272 Fédération National d'Education et de la
promotion de la Santé, « PROMOUVOIR L'ACTIVITÉ PHYSIQUE DANS
LES TERRITOIRES- D-CoDé Santé », février 2021,
www.fnes.fr.
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démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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car elle aurait une incidence sur la productivité.
Récemment, une étude a démontré que lorsqu'une
personne travaillant de façon sédentaire commence la pratique
d'une activité physique régulière, son rendement augmente
entre 6% et 9% selon son degré d'engagement dans la pratique de cette
activité sportive273. Nous avons évoqué,
précédemment, les coûts relatifs à la
sédentarité, nous allons maintenant voir les
bénéfices (coûts évités) de la pratique de
l'activité physique. Rapprochées aux coûts directs et
indirects liés à la pratique physique, les retombées
économiques nettes de développement de l'exercice physique
peuvent être estimées à 7,7Mds€274 (Cf.
figure n° 18).
Figure n° 18: Économie générale par un
développement de la pratique physique
![](Urbanisme-et-sante19.png)
Source : Direction des Sports - Bureau de
l'économie du sport, « Activité physique et sportive,
santé et qualité des finances publiques », Note d'analyse
(Ministère des Sports, 31 janvier 2018).
Plus les gens sont physiquement actifs plus les
économies augmentent. Si on généralise la pratique
physique à toute la population, l'économie réalisée
serait de 16,7Mds€. À cette somme, 9Mds€ de coûts
supplémentaires seraient à déduire (frais correspondants
aux accidents liés à l'activité physique). Nous
atteindrions donc une économie nette (gain) de 7,7MDs€.
273 idem
274 Direction des Sports - Bureau de l'économie du sport,
« Activité physique et sportive, santé et qualité des
finances publiques ».
Nous sommes donc face à un défi selon lequel,
la politique locale, ne pourra pas imposer ou rendre obligatoire
l'activité physique. La médecine n'a, elle non plus, pas de
médicaments pour faire bouger les gens275. Mais la
réflexion urbaine peut s'inscrire dans une démarche
préventionnelle et « provoquer » un
comportement actif en ville. L'étude ci-dessous démontre que
cette démarche est tout à fait réalisable.
Cette étude, menée par des spécialistes
de la planification urbaine, de l'aménagement ou de
l'urbanisme277, vise à comprendre l'influence de
l'environnement construit dans lequel évoluent les populations sur
l'activité physique. Elle détermine l'environnement
aménagé sur une base de six paramètres : la
densité, l'intensité urbaine, la connexion entre les
réseaux de communication, le niveau de hiérarchisation de la
trame viaire, les qualités physiques des espaces et la topographie ainsi
que la morphologie du territoire278. Ces dernières
constituent un critère déterminant car il définit la
proportion spatiale attribuée à la voiture (plus rapide) par
rapport à la mobilité active. Pour 25% des déplacements
inférieurs à 1,5 Km, l'incitation à la mobilité
active pourrait être envisagée, quelles que soient la topographie
et la morphologie de l'espace279. Par ailleurs, en rendant certains
espaces plus attractifs, notamment la nature en ville, des barrières
psychologiques entravant l'usage de la mobilité active seront
supprimés280.
275 « Espace public, santé, marchabilité
Vers des environnements urbains qui invitent à bouger- Rue de
l'Avenir-2015 », s. d.,
www.rue-avenir.ch.
276 « Activité physique -Contexte et effet sur la
santé- Expertise collective- Inserm- Institut national de la
santé et de la recherche médicale- @édition Inserm, 2008
».
277 Idem, art. déjà cité
278 Idem, art. déjà cité
279 Idem, art. déjà cité
280 Idem, art. déjà cité
Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
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Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une
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En effet, il est scientifiquement prouvé que pratiquer
une activité physique dans la nature est très
bénéfique pour la santé physique et mentale. La
combinaison des deux révèle un avantage synergique281.
En Amérique du Nord, des études ont démontré qu'il
existe un lien entre la fréquentation des parcs en ville (Central Park,
Dog Park, etc.) et la pratique de l'activité physique.282 En
effet, la nature dans les villes constitue un critère de motivation
important pour la pratique d'une activité physique (marche, course
à pied, gymnastique d'entretien).
Par ailleurs, une étude britannique poussée a
mis en avant ce lien entre nature et santé mentale et physique et
cherche à prouver qu'un avantage synergétique existe lorsque la
pratique d'une activité physique s'effectue dans un cadre de
nature283. Cette étude traite de l'environnement et de
l'impact psychologique qu'il peut avoir en fonction de l'image qu'il renvoie
:
« Elle s'appuie sur 5 groupes de 20
personnes exposées à une séquence de 30 scènes
projetées sur un mur tandis qu'ils sont occupés à une
activité d'entretien physique. Quatre catégories de scènes
peuvent être projetées : une scène rurale plaisante, une
scène rurale désagréable, une scène urbaine
plaisante, une scène urbaine désagréable. Les auteurs
mesuraient la tension des sujets ainsi que deux critères psychologiques
: l'estime de soi et l'humeur, avant et après l'intervention. L'exercice
seul (sans les images) réduit la tension, accroît l'estime de soi
et a un effet positif sur les traits d'humeur. Les scènes rurales et
urbaines agréables produisent un effet positif plus grand encore sur
l'estime de soi. Ceci montre, de l'avis des auteurs, l'effet
synergétique du cadre. En revanche, les scènes
désagréables urbaines et rurales réduisent l'effet positif
sur l'estime de soi. Enfin, les scènes rurales
désagréables et dramatiques ont le plus grand effet, diminuant
les effets bénéfiques de l'exercice. Pour autant, un tel
protocole nous paraît bien artificiel (il nous semble relever d'une
psychologie de laboratoire) pour qu'on puisse transposer à la nature
elle-même les exercices dits exercices verts (green exercice) qui sont
effectués en tenant compte d'un environnement plaisant.
»284
Les deux études démontrent clairement que
l'environnement de vie physique, socio-culturel et spatiale d'un individu
détermine sa motivation à la pratique de l'activité
physique. Elle ne relève donc pas que de sa seule volonté
à pratiquer ou non une activité physique. De ce fait nous
déduisons que l'action politique sur l'environnement urbain est donc
primordiale en
281 Idem, art. déjà cité
282 Idem, art. déjà cité
283 Idem, art. déjà cité
284 « Activité physique -Contexte et effet sur la
santé- Expertise collective- Inserm- Institut national de la
santé et de la recherche médicale- @édition Inserm, 2008
».
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démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ?
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matière d'activité physique, elle peut orienter
et développer la motivation pour la pratique d'une activité
physique quotidienne. Au regard de leur proximité avec les habitants et
leurs prérogatives, les collectivités territoriales constituent
l'institution pertinente de l'application d'actions développant
l'activité physique à travers la conception et l'organisation de
la ville. Cela a été démontré avec
l'avènement de la Covid-19.
VI.3- Comparaison des contextes des villes : limites
qualitatives de
notre analyse